Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LE ROLE DES FEMMES DANS LA TRAGEDIE DU ROI MANGA BELL

Par EDOUARD KINGUE

Saga Mboa Sawa Emily Engome de Bon’essoka, la pasionaria Bell. Les femmes autour de la tragédie du Roi Bell ont toujours joué un rôle discret, souvent anonyme. A l’occasion du TET’EKOMBO 2023 un vibrant hommage vient d’être rendu « aux femmes activistes, actrices de la résistance contre l’occupant allemand » par un certain REFIFEB (regroupement des femmes et filles Bonabele du Canton Bell). Cette association raconte avec beaucoup de poésie, l’épopée de Ngosso Din, jeune héros dévoué à la cause défendue par le roi Bell. « Il est 4 heures du matin, à l’aube grise, entre les feuilles de bananier et de macabo perlée d’une rosée rafraîchissante, entre les cases en toit de NGONJA et des murs de KALABOTI se faufilent des ombres, des silhouettes à peine reconnaissables de quelques femmes.

Des épouses et filles déterminées à contribuer à la résistance salutaire qui s’organise depuis quelques temps Toute la nuit, à la faveur d’une VRAIE-FAUSSE VEILLEE FUNEBRE IMPROVISEE, des mains tremblantes, elles ont confectionné, avec dextérité, malgré la ronde des gardes allemands et des espions-traîtres qui rôdaient, les « miondo-courrier » que devait emporter NGOSSO DIN en Allemagne. Ce courrier, destiné au Parlement allemand, informait le Reich de la situation catastrophique qui prévalait au Kamerunstadt, ancienne appellation de Douala. -Presse toi ‘Iyo K’, le paquet est prêt, ces colons n’y verront que du feu. -Chut tais-toi ! Tu pourrais être entendue par une oreille TRAITRESSE Chuchota ‘Anti B’. Le messager était prêt et le paquet fut livré. Le bateau quittait les berges de TIKO le lendemain.

Par prudence, le clandestin Ngosso Din était contraint d’y être planqué la veille. Deux mois après, avec la complicité des avocats allemands Halpert et Gertack, le courrier est arrivé à bon port. Malheureusement, Ngosso Din est arrêté par la police allemande le 15 mai 1914 et pendu le 8 Août avec son Roi – SON ILLUSTRE COMPAGNON DE MISÈRE – son complice, frère et patron Rudolf DOUALA MANGA BELL. » Au péril de leur vie, ces dames anonymes ont forgé la détermination du roi. Après son retour au pays en 1896, Rudolph Manga Bell épouse en décembre 1896 Emily Engome Dayas, (1881 1936), la fille de Tebedi Njanjo Eyoum de Bon’essoka Muloby et de Thomas Zincraft DAYAS Dayas (1833 1893) un commerçant anglais installé à Kamerunstadt. Rudolf a alors 24 ans et Emma a 15 ans. Leur union de feu et d’amour a duré 17 ans et 8 mois, avant que la terrible potence n’y mette physiquement fin Le 2 septembre 1908, Manga Bell succède à son père comme Chef Supérieur de la dynastie Bell (fondée depuis 1792) qui regroupe les Bonapriso, Bonadoumbe et Bonamandone tous propriétaires et habitants du Plateau Joss à Douala. Bonamandonè est le véritable nom du Quartier « Bali » dans le canton Bell.

Si ce nom (Bali) a prévalu au détriment de celui de Bonamandonè, c’est tout simplement à cause des éleveurs de bœufs originaires de Bali (Nord-ouest du Cameroun) encore appelée  » Mbororo  » qui s’y était installés avec leur troupeau à l’époque colonial. À l’époque, Douala était composé de plusieurs tribus : Bakole, Bakweri, Bamboko, Limba (ou Malimba), Mungo, Wovea et Isubu du sud-ouest. Emma Engome Bell, qui a survécu à la pendaison de son époux, est morte à 55 ans en 1936. 22 ans après la pendaison de son mari. Femme de tête, femme de roi, durant sa vie conjugale, elle se sera illustrée comme une femme certes discrète, mais active ; comme le plus proche conseiller de Rudolph Manga Bell. On se souvient de ses émouvants adieux à son mari à quelques heures du drame royal. Parlant à son épouse, quelques heures, avant d’aller vers son tragique destin, les derniers mots du supplicié furent : « Je reconnais leur avoir répété à satiété ce dicton de chez nous :  » La terre ancestrale ne migre pas. Elle reste l’héritage de la descendance.

J’ai exhorté mes frères à s’acquitter chaque jour de leur devoir envers l’histoire. Le devoir d’aimer et de protéger notre pays d’un amour sincère et profond comme on aime et protège son enfant ». Quelques heures avant sa mort programmée, l’Adieu de Douala Manga Bell se heurta à l’énergique protestation de Emily à l’aube de son rendez-vous avec la potence : -Mais quand reviendras-tu ? Demanda son épouse en larmes. « Je ne suis pas en état de te dire exactement quand je reviendrai mais si contre toute attente il arrivait que je ne revienne pas vite, ou que je ne revienne pas du tout… Elle l’interrompit : « Je t’en prie Janea, arrête ! N’envisage pas une telle éventualité… » Douala Manga entoure la tête dressée de tresses de son épouse : « L’homme propose, Dieu dispose. Je peux me mettre à espérer que je serai bientôt libéré alors qu’en fait, c’est la mort qui m’attend. S’il arrivait que nous ne nous revoyions plus, ne te laisse pas aller au découragement, prend ma place auprès de nos enfants ; sois leur père et leur mère. Apprends-leur à aimer leur patrie plus que leur propre vie. Répète-leur sans cesse que quiconque trahit son pays sera frappé de malédiction.

 

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