Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LES BANTOUS : UN HERITAGE MILLENAIRE

 Par Danilu Luedisa

Le terme « Bantu », qui signifie « humains » en kikongo, désigne les locuteurs des langues bantoues, un groupe impressionnant d’environ 450 langues qui traverse notre continent, s’étendant du Cameroun aux Comores et du Soudan jusqu’à l’Afrique du Sud. Ce nom fut proposé à la fin du XIXe siècle par l’Allemand Bleek, et depuis, il symbolise une réalité linguistique et culturelle profondément enracinée dans l’histoire africaine.

Les Bantous ne partagent pas nécessairement une structure sociale ou politique uniforme, mais leur unité repose sur une caractéristique commune : une langue, ou plutôt un ensemble de langues liées par un système grammatical basé sur des classes, et non sur des genres. Leur expansion, commencée il y a environ 4 000 ans depuis les hauts plateaux du Cameroun, les mena vers le sud et l’est du continent, absorbant au passage des éléments linguistiques d’autres peuples, notamment les célèbres clics des langues Khoïsan. Combien de fois avons-nous entendu des généralités sur « les Bantous », comme s’ils formaient un bloc monolithique ? Pour beaucoup, ce terme évoque les populations du sud de l’Afrique.

Pourtant, réduire « Bantu » à une simple désignation ethnique ou géographique est une erreur courante, car il ne désigne pas des peuples spécifiques, mais un vaste ensemble de langues négro-africaines parlées dans le centre et le sud du continent. Ces langues forment un arc qui s’étend de Douala, au Cameroun, jusqu’à Mombasa, au Kenya. L’unité de ces langues fut démontrée dès 1907 par le linguiste allemand Carl Meinhof. Prenons l’exemple du mot « enfant », qui se dit Omwana en Mpongwe (Gabon), Mwana en Mbochi (Congo), Mwán en Beti (Cameroun), et ainsi de suite à travers le continent, soulignant la parenté linguistique qui lie ces peuples.

Le foyer originel des Bantous se situerait dans la région du lac Tchad, au nord du Cameroun, d’où ils se sont diffusés à travers l’Afrique centrale, frôlant la grande forêt équatoriale et poursuivant leur extension vers le sud. Les Xhosas et Zoulous, à l’est, ou encore les Hereros, à l’ouest, n’atteignirent leurs zones d’habitat actuelles qu’au XVe et XVIe siècles. Aujourd’hui, on dénombre entre 350 et 450 langues bantoues, selon que l’on considère certaines comme des langues distinctes ou des dialectes. Par exemple, le kirundi et le kinyarwanda, langues respectives du Burundi et du Rwanda, sont souvent perçues par les linguistes comme des dialectes d’une même langue. De même, au Gabon, les parlers tels que le Mpongwe, le Galwa ou l’Enenga relèvent d’une même langue, le Myéné.

L’intercompréhension entre les locuteurs de ces langues est souvent possible lorsque leurs communautés sont géographiquement proches, mais elle devient plus difficile entre des habitants du Bas-Congo et des Sud-Africains. Pourtant, le terme « bantou » est devenu si emblématique qu’il en est venu à désigner tout ce qui touche de près ou de loin aux locuteurs de ces langues. Cette dynamique a été renforcée par la création, en 1983, du Centre international des civilisations bantu (CICIBA) à Libreville. Aujourd’hui, cet ensemble humain, riche d’une parenté linguistique profonde, porte en lui l’histoire socio-ethnique et culturelle d’un continent en perpétuelle mutation.

Malheureusement, les langues bantoues, comme tant d’autres, subissent les influences extérieures, parfois au point de perdre leur essence originelle. Une situation alarmante, lorsqu’on mesure l’impact inestimable de ces langues sur la traversée du temps et l’évolution des civilisations africaines. Le défi est immense : préserver cet héritage linguistique, qui, bien plus qu’un simple moyen de communication, incarne la mémoire vivante d’un continent et de ses peuples. (sources Danilu Luedisa

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