« À cette époque, à Nkongsamba, les jeunes filles n’étaient pas, comme ailleurs, fascinées par l’argent. Ce qui les captivait, c’était l’élégance, le raffinement dans l’apparence, la manière dont les garçons savaient se vêtir avec goût, sans jamais glisser dans la vulgarité. Ce n’étaient pas les plus riches qui attiraient les regards, mais ceux qui savaient allier style et distinction. Les jeunes hommes à l’allure soignée, dont les vêtements trahissaient une certaine recherche, suscitaient l’admiration. Parmi eux, les fils du préfet se démarquaient souvent, revêtus de tenues impeccables, faisant d’eux des figures convoitées.
Cependant, leur charme n’était pas absolu. À Nkongsamba, d’autres jeunes hommes, tout aussi séduisants, issus de familles comme les Dipanda, Madengue, Ngollé, Ekroukan, Ekwalla, Ekwabi, Socka Bongué ou encore Elie Epongué Ekandjou, attiraient eux aussi l’attention. Pourtant, derrière cette élégance superficielle, d’autres critères, plus profonds, commençaient à émerger dans les choix des jeunes filles. Ce n’était plus seulement la posture sociale ou la richesse des parents qui dictaient leurs préférences. Désormais, l’intelligence, la probité morale, la discrétion et la dignité primaient. L’élève le plus brillant de la classe, celui qui se distinguait par son esprit, avait souvent plus de succès que celui qui misait uniquement sur son apparence. À Nkongsamba, les filles étaient héroïques.
Elles étaient passionnées par les études et aspiraient à la réussite, s’engageant dans une compétition où chaque distinction académique devenait une source de fierté. Quand une fille brillait par son intelligence, toute la ville la respectait. On osait à peine l’aborder, tant sa réputation la précédait. Elle était citée en exemple dans tous les quartiers, et chaque garçon rêvait secrètement de pouvoir dire que sa petite amie était la meilleure élève de l’établissement.
Dans chaque quartier, une figure de proue se démarquait : Hélène Ekwalla, Chouchou, Sylvie Ekoumkan et Ngollé Angèle au quartier 1 ; Dodo Madengue et Annie Beauté au quartier 6 ; Nicole Sani et Mballa Véronique à Baressountou ; Alliance Sandjo et Edwige Kameni au quartier 3. Ces jeunes filles, superbes et éclatantes de savoir, illuminaient chaque lieu où elles passaient de la brillance de leur esprit. Lorsqu’elles traversaient les rues, tout semblait s’arrêter. Leur simple présence forçait l’admiration. Les hommes ajustaient leurs pantalons, retouchaient leur coiffure, changeaient leur démarche, espérant, par de discrets gestes, attirer leur regard. En classe, leur présence se faisait sentir bien avant qu’elles n’ouvrent la bouche.
Et lorsqu’elles quittaient la pièce, on avait l’impression que l’atmosphère devenait plus légère, comme si la salle perdait un peu de sa vitalité. Ces jeunes femmes ne faisaient pas partie de celles que l’on apercevait tard dans la nuit. À Nkongsamba, cela aurait été très mal vu. Chaque fille devait préserver son image de rectitude morale, sous peine d’être rejetée. Elles étaient de véritables modèles, semblables à des bouquets de fleurs ornés de grâce et de vertu. Lorsqu’elles entraient dans une pièce, elles y insufflaient une énergie vibrante, comme si leur seule présence réanimait tout ce qui les entourait. » (extrait du livre revoir Nkongsamba)