Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LA MAISON OUBLIEE DU MARCHE B. A NKONGSAMBA

Dans un petit recoin du marché B. à Nkongsamba, une maison isolée se dressait à côté d’une scierie. On l’appelait la maison du menuisier, et les habitants du quartier, aussi loin qu’ils pouvaient s’en souvenir, ne lui connaissaient pas d’autre nom. Elle était habitée par la famille de Massa Moyo, comme aimaient dire les frères et sœurs de l’enfance. Les marchands et les acheteurs passaient souvent devant sans la remarquer, car elle se fondait parmi les derniers hangars des boutiques, discrètement reléguée dans un coin sud, à l’ombre d’une haute muraille grise et nue, surplombée par une palmeraie majestueuse qui dominait les lieux de toute sa hauteur, comme une sentinelle silencieuse.

La maison, faite de bois inégaux et de granit gris, avait un toit maintenu par de larges pierres et des planches grossièrement sciées. Toute la journée, on entendait le grincement monotone de la scie, accompagné par le bruit apaisant des eaux du marigot. Ce petit ruisseau écumant serpentait le long de son lit escarpé, ajoutant sa mélodie naturelle à l’ambiance environnante. Quand nous rentrions à la maison, l’humidité imprégnait l’air, et un brouillard froid s’élevait, poussé par les vents mugissants de la cascade voisine.

Couchés sur nos lits, nous pouvions apercevoir, à travers les trous de la toiture, un arc-en-ciel aux sept couleurs qui se dessinait après la pluie. Les herbes poussaient partout, si épaisses qu’on aurait dit qu’elles nous engloutissaient. Nous les mangions parfois, malgré leur texture dense et coriace. Le sol de la maison exhalait un parfum mêlé de bois vieilli et d’acidité, celle des champignons humides qui proliféraient dans les coins sombres.

Certaines ouvertures étaient si larges, à commencer par la porte, que l’air froid y pénétrait sans retenue. Notre maison était vieille, bien plus vieille que mes souvenirs les plus lointains. Allongés sur notre lit, mon frère et moi, tout proches de la terre, nous rions sous nos draps, étouffant nos éclats dans une complicité pleine de malice. Pendant ce temps, notre père, assis au salon, toussait abondamment après avoir pris une dose de chanvre indien, tandis que dehors, la nature continuait de chanter sa symphonie familière, comme si rien n’avait jamais changé.

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