Cette interview réalisée par Hilaire Sopie au sujet de mon livre avait été faite sur le site camer.be. Son actualité littéraire me pousse à le republier aujourd’hui.
Le roman de l’écrivain CALVIN DJOUARI a-t-il été rejeté par les éditeurs allemands avant d’être édité par la maison Panthéon ? Engagé et entraînant. Tels sont les mots qui viennent à l’esprit après avoir lu le roman de Calvin Djouari. « Le Retour du Roi Duala Manga Bell » qui vient de paraître chez Panthéon. Dans une envolée romantique pleine d’épices, l’écrivain imagine le Roi Manga Bell qui retourne dans son pays revivre entre les siens. Comme à son habitude, l’écrivain utilise une langue qui traque les Allemands ; et conséquences, le livre a été refusé par tous les éditeurs de ce pays avant qu’il ne soit finalement accepté en France par la maison d’édition Panthéon. Le roi retourne et fait des rencontres, mène des entretiens et prononce des discours qui mettent en lumière les obscurités de la vie. Il interpelle tous les êtres inconstants qui traversent des péripéties.
Ce qui frappe d’emblée dans Le Retour du Roi Rudolf Duala Manga Bell, c’est la manière dont le récit se déroule. On voit un roi qui revient et entre dans la cité pour revivre avec ses concitoyens. On a en face de nous un homme omniscient. « Vous m’avez manqué et je sais ce qui s’est passé ici. » Dit-il. Au-delà du caractère exceptionnel que vous mettez en évidence de ce retour, voulez-vous faire de l’écriture le lieu même de ce qui tire les hommes de l’oubli ?
J’étais très enthousiaste lorsque j’ai décidé d’écrire ce livre. Trois raisons m’ont poussé à le faire. La première raison est venue de mon professeur d’histoire des institutions en 1992 à Yaoundé le père Ngongo, qui dispensait cette matière avec une élégance fine et charmante. Il avait une façon captivante de donner ce cours qui me fascinait. La deuxième raison fut Rabier Bindji de canal 2. Il avait réalisé une émission sur le roi Duala Manga Bell qui m’avait émerveillé, et le troisième, c’est à la demande de mes élèves qui, à la fin d’un cours m’avait prié de leur conter une histoire d’Afrique. J’ai accédé à cette demande en racontant l’histoire de Douala Manga Bell. À la fin de l’histoire, j’ai chanté Teté kombo, et voilà qu’une gaieté fuse d’un bout à l’autre de la salle. Je me suis arrêté là. Mais à ma plus grande surprise lors du prochain cours, ils ont réclamé la même histoire.
C’est à partir de ce moment-là que l’histoire de Duala Manga Bell est devenue pour moi la nécessité d’un livre, et plus exactement d’un récit romantique. Autant vous dire que les intrigues sont arrivées les unes après les autres dès lors que j’avais pris la décision de collecter les idées. J’ai donc imaginé les péripéties de la vie d’un homme dans sa vie privée, reconnu comme personnage public. Il m’a fallu d’abord essayer de voir ce qui avait été dit sur lui, le plus approprié fut les interviews de Kum’a Doumbé III qui sont un peu comme la mémoire historique du personnage et l’émission du journaliste Diwouta de stv2 avec un invité au nom d’Ekwalla m’ont édifié. Je leur rends d’ailleurs hommage. Je me suis dit, je ne reviens pas sur l’histoire de la même façon, mais je vais imaginer la mienne en restant réaliste.
Dans le livre, DUALA MANGA BELL est accueilli sur les berges du Wouri. 200 mille personnes l’attendent. Une petite fille l’aperçoit de loin et alerte la foule. « Regardez là-bas, nous avons un mouvement sur le fleuve ! Le voilà qui arrive. » La foule retient son souffle et un patriarche confirme : « oui… C’est lui qui arrive. » Lors de sa première prise de parole, il déclare : « Cette passion, de venir vous retrouver me dévorait… » « Ce pays m’a manqué, vous m’avez manqué… Cette terre, je l’ai aimée, je savais que la ville de Douala grandirait grâce au courage de ses enfants. Je savais que les hommes viendraient de partout par amour pour elle et que leur dévouement ferait imprimer la marque de grandeur avec tous les talents qui sont les leurs. C’est la ville qui embrasse toutes les tribus ; chaque enfant qui viendra habiter dans cette ville la fera rayonner comme il peut… L’esprit qui m’avait engendré est le même qui me ramène ici… » Est-ce une irruption chez les doulas ou une écriture pour les doulas ?
Non point du tout. Rudolf Douala Manga appartenait au « Kamerun. » Son histoire, son cœur appartient à tout le peuple camerounais, parce que le peuple qu’il défendait, c’était le peuple camerounais d’hier et d’aujourd’hui. En tant qu’écrivain, je ne peux pas passer à côté d’une histoire aussi fascinante, qui charmait tout l’amphi surtoutavec le professeur Ngongo qui savait relater cela en première année d’université. Duala Manga Bell fut la première figure intellectuelle camerounaise de tous les temps. Pour autant qu’on définisse l’intellectuel comme une personne qui a des idées ayant acquis une notoriété et une autorité défend les intérêts de son peuple jusqu’au sacrifice de sa vie. Il refuse quel que soit le prix, les idées commodes, les certitudes complaisantes, et pour cette raison, il n’a pas de remords pour lui-même. Il symbolise la grandeur d’un pays. Quand vous lisez l’histoire de Duala Manga Bell, vous constatez qu’il a toutes les attitudes des valeurs augustes. C’est l’homme en Afrique, je dis bien en Afrique qui a l’histoire la plus fascinante de ce continent. Les Um Nyobe et Sékou Touré viennent après. Les GHANDI en Inde, les Koaki Mabo chez les aborigènes en Australie, Malcom x, et tout récemment Nelson Mandela sont tardifs dans l’histoire. Douala manga Bell est le précurseur du nationalisme mondial, je dis bien mondial.
A son arrivée dans le livre, même les malades sortent des hôpitaux pour ne pas rater l’occasion de le voir. Les arbres brillaient, on aurait dit des lampadaires ; dans les savanes, les lions firent la paix avec tous les autres animaux ; les herbes mortes repoussaient, le long du fleuve, les fleurs roses devenues rouges rendaient l’horizon bleu ; au point où le Grenadier, un poisson rare à voir dans les océans étaient sortis des profondeurs pour nager en surface. Les fruits mûrissaient à l’instant la venue du roi rassemble non seulement les peuples, mais tous les êtres de son pays. On est plus ici dans une identité Sawa, mais dans une identité multiple avec une forte implication de la nature ?
Je vous comprends très bien. L’identité Sawa est intégrée à l’identité camerounaise. C’est la découverte d’une seule famille : le Cameroun. Et il faut un être exceptionnel comme Duala Manga Bell pour retrouver cette famille et cette nature. C’est pourquoi tous les paysages s’ouvrent à son arrivée. Les hommes, les animaux, les poissons jusqu’à la nature qui va parler avec les fruits qui mûrissent des arbres. Dans mon livre, je pars de l’identité Sawa vers une identité multiple par ce que la littérature est une activité mouvante. Je prends l’identité comme une qualité qu’on peut conserver pour démontrer notre singularité, mais non pas notre supériorité. Aussi, elle devient une activité merveilleuse parce qu’elle entre partout. Nous les écrivains nous avons ce privilège d’accéder partout, nous sommes des historiens de l’instant, du passé et de l’avenir. Nous nous manifestons sur toutes les sphères de la vie. Beaucoup d’Européens écrivent sur nos vies. Ils nous fabriquent comme ils veulent. Par exemple l’histoire fabuleuse de (Chaka Zoulou) est passionnante, mais ce n’est pas à l’occident d’écrire cela ou de faire des films pour nous, c’est nous qui aurons l’obligation de concevoir notre histoire avec les instincts qui nous sont purs.
Il y a des Antillaises comme Maryse Condé et Aimé Césaire qui ont écrit une saison au Congo, et un grand livre sur les rois dogons, pourquoi moi qui suis camerounais originaire du centre Cameroun n’écrirait-il pas sur Douala Manga Bell. La littérature est la seule activité qui casse les barrières et les frontières. Le Retour de Douala Manga Bell est donc un voyage dans l’histoire, un retour au passé un appel aux générations futures. Il est impératif de réparer des oublis, pour retrouver des sensations inédites. Le livre est d’abord une voix, la mienne, maintenant pour ceux qui veulent, le livre pourra être le leur. Sinon, ce sera une pure littérature, je n’exige pas d’être aimé, la vie de Manga Bell mérite d’être racontée dans tous les genres littéraires, cela devait être joué au cinéma, comme tant d’autres.
Les jeunes d’aujourd’hui s’intéressent peu à leurs héros, peux-tu nous rappeler qui était Rudolf Douala Manga Bell afin d’édifier notre belle histoire, il y a bien des africains qui sont soucieux de l’apprendre et surtout d’autres jeunes camerounais qui souhaiteraient un jour réécrire l’histoire de leur pays.
La réponse à cette question se trouve sur Internet, beaucoup l’ont écrit. C’est une monumentale histoire, mais je vais me limiter à l’essentiel. Comme je l’ai écrit dans le livre, c’est le tout premier nationaliste camerounais. Il s’était opposé à la main mise allemande sur la ville de Douala. Il est mort pendu en 1914. Rudolf Douala Manga Bell naît en 1872 à Cameroontown c’est l’ancienne appellation de la ville de Douala, de Manga Ndoumbé et de Tomédi Mouasso. Il est le petit-fils de Ndoumbé Lobé (King Bell, 4ème de la dynastie des Bell fondée en 1792) À partir de 1885, les Allemands sont présents dans la ville de douala, après la signature du traité de protectorat Germano-Duala, qui place le Cameroun sous la protection de l’Allemagne. Cameroontown devient Kamerunstadt.
En 1908, son père, qui était également un roi très charismatique, meurt. Il lui faut un remplaçant. Le choix est porté sur son fils bien aimé. le roi Rudolf Douala Manga qui est intronisé chef supérieur du clan des Bell. En 1910, Théodore Seitz, gouverneur allemand au Cameroun, nourrit un projet d’urbanisation dont la finalité est de faire de Douala une ville de référence portuaire. Pour cela, les doualas doivent déguerpir et aménagés dans l’arrière-pays. Une sorte de séparation avec le plateau Joss qui est un peu comme le quartier cosmopolite et effervescent. Ce à quoi le jeune roi va vigoureusement s’y opposer. Il va brandir les clauses du traité qui ne prévoient pas ce système de séparation. Commence une intense activité, je dirai diplomatique qui va mener son secrétaire Ngosso Din en Allemagne.
Les dissensions vont grandissantes entre les populations locales et les autorités coloniales. Le 4 août, Douala Manga est relevé de ses fonctions de chef supérieur, ce qui lui fait perdre sa pension annuelle de 3 000 Marks. Mais il reste déterminé. Il organise une plateforme révolutionnaire en faisant appel à toutes les autres tribus. Dans un procès expéditif, il est condamné et exécuté le 8 août (jour de ma naissance d’ailleurs, je tenais à préciser une telle coïncidence) à 17 heures devant la marine marchande. Le pire de tout cela, c’est le fait que les colons aient laissé sa dépouille suspendue à la potence trois jours durant, à titre d’avertissement. Avant de mourir, il avait fait un vœu qui s’est réalisé en déclarant : « Tuez-moi ! Mais le dieu qui va m’accueillir écoutera mes prières, vous n’aurez en aucun cas le Cameroun. » 4 ans après, il n’y a plus aucun Allemand au Cameroun. Ils ont perdu la Première Guerre mondiale, ils perdront la seconde. Depuis cette période, il n’y a pas un pays en occident qui regrette le Cameroun comme les Allemands. C’est qui est héroïque ici, il va désacraliser la mort, puisque à la veille de sa mort, on va le solliciter d’aller dormir chez lui, en proposant ce semblant de gentillesse, les Allemands espéraient qu’il s’enfuirait. Mais le matin, il fait ses adieux à sa femme et ses enfants et se livre, donc Rudolf s’est livré aux Allemands, par ce fait, il a désacralisé la mort.
Fantastique récit. J’ai constaté lorsque je préparais cette interview qu’il y avait des auteurs camerounais qui avaient, pareillement, écrit sur Duala Manga Bell. Quelle différence avec votre livre ?
La première différence se situe au niveau du genre. C’est un récit romantique calqué sur la réalité. Il est d’abord nécessaire de préciser que le roman est une œuvre littéraire écrite en vers ou en prose d’une certaine longueur mêlant le réel et l’imaginaire. L’objectif du roman cherche à susciter l’intérêt et le plaisir du lecteur en racontant le destin d’un héros principal, une intrigue entre plusieurs personnages. Ces personnages qui sont présentés dans leur psychologie, leur passion, leurs aventures, leur société. Tout ceci sur un arrière-fond moral, métaphysique. C’est un roman qui s’inscrit dans l’imaginaire historique connu pendant dans la colonisation allemande. C’est un roman qui s’inscrit dans une période sombre de la colonisation allemande. C’est en d’autres termes une fiction, parce que j’ai créé beaucoup de personnages où chacun joue un rôle imaginé. Nous avons un roi qui revient et qui a beaucoup de choses à dire à ses contemporains. Dans ce retour, il devient le plus âgé d’entre tous et dans nos sociétés celui est âgé est le sage par excellence. On l’écoute. Mais le monde qu’il trouve n’est pas un monde du passé, c’est un monde moderne. Cela n’empêche pas de brandir les valeurs de l’époque passée.
Dans ce genre de roman Calvin quel style on utilise ?
Le style est simple, j’ai fait attention aux mots, à la sonorité et à la musicalité, vous m’avez dit tout à l’heure que le roman est captivant et entrainant. Donc c’est une histoire qui est captivante au fil des pages, quand j’écris, j’entraîne le lecteur à travers le récit. C’est un roman que je souhaitais qu’il s’inscrive dans la tragédie de ce qui s’est passée en 1914. Le courage de notre héros face à la mort est rapporté de façon subliminale. Il y a certains qui ont écrit sur Rudolf manga, je le sais. Mais ici, c’est un roman-fiction, où le réel et l’imaginaire se rencontrent. Un roman portrait pour montrer la monstruosité des colons allemands pendant leur séjour au Cameroun. J’ai dressé le portrait de son secrétaire Ngosso Din. Ses dernières paroles à sa femme et à ses enfants. Des paroles dures et tragiques qui sortent de la bouche d’un homme qui va quitter le monde. C’est un roman très littéraire. Je suis romancier et un peu poète quand j’écris, j’aime le sublime. Vous me parliez du style tout à l’heure. J’ai fait la jonction de deux formes d’écritures. C’est un roman écrit sous forme de scénarios, il y a des séquences, il y a de l’instantané qui permet à l’écriture de se libérer. Le roman s’est construit autour d’un homme en l’occurrence Duala Manga Bell.
Quel est son principal rôle de nos jours dans l’œuvre ?
Le roman nous apprend que ce pays le Cameroun a produit des hommes politiques de grande noblesse et d’une bravoure de tonnerre. Lorsqu’on raconte leur histoire, on est contraint de ressentir les émotions humaines avec une vive intensité et une plus grande vénération. S’il est nécessaire d’ajouter Um Nyobé également, Ernest Ouandié, il parait acquis que la mort était pour ces personnages comme une évidence dans la marche des choses et ils n’ont pas eu peur de mourir pour leurs idées. Ils ont enduré un enfer, mais avec le cœur étreint de rage à mesure que la souffrance dévastait leur quotidien. Leur vie doit inspirer chacun de nous. Vous comprenez donc que c’est d’abord un rôle historique, tout ce qu’on était tenu de faire au Cameroun, doit être marqué par l’empreinte de Rudolf Manga Bell. Il n’est pas le seul héros, je le sais, il y a eu également Martin Paul Samba et Madona qui ont été tués ce même . Aujourd’hui nous sommes perdus parce que nous ne connaissons pas notre histoire ; la crise anglophone est une crise historique. C’est parce qu’on ne connaît pas notre histoire. On n’est pas en état de construire notre pays en ignorant l’histoire. Quand on parle de nation, on parle de communauté vivante sur un territoire, ayant une même histoire et ayant un destin commun. Outre l’histoire, il y a la culture, c’est volumineux. La culture est le mode de vie d’une communauté.
Quand vous allez à la frontière du Gabon et le Cameroun ou la Guinée, vous constaterez que les populations de cette région se prennent comme des frères parce qu’ils sont les mêmes traditions et les mêmes cultures par rapport aux rites, à la langue, à l’art malgré leur nationalité différente. Et la colonisation allemande La colonisation allemande a été la face obscure de cette époque ; avec des tortures, des assassinats, des travaux forcés de brimades de toute sorte. C’était la terreur et qui s’est soldée par la pendaison de Douala. La pendaison est la plus grande humiliation qu’on réserve à un être humain. Certaines personnes condamnées ont une préférence pour qu’elles soient exécutées par fusillade. Le livre lutte contre les condamnations sommaires. Même si les hommes sont contraints de mourir, il est nécessaire qu’ils soient tués dignement. C’est-à-dire lui offrir ce dont il a besoin, s’il souhaite manger ou boire, de le vêtir avec dignité et le laisser dire ses derniers vœux. Je ne dis pas qu’il y n’a pas eu de face lumineuse pendant cette colonisation. Les Allemands ont construit nos premiers ponts, et nos premières écoles, ils ont créé les premières plantations.
C’est un roman fait sur les bases historiques et ces éléments historiques, on les a vérifiés. Il y a des sources écrites, il y a des sources orales, je souhaiterais d’ailleurs d’ailleurs remercier Roncs Etamé aux Etats-Unis et Teté Majombé au Cameroun qui m’ont encouragé dans la rédaction de ce livre. Donc, ce n’est pas un roman totalement historique. J’ai tenté d’ajouter du sensationnalisme pour que le roman soit affabulateur. C’est comme une fable ou un conte philosophique. Il y a bien sûr autour de cela un projet didactique. Il est nécessaire de renseigner la jeunesse, j’avais donc l’obligation de m’intéresser à l’histoire avec une pluralité d’idées, qui décentrait les épisodes factuels dont je me suis inspiré. Pour vous affirmer clairement que j’ai bien sûr mené une lecture d’ordre historique liée à la période coloniale allemande. Mais sans commune mesure avec le travail de recherche qu’impliquaient les essais d’histoire littéraire que j’ai eu l’opportunité d’écrire autrefois. J’ajouterai que c’est un roman aussi ethnographique parce que ça parle d’autres camerounais et principalement du peuple Sawa. L’arrivée du peuple Sawa, les anecdotes qui ont marqué cette époque. Il est riche en anecdote, d’autres faits ont été inventés pour rendre l’histoire homérique.
Quelle est la différence entre le roman historique et récit ethnographique
J’ai insisté sur un élément crucial, la légende des peuples Sawa et la légende du Roi lui-même. Ce qui m’a permis d’observer les rois d’aujourd’hui avec ceux d’hier. Il y a un art de vivre chez les peuples sawa, qui est monumental, tout s’accompagne de prestance. Les Sawa ce sont des personnages prestigieux, ce sont des personnes qui sont fiers d’être. C’est un peuple ouvert, mais jaloux de sa culture. La culture c’est-à-dire le mode de vie d’une société est très importante, il faut la préserver, et la valoriser, car c’est l’héritage physique, matérielle, intellectuelle, spirituelle et artistique qu’une communauté laisse à sa jeunesse. Vous voyez aujourd’hui comment la cérémonie du Ngondo déplace les autres peuples qui n’ont rien à voir avec le peuple Sawa. Le livre fait de Duala Manga Bell désormais un Mythe parce que ce dernier hante nos mémoires. C’est la seule merveilleuse histoire de notre passé à ce que je sache.
Dans le roman où est la part du réel et la part de l’imaginaire ?
Dans le roman, il y a beaucoup de digression. Je ne suis pas resté attaché à l’histoire réelle. Je ne me suis pas collé à la réalité historique. Il y a beaucoup de détours. J’ai inventé des choses, pour rendre le récit très captivant, j’ai apporté un enrichissement poétique et l’entrecroisement de la poésie et de la prose rend le récit sublimatoire, et merveilleux. Je suis dans le réalisme merveilleux. Dans un récit comme celui-là, il fallait imaginer un écrit affabulateur, c’est-à-dire écrire comme si c’était une fable. J’ai écrit le livre en prose, mais quand vous lisez vous avez l’impression de vous retrouver dans un discours homérique et poétique. Par exemple cet extrait où le roi raconte son voyage : « J’entendais le sifflement des profondeurs des eaux et le bruit causé par le choc du navire. L’isolement devenait complet. C’était le tour du vent de donner son nom, d’abord des brises, puis des azurs et ensuite des alizés. Tout cela ne me gênait pas… La déprime causée par le mal de mer. Il ne restait plus que le sommeil dans les chambres réservées au prince noir que j’étais. Le matin, on se réveillait avec un doigt pointé vers le lointain qui touchait le bleu de mer. Les autres passagers me regardaient d’un air vague et absent. Les hautes vagues luttaient avec le vent. Les requins plongeaient devant les navires tels des êtres heureux de guider un bateau sans boussole. »
Ou des passages hautement philosophiques comme ce dialogue entre le roi et une jeune fille. Une jeune fille, qui écoutait Rudolf Duala Manga Bell parler, lui demanda s’il aurait encore la capacité de se sacrifier comme en 1914. « Ta préoccupation est sincère, ma fille, dit-il. Mais avec mes complaintes de tout à l’heure, tu peux concevoir que mon premier sacrifice, opéré pour mon peuple, n’aura servi à rien. Si les raisons pour lesquelles je m’étais livré autrefois avaient eu un effet détonateur, j’aurais été encouragé, mais l’expérience m’a enseigné le contraire. Je préfère vivre. L’esprit de sacrifice que j’ai eu en 1914, je ne peux plus l’avoir. Cette bataille que j’ai menée, je ne peux plus la livrer. Je ne suis pas en état de mourir une troisième fois. C’est absurde. Pour quel mobile ? Le sacrifice n’est pas une collation avec ses bourreaux. C’est une épreuve, une aventure, on attend un destin qui élève un homme au champ de la perfection. » — vous avez tout à fait raison Majesté, lui répondit la fille.
Pourquoi les maisons d’édition allemandes n’ont pas voulu éditer ton livre ?
Le livre dresse le portrait de l’allemand de cette époque de notre l’histoire. C’est un livre qui confond le soldat allemand de la période coloniale. On y trouve le sadisme Allemands affectés au Cameroun. On trouve des passages qui montrent un homme battu d’avance, par ce qu’il va mal prononcer un mot allemand, ou celui-là qui est poursuivi par les chiens et qui finit par tomber dans l’eau alors qu’il ne sait pas nager ; ces femmes dont on coupe les seins pour voir leurs dents quand elles crient. Le tragique est surtout mis en évidence par le bourreau du roi. Celui-ci est contraint de passer la corde au cou du condamné, et il est pressé de s’exécuter. « La violence honore le bourreau, c’est mon job, c’est par la beauté de mes gestes qu’on me paie » dit-il au roi, avant de passer la corde à son cou. Vous comprenez avec des passages comme celles-là, les Allemands n’étaient pas en état de m’accueillir. Ce cadavre qu’un gardien surveille avec un gourdin pour voir s’il va se réveiller pour éventuellement l’achever et qu’un fou qui passait vienne lui affirmer que l’homme est mort depuis des lustres. Il ne faut pas omettre aussi que je suis l’écrivain à la bouche lippue invective. Ils connaissent mes chroniques sur les réseaux. Je peux aussi démolir les gens mal intentionné.
Où le trouver ?
Sur toutes les plateformes, on peut s’adresser à Panthéon, sur Amazon, Wal-Mart, Hachette, dicitre, Fnac Le retour du roi Rudolf Duala Manga Bell
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-Éditions du Panthéon (editions-pantheon.fr)