Par Michel Lobé Etamé
journaliste indépendant
Alors que les lumières des pays éclairés se focalisent sur les guerres en Palestine et en Ukraine qui font des victimes innocentes dans la population civile, l’Afrique sort des radars des observateurs internationaux qui ont en charge de réguler la paix dans le monde. On ne le dira jamais assez ! Mais aucune guerre n’est justifiée quand elle engage les puissances militaires, au nom d’une idéologie suprémaciste à écraser les plus vulnérables. La principale victime de cette barbarie inavouée reste et demeure l’Afrique, cette silencieuse qui attend généreusement qu’on pleure, qu’on prie pour elle et qu’on mette fin à son calvaire séculaire qui s’étend de l’esclavage inhumain aux indépendances étriquées.
La guerre se définit comme un acte de violence destiné à imposer la volonté des grandes puissances militaires qui provoquent délibérément des drames sanglants terrorisant pour longtemps les pays faibles en les obligeant de céder gracieusement leurs richesses endogènes. Les conséquences visibles sont nombreuses. Mais les conséquences psychologiques le sont encore plus. Elles développent des cerveaux sclérosés qui ne peuvent plus penser par eux-mêmes. Ces esprits qui se retrouvent dans l’élite et les intellectuels ont une conduite calquée sur les colons. Cette situation perpétue le drame postcolonial. L’Afrique est confrontée à ces guerres depuis le processus de décolonisation.
Les morts par millions ne sont pas comptabilisés. Ils sont nombreux et absents des manuels d’histoire. Peut-on chiffrer le nombre de morts au Soudan, en RDC, dans les conflits subsaharien, au Nigéria, en Angola, au Rwanda, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, etc. ? Combien de fois devrait-on dénoncer une barbarie qui s’est durablement installée et qui a toujours de beaux jours devant elle ? Et quelle est la part de responsabilité des dirigeants africains ? Il ne fait aucun doute que les régimes actuels ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Et pourquoi ? Ce vaste et dense sujet est comme un arbre qui cache la forêt et qui défausse l’objectivité.
La corruption, les élections d’avance faussée, les chefs d’Etat coptés par l’Occident et les intérêts égoïstes conduisent à des régimes barbares « démocratiques ». A bien des égards, les conflits et les catastrophes naturelles sont légion. Ces calamités sont un frein à l’épanouissement des populations qui aspirent elles aussi au bien-être matériel et spirituel. La guerre permanente en Afrique noire ne se justifie plus. Elle est pourtant présente et n’occupe pas l’espace des débats qui pourrait éclairer les esprits focalisés sur le pain quotidien, la bière et le sexe. La précarité matérielle et psychologique voit naître de nouvelles pandémies telles que le diabète, les diarrhées chroniques, les épidémies courantes, les croissances physiques freinées, etc. Mais un autre mal, plus subtil, est l’AVC qui tue, car le citoyen est confronté à des problèmes insolubles tout au long de la journée. Il craque. Il est victime de ses nerfs qui lâchent.
La société se trouve l’otage des forces dites politiques indifférentes du rôle que pourraient leur procurer les urnes. Mais à ce stade, aussi, les élections ne sont validées que par les forces exogènes qui maintiennent au pouvoir des femmes et des hommes malléables à souhait. Face à un avenir très incertain, la jeunesse essaie de pointer son nez face aux baïonnettes des sbires du pouvoir. La sentence est toujours la même : on tue à la moindre voix discordante. Les oppositions de façade sont laminées, voire inexistantes. Ceux qui survivent croupissent dans les geôles puantes et humides. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer les pouvoirs politiques en place élus « démocratiquement » mais qui ne sont rien d’autre que les gardiens des richesses naturelles de l’Afrique.
On les surnomme des panafricains ou des néo-souverainistes. Peu importe l’appellation, car l’Afrique a besoin de toutes ses voix, de tous ses enfants pour mener avec cohérence sa lutte d’émancipation et freiner le néo-colonialisme qui s’installe et qui n’est pas prêt à perdre ses avantages cyniques et immoraux mis en place depuis la découverte de l’Afrique. Les guerres en cours en Palestine et en Ukraine sont injustes et à dénoncer. Mais elles ne sauraient éclipser un drame permanent en Afrique qui laisse de marbre la communauté dite internationale. Nous ne pouvons taire. Ceux qui ont été les premiers à dénoncer cette injustice inhumaine ont été froidement abattus. Leur combat ne saurait rester vain. Les guerres oubliées en cours en Afrique subsaharienne totalisent chaque année plus d’un million de morts. Un chiffre qui de très loin supérieur à celui des guerres en Europe depuis l’industrialisation de ce continent. Il revient aux africains, aux pouvoirs politiques, à la société civile et aux intellectuels patentés de dénoncer un cancer permanent qui est à l’origine de la pauvreté permanente qui envoie ses forces vives à l’émigration et qui abîme l’image de tout le continent.