Aujourd’hui, le corps des enseignants du Cameroun en général et le Grand Mbam en particulier, est profondément bouleversé. A l’heure où je m’exprime personne ne s’est encore remis de ce choc. Pour ma part, je rends hommage en attendant la suite des événements, à un homme dont la vie, riche en accomplissements et empreinte de générosité, a profondément marqué ceux qui ont eu la chance de le connaître. Il y a des jours où l’existence semble nous submerger de tragédies et de peines, et c’est exactement ce que nous ressentons en ce moment. Il y a à peine cinq jours, je conversais encore avec mon cher petit frère Hervé. Au milieu de notre échange, il m’a interrompu :
« Tonton, attends, l’oncle Jean Claude Wuiri m’appelle. Je prends son appel et je te reviens. » Je lui avais demandé de saluer Jean Claude de ma part, je me suis mis à chercher immédiatement le numéro de téléphone que Jean Claude m’avait donné lors de notre dernière rencontre à Ntui en 2014. Nous avions alors traversé ensemble le Bac, il m’avait accueilli avec une affabilité inoubliable, pensant que c’était notre première rencontre de la vie. Il avait oublié nos souvenirs d’enfance à Yangba, à l’école principale, sous l’enseignement de Djibé Jean, dit Chateaubriand. J’étais en cours préparatoire, lui en CM2. Je me souviens de nos aventures enfantines, de nos expéditions de pêche en forêt, entourés de nos frères aînés comme Gaillon et ABata Robert. Epopée où Yoko Joel, Tolguenim Grégoire et moi étions les plus jeunes.
Aujourd’hui, je pleure non seulement un grand frère, mais aussi un modèle de dévouement, de famille et de gentillesse que tous connaissaient. Jean Claude, frère du chef actuel de Yangba, a consacré sa vie à l’éducation des Camerounais. Professeur d’histoire-géographie, diplômé de l’école normale, il a débuté sa carrière à Makak, puis a successivement à Nkongsamba, au lycée de Manengouba, à Yabassi comme surveillant général, avant de retourner à Nkongsamba en tant que censeur. Plus tard, il a été nommé proviseur à Ngoro, puis à Ngambé Tikar. Depuis quatre ans, il était délégué départemental de l’éducation à Ntui, et il a grandement contribué à la création du CES de Yangba. Son mémoire de fin d’études portait sur le peuple Vuté, ce qui témoigne son amour pour ses racines et son peuple. Je tiens à exprimer ma profonde estime pour ce grand frère, dont l’amour pour l’enseignement et son peuple transparaissait à travers son honnêteté et son sens de l’éthique.
Avec le départ de Jean Claude Wouri, le peuple Vuté perd un de ses fils de grande valeur, une étoile brillante qui illuminait le firmament de la vie. Jean Claude était un nom qui résonnait puissamment dans l’historiographie des élites Mbamois et continuera de marquer les cœurs et les esprits de nombreuses générations à venir. Passeur de mémoire, historien de l’instant, éblouissant d’idées, il incarnait à lui seul le fer de lance de la vulgarisation de l’histoire et de l’évolution de l’enseignement. Il a contribué pendant plus de trente ans à la production intellectuelle du grand Mbam. C’est un trésor national qui s’en va.
En quelques années, comme délégué il a, avec les moyens modestes, de nos établissements de l’arrière pays, démontré sa passion et une volonté inébranlables, en réalisant de grands exploits dans l’éducation. La ville de Ntui était comme le retour au pays d’origine, il était lancé corps et âme et travaillait sans relâche pour insuffler un nouveau souffle au secteur de l’éducation des petits villages. Dans un environnement difficile, parfois hostile, Jean Claude ne renonça jamais à sa passion. Promoteur assidu et solitaire de l’héritage mémoriel du peuple Vuté, il a aujourd’hui une réputation méritée de clairvoyance et de patriotisme.
Que s’est-il passé ce 19 juin ?
L’audio qui circule révèle une voix désemparée qui explique que Jean Claude devait accueillir le gouverneur et sa suite, et qu’il devait prononcer l’allocution au cours de la cérémonie. Homme pointilleux sur la ponctualité, la veille il avait convoqué ses collaborateurs afin que ceux-ci arrivent tôt le matin au bureau avant de se rendre au lieu des cérémonies. Ses collaborateurs, respectant ses consignes, ne l’ayant pas vu comme prévu, se décidèrent à aller le chercher chez lui. La porte close indiquait que personne n’était sorti. Les voisins confirmèrent qu’ils n’avaient vu personne quitter la maison ce matin-là et qu’en effet, Jean Claude vivait seul ces derniers temps. Prenant la décision de forcer la porte, ils découvrirent son corps, dans une position anormale. La gendarmerie et la police, appelées sur les lieux, constatèrent son décès.
Une mort subite, inexpliquée, qui nécessite une enquête pour faire toute la lumière. Même si le chagrin envahit notre mémoire, nous savons que sur la terre de Yangba, un grand Homme était bel et bien né et qu’il s’en est allé pour toujours. Sa vie, riche en réalisations, demeure un modèle pour nous tous. Puissions-nous honorer sa mémoire en perpétuant son héritage de sagesse et de passion pour l’éducation ! Jean Claude, nous laisse un héritage de sagesse, de sens du devoir et d’amour. Seuls les meilleurs s’en vont. Puisses-tu reposer en paix, sachant que ton esprit continuera de guider et d’inspirer ceux qui ont eu le privilège de croiser ta route.