PAR MANDOU NGOUONJI Leila,
Quelle joie, que de constater de mes propres yeux, qu’en Afrique tous n’est pas que dérive ! Assez souvent, les tabloïdes occidentaux, et même Africains « parfois », ainsi que les grands médias et les politiques, mettent une énergie bouillonnante à peindre sur une toile grandeur nature, l’image d’une Afrique en pleine dérive. Un continent dans lequel vivraient des sous-hommes. Une race inférieure d’individus qui honteuse de son histoire, ses habitudes, ses cheveux crépus ou encore de « sa coloration foncée de peau », ne rêverait que d’un ailleurs et d’un mieux-vivre. « Une Afrique moribonde » en quelques sortes à en croire les dires de certains pseudos savants de l’Afrique. Pourtant, c’est loin d’être le cas. Et j’ai eu le plaisir de le constater de mes propres yeux. Il y a de cela quelques jours, précisément, le 30 juillet 2023, j’ai été conviée à une conférence captivante, mais surtout intrigante au Cameroun sur le thème de « De l’unité spirituelle à l’unité politique de l’Afrique », à l’occasion du « nouvel an Kamite ». Une date mémorable pour moi, et tous les participants présents.
Vous vous demanderez sans doute à quoi renvoie cette expression, de « nouvel an Kamite ». J’avoue que moi aussi, à ce moment-là, c’est une question m’a taraudé l’esprit lorsque j’ai reçu de la part de l’organisateur de cet événement, une invitation à y prendre part. Pour être franche, si j’y suis allée, c’était plus par curiosité qu’autre chose. Ainsi, si je devais apporter un éclairci à « ce concept », et surtout, partant de la définition du mot « Kamite » (noir) donnée par le porteur dudit événement, je dirais qu’il s’agit d’une période de l’année au cours de laquelle, serait mis en avant la valorisation des valeurs culturelles négro-africaines. Un retour aux sources africaines pour faire simple. Les intervenants comme on en croise peu sur les plateaux, qualifiés de traditionalistes pour certains, et « sorciers » pour d’autres moins édifiés, dont la croyance semble être à la croisée des habitudes occidentalo-africaines, faisaient vibrer la salle.
Mais ce qui m’a frappé, au-delà de ces présences fort remarquable, c’est surtout la présence dans la salle, de plusieurs jeunes. Tous venus d’origines diverses, ils étaient vêtus de leurs remarquables tenues traditionnelles respectives, confectionnées à base d’ « Obom » pour certains, « Ndop ou Ntieya » et « Toghu » pour d’autres. Ils dansaient au rythme des balafons qui retentissaient avec vigueur dans la salle. De ma qualité de chercheuse, habituée à embrasser la culture occidentale, j’étais coiffée d’une perruque indienne, et chaussée d’une paire de talons aiguilles que l’on nomme improprement auprès des jeunes « LADY GAGA ». Vous vous doutez donc que je faisais facilement tache au milieu de ce beau monde parmi lequel on pouvait facilement apercevoir des filles uniquement coiffées de rastas, de nattes africaines, et même vêtues pour certaines, de feuilles de bananiers. Les hommes quant à eux, leur avaient emboîté le pas. Ils s’étaient recouvert la peau, de peinture noire et blanche et étaient vêtus de cache-sexes en peau de léopard, d’une lance et d’un bouclier de la même matière.
A l’instar des guerriers africains de la préhistoire, comme on en apercevait dans les vastes empires africains. Pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti la honte de porter une perruque. L’envie de l’enlever n’est pas ce qui me manquait. Cet événement n’est qu’un exemple banal parmi tant d’autres en effervescence. On peut, en premier lieu, voir sur de nombreux réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, de nombreux jeunes activistes qui œuvrent pour la reconquête et la réhabilitation des valeurs africaines. Le nom donné à leurs mouvements (« Nappy », « Cheveux crépus ») est assez évocateur. L’Afrique a soif de vie et de connaissances. Elle n’est pas moribonde, mais se réinvente sans cesse. La jeunesse qui autrefois était ignorante de ses réalités culturelles, et qui se plaisait dans des revendications préhistoriques vis-à-vis des Occidentaux, s’est engagée dans un véritable mouvement de reconstruction culturel.