Les Camerounais vouent un amour infini à leurs légendes et à leur pays. C’est une fierté bien gardée, un honneur qui leur appartient en propre, et nul autre n’est autorisé à les critiquer. Si un ressortissant camerounais commet une maladresse dans ses propos ou dans ses gestes, alors les fils et filles d’Afrique se chargent eux-mêmes de le ramener à l’ordre, avec toute la rigueur que notre culture impose. Gare à celui qui oserait intervenir de l’extérieur ! Face à une telle audace, le continent tout entier réagirait. C’est ce qui s’est passé avec Diouf du Sénégal ; c’est ce qui se passe aujourd’hui avec Zack, ce boxeur à la narine fourchue qui s’est aventuré sur le terrain camerounais comme un intrus.
Il est vu comme un tas d’ordures abandonné par la France sur son parcours. Parlant de lui, ce boxeur me semble sans conteste le plus faible que ce sport ait jamais connu, un véritable « distributeur de points », comme on dit en football, ou un « Soya » dans le monde du cyclisme. Sur le ring, il paraissait si fragile qu’une femme aurait pu le bastonner correctement. Sa faiblesse, hélas, est devenue une légende à part entière.
Les rares combats qu’il aurait remportés — et que je peine à retrouver — ont probablement eu lieu contre des adversaires bien en deçà, peut-être de simples recrues ou des combattants désorientés. Je me demande encore s’il était vraiment là pour se battre ou pour jouer un rôle, celui d’un acteur destiné à s’effondrer dès le premier coup reçu. Chaque assaut le renversait, comme dans un théâtre de boxe où l’on est payé pour tomber à la moindre attaque. Il se mouvait sur le ring comme un homme déjà vaincu, un personnage sans force ni conviction. Pourtant, malgré cette faiblesse, Zack persiste, remontant sur le ring avec l’air d’un homme qui ignore ou refuse d’accepter ses propres limites.
Une résilience obstinée, bien que feinte, qui se manifeste non pas par des prouesses techniques, mais par la simple volonté d’affronter, encore et toujours, les jugements et les regards moqueurs. Des moqueries que tout Congolais subit encore aujourd’hui, depuis la défaite de 9 buts encaissés contre la Yougoslavie lors de la Coupe du Monde de 1974. Zack semble défier les regards, non par sa technique ou sa maladresse — comme Zamzam dans les films indiens — mais par ce courage étrange, presque absurde, qui lui permet de revenir comme une femme qui veut que son mari l’achève. Il incarne, à sa manière, l’image de son pays, qui détient le triste record du plus grand nombre de buts encaissés sans en marquer un seul dans une Coupe du Monde.