Nansi Nguetchouang Yorick, Camerounais établi en France, est aujourd’hui à la tête de plusieurs entreprises prospères. Parmi elles, Rya services, une société qui rattache l’Afrique et l’Europe à travers le fret aérien. Pourtant, au-delà de ses réussites économiques, c’est un homme aux prises avec des épreuves intimes que nous avons rencontré. Notre entretien, initialement centré sur ses affaires, s’est rapidement transformé en un témoignage poignant sur les luttes familiales qui ont bouleversé sa vie après la perte de son père. Respectant sa volonté de se confier, nous avons écouté avec une grande attention ce qu’il avait sur le cœur.
Bien que nous vous ayons déjà reçu, pourriez-vous nous offrir une brève présentation de vous ?
Je suis Nansi Nguetchouang Yorick, Camerounais d’origine, résidant aujourd’hui à Paris. Mon parcours éducatif a débuté au Cameroun, où j’ai achevé le second cycle, avant de poursuivre des formations en France, dans des domaines variés tels que la logistique, le transport et l’imprimerie. Actuellement, je dirige une société spécialisée dans le fret, aussi bien aérien que maritime. En parallèle, j’ai fondé une imprimerie au Cameroun. D’autres projets sont également en cours de développement.
Cet entretien était prévu de longue date, mais vous avez traversé une période difficile après la perte de votre père. Comment allez-vous aujourd’hui ?
Se remet-on jamais d’une telle douleur ? Le deuil, en Afrique, est souvent porteur de désolation et de conflits. La disparition d’un être cher bouleverse les équilibres. Des personnes avec qui vous étiez en harmonie deviennent subitement des adversaires. L’hypocrisie et la mesquinerie émergent, et vous voilà, encore et encore, en larmes, pleurant non seulement l’absence du défunt, mais aussi la paix qu’il représentait. Mon père était un homme de paix. Depuis son départ, c’est la discorde qui règne.
On sent une profonde déception dans vos paroles. Parlez-vous de l’harmonie familiale ? Votre père, un homme respecté, n’avait-il pas pris les dispositions nécessaires avant de s’en aller ?
Effectivement, lorsqu’un patriarche quitte ce monde, surtout dans le cas de mon père, il est censé avoir désigné un successeur, celui qui aura la charge de perpétuer son héritage et d’unir la famille. Ce choix, s’il est inscrit dans un testament, devrait être incontestable. L’héritier devient alors le garant des intérêts de ses frères et sœurs, mais en aucun cas le propriétaire des biens familiaux. Traditionnellement, en pays Bamiléké, la désignation du successeur intervient après les funérailles, et non avant. Pourtant, dans notre situation, aucun document ne vient confirmer la décision annoncée. Nous sommes une vingtaine d’enfants, et l’un d’entre nous a pris sur lui de se proclamer héritier, sans que nous n’ayons jamais vu le testament de notre père. Pire encore, ce testament nous a été lu à distance, par téléphone portable en vidéo. Par ailleurs, le successeur déclare avoir signé un contrat de bail de 15 ans avec mon père, qu’il affirme avoir payé en espèces, sans jamais nous présenter ce contrat. Pourtant, lorsque papa était malade, il manquait d’argent pour ses soins à la clinique IDIMET où il était hospitalisé. Une autre sœur déclare, quant à elle, avoir acheté une partie du terrain sur lequel est situé l’hôtel de mon père. Ce qui est hallucinant dans tout cela, c’est qu’il n’existe aucun document pour le prouver. Un autre frère, qui habite dans la maison de papa, affirme qu’il détient les documents prouvant que la maison lui appartient. Mais à ce jour, aucun de ces documents n’a été présenté, et toutes ces affirmations viennent des enfants de l’une des épouses de mon père. Est-ce ainsi qu’on honore la mémoire d’un grand homme ?
Vous semblez donc remettre en cause la légitimité de l’héritier désigné.
Je le conteste sans réserve. Les choses doivent se faire dans la clarté et avec le respect dû à la mémoire de notre père. Un testament, s’il existe, doit être lu en présence de tous les enfants. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons reconnaître un successeur légitime. Ce qui s’est passé avec cette lecture téléphonique est une offense non seulement à notre père, mais aussi à chacun de nous, ses enfants. Comment pourrait-on accepter qu’un successeur soit désigné alors même que le corps de notre père n’était pas encore enterré ?
Vous craignez que tout cela n’entraîne un grand désordre.
Le désordre est déjà là. Mon seul objectif est de rétablir les volontés de mon père, de faire en sorte que sa mémoire soit honorée et que ses décisions soient respectées. Pour l’heure, il n’y a pas encore de successeur reconnu. Cela ne pourra être officialisé qu’après une lecture complète et transparente du testament, en présence de tous les enfants, et selon les coutumes familiales c’est-à-dire après les funérailles.
Un dernier mot ?
Je crois que c’est une affaire à suivre. Je vous inviterai, le moment venu, pour en discuter à nouveau. J’étais venu pour parler de mes entreprises, mais les émotions liées à la perte de mon père et aux troubles familiaux ont pris le dessus. Quoi qu’il en soit, sachez que mes affaires fonctionnent bien. Rya services est aujourd’hui un acteur central du fret aérien à Paris, et mes autres entreprises continuent de se développer.