Par Yana Bekima
L’Afrique dispose de tous les moyens pour écrire son propre récit.
L’Afrique doit conquérir sa souveraineté économique. Les sommets, rencontres, colloques et forums avec comme objet le continent africain, se multiplient. L’objectif est de cerner les problématiques africaines et, à défaut de leur trouver des solutions immédiates, échanger sur les perspectives à tracer pour mettre en œuvre des initiatives porteuses de croissance inclusive et de création de valeur. De quoi permettre à l’Afrique d’être mieux à même de maîtriser son destin.
Comprendre la souveraineté économique
Il faut d’abord bien comprendre le concept de souveraineté économique, qui n’est pas synonyme de repli sur soi : le recours au libre-échange ne doit simplement pas affaiblir les capacités de l’État et celui-ci doit ainsi se concentrer sur la gestion de ses approvisionnements principaux, dont la liste peut varier en fonction du pays.
Le chemin vers la souveraineté économique de l’Afrique passe d’abord par une définition africaine de ce concept : quels sont les approvisionnements prioritaires aux yeux des pays africains ? Comment aussi créer des éléments de résilience pour faire face à de possibles futures crises en matière économique, financière, géostratégique ou encore pandémique ? Ensuite, il est évident que l’Afrique doit continuer à miser sur l’industrialisation de ses économies, et ainsi la création de produits finis, sur place. L’Afrique est encore loin d’avoir exploré toutes les opportunités de commercer avec elle-même. Par ailleurs, les États se doivent d’être à l’écoute des besoins du secteur privé – sans lequel la souveraineté économique ne peut être envisagée – et s’assurer de faire émerger des intérêts communs. Le travail restant peut paraître immense, mais certains ont déjà de belles réussites à leur actif, comme l’ouverture de la méga raffinerie par le Groupe Dangote au printemps dernier au Nigeria.
Configuration géopolitique et géo-économique.
L’Afrique n’a sans doute jamais disposé de telles opportunités de peser et d’imposer son agenda sur la scène géopolitique. En effet, l’Occident ne peut plus lui dicter ses priorités – on l’a vu dans le conflit russo-ukrainien et, plus récemment, dans la crise au Moyen-Orient, mais également en matière de justice climatique. Plusieurs pays africains présentent justement des opportunités de croissance et de retour sur investissement parmi les plus importantes au monde à l’heure actuelle, en particulier pour le secteur privé. De fait, l’Afrique dispose de tous les moyens d’écrire son propre récit sur la scène internationale. D’ici à 2100, une personne sur trois dans le monde au minimum sera originaire d’Afrique. L’Afrique doit tirer son épingle du jeu et qu’elle soit enfin représentée dans la mondialisation à la juste valeur de son poids démographique. Dès lors, il convient de se concentrer sur ce qui rassemble d’ores et déjà les pays africains dans l’espace géopolitique, et que le continent continue à se saisir des grands enjeux du XXIe siècle, à l’image du développement durable ou de l’adaptation aux changements induits par le numérique, pour y apporter ses réponses et propositions.
Un partenariat gagnant-gagnant entre les acteurs économiques
Il faut bâtir des ponts de coopération économique entre l’Afrique et d’autres continents. L’Europe est certes le premier partenaire commercial de l’Afrique, mais il ne faut pas s’en contenter. L’Union européenne a d’importants efforts à fournir si elle veut soutenir la croissance économique de long terme des pays africains, par exemple en révisant son système du préférence commercial ; à l’étendre aux secteurs dans lesquels nombre de pays africains pourraient avoir un avantage comparatif. Au-delà de la coopération économique au niveau étatique, il convient de renforcer les opportunités de dialogue et d’échanges entre les secteurs privés des États des autres continents, dans un bénéfice mutuel des techniques et savoir-faire.
L’Afrique, le continent le plus porteur en termes de terres arables.
L’agriculture est un facteur essentiel de croissance économique. Il se trouve que d’ici à 2050, le continent africain va compter quelque 2,5 milliards d’habitants. À ce titre, se pose la question de savoir comment les nourrir, comment éviter à l’Afrique d’importer et à chaque fois d’être victime collatérale des conflits géopolitiques. Il me semble que c’est en misant sur son capital naturel, son capital humain, et en mettant en valeur ce que l’Afrique a de plus cher, c’est-à-dire sa terre, son eau, son soleil et ses populations, qu’elle pourra y arriver.
NB : On peut annuler toutes les dettes des pays africains, mais tant que nous ne produisons pas ce que nous consommons, nous serons toujours à la traîne.
Le continent africain est assez mal connu parce que perçu comme un continent avec des zones arides et d’autres inconvénients. Pourtant, quand on regarde bien, l’Afrique est constituée d’une multitude de zones et de variétés agro-écologiques. On peut absolument tout y faire. Du fruit, des légumes, du maraîcher, des céréales. Il n’y a pas un endroit où on a des difficultés à produire, à part certaines zones particulières du Sahel. Ce qui se passe, c’est que dans l’inconscient collectif, on considère que le continent africain n’est pas un continent agricole. L’explication est que pendant des années, l’Europe y a exporté ses surplus céréaliers, de lait, de sucre et d’huile.
Recomposition géopolitique et géoéconomique
La guerre en Ukraine change de toute évidence beaucoup de choses, tant pour l’Europe, les États-Unis, la Chine, mais également la Russie, mais elle ne peut être vue comme un point de retournement dans le rapport que le monde économique entretient avec les marchés mondiaux de matières premières. Cette guerre s’inscrit en effet dans le sillage d’une montée en puissance de rivalités interétatiques et de velléités impérialistes que le multilatéralisme, fatigué, ne semble plus en mesure d’apaiser. Dans tout contexte de recomposition géopolitique et géoéconomique et de transition énergétique, les matières premières jouent un rôle clé. La période que nous vivons n’échappe pas à la règle. Disposant d’un certain nombre de ces ressources, le continent africain est forcément l’objet de stratégies d’investissement de la part d’entreprises et de pays étrangers dont les antagonismes peuvent être avérés.
La lutte contre le changement climatique
L’Afrique doit avoir son propre récit, c’est-à-dire se démarquer du narratif dominant qui est une confrontation entre l’adaptation et l’atténuation. Il est le continent dont le présent et l’avenir sont ouverts pour explorer toutes les possibilités. La lutte contre le changement climatique impose notamment de promouvoir des nouvelles formes de mobilité, tels que les véhicules électriques et de promouvoir les énergies renouvelables permettant de les satisfaire en toute cohérence. Ceci se traduit par une demande quasi-exponentielle des ressources minérales indispensables pour le stockage de l’électricité (lithium, nickel, manganèse, cobalt, graphite), pour la production de cette dernière par le photovoltaïque (cuivre, silicium) ; ou l’éolien (terres rares, zinc), ainsi que pour son transport (cuivre, aluminium).
Les recettes fiscales
La capacité à trouver des leviers pour augmenter les recettes fiscales interne est tout à fait déterminante pour les pays africains. Les ressources internationales du FMI, de la Banque mondiale, et d’autres organisations ne sont plus suffisantes pour garantir le développement. On le sait désormais, « qui taxe le mieux se développe ». Dans cette perspective, l’Afrique a besoin de transparence et d’équité fiscale. Dans ce sens, les pays africains font de plus de progrès dans la mobilisation des recettes fiscales, en simplifiant leurs administrations fiscales par la mise en place des guichets uniques, en procédant à une baisse des exonérations et en favorisant une meilleure communication avec les contribuables.
La taxation des géants du numérique
L’Afrique a eu le taux de pénétration numérique le plus élevé au monde au cours des dernières décennies. Malheureusement, on constate que tous les autres continents cherchent à taxer cette économie du numérique et nous, Africains, sommes embarqués sans avoir pris toute la mesure du sujet. C’est une véritable niche à explorer. Il y a des entreprises qui ne sont pas logées en Afrique. Prenez, les géants comme Yahoo ! Meta ou TikTok ! Ils ne sont taxés par aucun pays africain.