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SAKIO BIKA : UNE AUTRE LEGENDE DE LA BOXE OUBLIEE

Les légendes du sport portent souvent des noms différents et évoluent à des époques différentes aussi. Aujourd’hui, nous célébrons Francis Ngannou, mais il est important de se souvenir qu’avant lui, d’autres champions ont tracé des parcours similaires, notamment dans la boxe. L’histoire que je vais vous raconter concerne l’un de ces champions, un homme que j’ai eu la chance de connaître de près : Sakio Bika, l’ancien champion du monde des poids moyens. Sakio Bika est un homme qui, à l’instar de Francis Ngannou, est sorti des chantiers battus  pour élever le prestige d’un quartier modeste, laissant une empreinte indélébile dans la mémoire de ceux qui ont croisé sa route. Grâce à ses exploits individuels, forgés dans les combats sur le ring et façonnés par son périple dans le monde de l’aventure, Sakio incarne la philosophie de l’homme debout face à la vie. J’ai écrit à maintes reprises sur ce frère, car je le connais. je suis son  voisin de quartier. Nos maisons au Cameroun sont  contiguës.

Sakio Bika, surnommé « SCORPION », a fait rêver notre quartier. Originaire du camp Yabassi, un bidonville cosmopolite de Douala, Sakio a propulsé cette communauté sur la scène mondiale au cours des années 2000. Il a commencé la boxe devant les yeux de tous les habitants de notre quartier, comme un simple verre d’eau qu’on boit pour étancher sa soif. Au Cameroun, il faut souvent chercher longtemps pour trouver sa voie dans ce sport souvent négligé, mais pourtant, c’est la boxe qui a offert à notre pays sa première médaille olympique en 1968, aux Jeux olympiques de Mexico, grâce à Joseph Bessala, aujourd’hui oublié. Les débuts de Sakio ont été difficiles. Il n’avait pas les moyens de s’acheter des gants pour participer à certaines compétitions de renom.

La boxe est un sport noble, exigeant de l’élégance sur le ring. Sakio était un bel homme, mais il ne pouvait pas se permettre une tenue élégante et ses gants étaient usés. Cependant, il avait du punch, l’esprit combatif de tous les enfants du camp Yabassi, et une ambition : sortir de ce quartier qui ressemblait à ce piège infernal. Sa détermination l’a rapidement distingué, et il a été sélectionné pour rejoindre l’équipe nationale après quelques combats contre des boxeurs qui venaient du petit village d’Eyingui, dans le Nkam, et dont le principal souhait était de quitter la forêt pour découvrir la ville. Ses victoires face à ces adversaires sans palmarès lui ont donné la confiance nécessaire pour affronter les compétitions d’envergure, et il a ainsi été inscrit sur la liste des championnats d’Afrique. Sakio Bika a entrepris un voyage qui l’a conduit d’abord en  Égypte puis en  Afrique du Sud, en enchaînant des petits combats sans ressources où il dominait ses adversaires comme dans un jeu de sable.

C’est ainsi qu’il a participé aux Jeux olympiques de 2000 en Australie, marquant ainsi ses adieux au Cameroun. Cependant, son parcours olympique a été bref, car il a été mis KO dès le premier coup. Pendant ce temps, l’équipe de football camerounaise remportait une médaille d’or qui reste dans les mémoires. L’émotion était palpable, et c’est dans cette effervescence que Sakio a saisi l’occasion de s’évader. La police était à ses trousses, mais Sakio a réussi à échapper à leur vigilance en courant à toute vitesse. Les jeunes du camp Yabassi sont des coureurs de vitesse comme de fonds, et dans cette course de la dernière chance, il s’est caché dans un écurie. Étrangement, mais aucune bête présente ne l’avait trahi, ils  semblaient vouloir  le protéger. Les policiers apprécieront la vitesse du boxeur. Cela a été considéré comme une disparition mystérieuse, car il n’y avait qu’une seule entrée et pas de sortie. Le lendemain, Sakio est retourné à la boxe, déterminé à poursuivre son rêve. C’est à Sydney qu’il a commencé à se faire une idée du monde professionnel de la boxe. Malgré son manque de références, il a accepté de combattre un adversaire redoutable, un Australien d’origine anglaise du nom d’Akim Red Man.

Red Man était très grand, avec des épaules larges, un bras gauche redoutable et une face couverte de cicatrices. Il était invaincu, un puncheur d’élite, et de nombreux boxeurs avaient refusé de l’affronter. Pour Sakio, c’était son tout premier combat professionnel, il est monté sur  le ring face à un adversaire redoutable. Dès les premières secondes du combat, les deux boxeurs ont jeté toutes leurs réserves, créant une tempête de coups d’une intensité rarement vue. Sakio a été bombardé de coups dès le début, et il dansait littéralement sur le ring sous l’assaut de son adversaire.  Submergé par les coups de Red Man, qui travaillait son corps et sa tête sans relâche, Sakio dandinait. Le public était en effervescence, appréciant le spectacle. Sakio était sonné, incapable d’entendre quoi que ce soit, même les cris de sa femme dans le public qui hurlait « 200 mille dollars ».

Red Man avait infligé à Sakio une trentaine de coups décisifs en quelques minutes seulement, un véritable déluge de puissance. Sakio a reçu un coup à l’œil qui a fait enfler ses paupières et une coupure profonde sur son arcade. Malgré tout, il a tenté de riposter, lançant son célèbre crochet du droit qui est passé à côté de sa cible. Il a essayé un deuxième crochet, mais il s’est cassé le poignet droit au contact. Sakio a regardé sa femme dans le public, qui criait désespérément « 400 mille dollars, ne nous fait pas perdre 200 mille dollars ». RED MAN continuait à travailler Sakio au niveau des reins, essayant de le faire tomber. Sakio donnait l’impression de chuter à chaque coup, et la tactique de Red Man semblait fonctionner. Sakio était en train de s’effondrer petit à petit, mettant en péril les 200 mille dollars en jeu.

La cloche sonna, mettant fin au premier round, marqué par une démonstration de force impressionnante de RED MAN qui dépassa toutes les attentes de Sakio. Sakio retrouve son entraîneur, se sentant comme un pantin entre les mains de ce dernier. L’entraîneur lui annonce que le staff financier a déjà encaissé le chèque, étant convaincu de la victoire. Il n’est pas question de remettre ce chèque à Sakio, et il doit se battre pour le gagner. Sakio demande à voir le chèque, et il lui est présenté. Le deuxième round commence, et la correction se poursuit. Ce round devient encore plus intense et brutal que les précédents. Au quatrième round, Sakio demande à son entraîneur un peu d’eau. Il reçoit une gourde et boit près d’un demi-litre. Son entraîneur tient une éponge, prêt à la jeter si le cinquième round est aussi éprouvant que les précédents. Sakio continue de combattre sans vraiment savoir quoi faire. Il semble presque perdu sur le ring, et son adversaire le maintient éveillé en lui infligeant des coups au visage.

Sakio est accroché aux cordes, touché plusieurs fois, avec un coup à la tête, un autre au bras, et un accompagnement au menton. On peut voir sur son visage que l’énergie qui l’animait au début du combat s’est éteinte. Sa garde est basse, il ne réagit plus sur le ring, mais il tient bon. S’il tombe, les 200 mille dollars s’envolent. Cette situation perdure jusqu’au septième round. RED MAN avait l’avantage en termes de physique, de vitesse, de puissance et d’endurance. Cependant, la boxe est aussi un jeu mental, et c’est là où RED MAN a été surpassé par Sakio. Le seul camerounais présent dans la salle, originaire de Yabassi, pousse un cri de guerre en langue maternelle : « SAKIO, Boignè a ma soulé bikout. » Sakio se libère, assénant six coups rapides, dont la plupart ciblent l’œil de son adversaire. RED MAN est désorienté, son corps est vulnérable, et il encaisse les coups comme un serpent. Il est pitoyable, et l’arbitre finit par arrêter le combat, déclarant un KO technique.

RED MAN a frôlé la mort et remercie l’arbitre pour avoir mis fin rapidement à cette bataille qui semblait être décisif. C’est ainsi que naît une légende. Trois ans plus tard, Sakio devient champion du monde aux États-Unis, remportant ce titre à deux reprises, un accomplissement qui avait échappé à EMEBE Jean Marie. Il revient au Cameroun pour présenter sa ceinture à ses amis d’enfance, témoins de son parcours, dont l’auteur de cet article. Chaque soir, on le voyait passer devant notre porte pour se rendre à l’entraînement, calme et réservé. Malgré sa carrière de boxeur, il n’a jamais provoqué de conflits dans notre quartier. Il a forgé son destin, mais la question demeure : avait-il eu raison de s’enfuir aux Jeux olympiques ? (pour rendre le récit merveilleux j’ai dû puisé dans mon imaginaire pour coller à la réalité.)

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