Remy Alazoula, figure éminente au sein de la diaspora centrafricaine et une personnalité de renom en Centrafrique, jouit d’une grande influence dans la sphère politique de son pays. Il y a deux ans, nous avons eu l’opportunité de lui accorder une interview. Aujourd’hui, nous revenons sur les points saillants de cette discussion dans le cadre de cet article qui reflète parfaitement son actualité. Remy Alazoula nous recevant donc dans sa ville, s’était exprimé longuement sur la vie politique de son pays dont nous publions l’essentiel ici.
« Tout d’abord, je tiens à exprimer ma sincère gratitude pour l’honneur que vous me faites en me permettant de donner la parole sur votre plateforme de renommée, qui œuvre depuis de nombreuses années en faveur de l’Afrique. Je suis Rémy Alazoula, éducateur sportif, père de deux enfants et président du collectif de la diaspora centrafricaine (CDC). Mon parcours académique a débuté en République centrafricaine (RCA), où j’ai obtenu mon baccalauréat scientifique Série D. À l’époque, j’étais également un athlète de niveau national et sous-régional. J’ai eu la chance de poursuivre ma passion pour le taekwondo en France, où j’ai obtenu mon Diplôme d’État de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DEJEPS), me permettant ainsi de représenter la RCA dans diverses compétitions internationales. Depuis 2013, j’ai commencé à exprimer mon point de vue sur la gouvernance de mon pays, la RCA, à travers les réseaux sociaux, en réaction aux horreurs perpétrées par la rébellion Seleka sur tout le territoire. C’est alors qu’en collaboration avec un groupe de compatriotes, nous avons créé le CDC dans le but d’apporter notre contribution au développement de la RCA. Malgré les défis socio-économiques et sécuritaires, la RCA s’efforce tant bien que mal de progresser. Une grande partie de notre peuple conserve l’espoir d’un retour à une paix durable.
Le débat républicain du 27 mars 2022 avait constitué pour moi une occasion en or pour rappeler à la diaspora centrafricaine à travers le monde que nous devons transcender nos différences, qu’elles soient politiques, ethniques, sociales ou autres, afin de bâtir notre nation, à l’instar d’autres pays africains qui font face à leurs propres difficultés. Lors de cet échange, de nombreuses recommandations ont été formulées dans divers domaines, mais malheureusement, les résultats concrets de ce dialogue républicain ne sont pas encore tangibles pour notre peuple. Pour ma part, en tant que citoyen engagé, je considère le patriotisme comme une obligation. Je fais partie de ce peuple, je le soutiens, nous sommes une communauté, une grande nation, et en tant que personnalité publique, il est de mon devoir d’apporter ma contribution pour le bien commun. Il s’agit également d’un devoir moral pour nous, les fils et les filles de ce pays, de prendre le flambeau et d’éclairer l’avenir de nos concitoyens, car nous représentons la jeunesse de la nation.
À mon humble avis, le gouvernement devrait instaurer un système visant à redresser rapidement l’économie nationale tout en maintenant la sécurité du peuple centrafricain. Il est indéniable que la question de la sécurité reste préoccupante sur l’ensemble du territoire, suscitant ainsi l’inquiétude de la population. Il s’agit là d’un devoir fondamental du chef de l’État que de garantir la tranquillité des citoyens. Cependant, nous sommes conscients que les forces de l’ordre et de la défense centrafricaines sont encore en phase de développement, nécessitant une formation de qualité à la fois pour les officiers et les soldats. À mon sens, l’idéal serait d’établir une armée capable de sécuriser nos frontières et zones sensibles, assurant ainsi la sécurité intérieure et une protection stratégique.
Bien que les ressources financières fassent défaut, nous plaçons notre confiance dans une gouvernance efficace pour garantir un avenir meilleur au peuple centrafricain. La constitution est le socle d’une nation, mais la nôtre ne reflète pas la réalité centrafricaine, voire africaine. Cette constitution a été élaborée sous un pouvoir transitoire et comporte de nombreuses failles qui ne protègent pas suffisamment le peuple centrafricain. Nous semblons presque étrangers à notre propre pays. Pour une nation qui aspire à la force, il est impératif d’avoir une constitution à la hauteur de nos aspirations, et non une simple réplique de textes occidentaux qui ampute notre patrimoine. Certains articles de cette constitution suscitent également la controverse, notamment en ce qui concerne l’extension du mandat présidentiel. Cela signifie que certains opposants au pouvoir devront patienter longtemps avant de pouvoir accéder à la magistrature suprême. Nous devons penser à l’avenir et à l’héritage du peuple centrafricain.
Nous ne devons pas nous limiter au présent, car la RCA est en voie de développement. Une constitution qui protège l’intérêt général et confère aux Centrafricains un droit absolu sur leur nation garantit un avenir plus prometteur. Le peuple ne doit pas céder à l’égoïsme politique, car ce pays n’appartient ni à un groupe ethnique ni à un parti politique. Ceux qui ont élaboré la toute première constitution centrafricaine ne sont plus en poste, ni au pouvoir ni dans la gouvernance. Par conséquent, il est erroné de penser que le gouvernement actuel s’approprie la RCA. Il s’agit plutôt de renforcer la protection de notre bien commun, la RCA. Le peuple centrafricain ne doit plus se laisser manipuler, et il est de notre devoir collectif de veiller à la souveraineté de notre nation et à la liberté fondamentale du peuple. Quant au bilan du président en exercice, je ne prétends pas être la personne la mieux qualifiée pour le juger en profondeur. Cependant, je peux faire quelques observations.
La capitale centrafricaine, Bangui, connaît actuellement une transformation majeure, avec de nouveaux bâtiments et infrastructures émergeant chaque mois. Les routes et les rues continuent d’être modernisées. Dans les régions reculées, les activités reprennent, permettant aux gens de circuler librement et aux artistes de se produire aussi bien dans la capitale que dans les provinces. Le transport vers les pays voisins redevient possible par voie terrestre ou fluviale, reliant ainsi la RCA au Cameroun, au Tchad, aux deux Congo, au Soudan et au Sud-Soudan. Cependant, des défis subsistent, notamment dans le domaine de la santé publique, de l’éducation, de l’accès à l’eau potable et à l’électricité. J’espère sincèrement qu’il y aura une amélioration substantielle à tous les niveaux d’ici la fin de son mandat, offrant ainsi un espoir d’un avenir meilleur au peuple centrafricain. J’ai eu la chance de pratiquer le sport à un niveau très élevé, en devenant champion d’Afrique de Taekwondo et en remportant plusieurs médailles internationales.
Cette expérience m’a permis de bénéficier d’une bourse olympique pour les Jeux de Londres en 2012 et de Rio en 2016. Aujourd’hui, je gagne ma vie en tant qu’entrepreneur indépendant en tant que coach sportif. J’offre mes services dans des institutions européennes en France et au Luxembourg. Malheureusement, le sport centrafricain connaît des difficultés car il manque d’organisations sportives capables de le guider. De nombreux responsables et dirigeants ne sont pas suffisamment formés pour leurs responsabilités. Le gouvernement n’a pas de vision claire ni de plan de développement pour le sport centrafricain, ce qui se traduit par un manque de volonté politique. Pourtant, la RCA dispose de personnes compétentes capables de promouvoir le sport de manière institutionnelle et sportive.
Le président devrait mettre le sport au cœur du développement social, car il touche la jeunesse, une jeunesse émergente qui ne veut pas être manipulée ni se livrer à la désobéissance civique. Personnellement, j’espère que la République centrafricaine deviendra un exemple de développement en Afrique. Nous avons traversé de sombres heures dans notre pays en raison de l’égoïsme, de l’intérêt personnel, du tribalisme, du favoritisme, de la manipulation de masse, et bien d’autres maux. Il est grand temps que les Centrafricains se rassemblent pour construire un Centrafrique prospère, veillant au bon fonctionnement des institutions nationales et privilégiant le dialogue au lieu de la rébellion. D’ici 2035, nous pourrons fièrement dire au monde entier que la RCA est un berceau de l’humanité béni. »