PAR MICHEL LOBE
L’actualité africaine ne connaît pas de répit. Deux événements majeurs viennent confirmer l’intérêt que le monde porte sur notre continent. Les chefs d’Etat africains et de gouvernements ont participé cette semaine au deuxième sommet Russie/Afrique. Malgré les mises en garde des chancelleries occidentales, les dirigeants africains n’ont pas hésité à assister à cette grande messe qui permet à la Russie de sortir de son isolement diplomatique. Le sommet Russie/Afrique est un bol d’air salvateur pour Vladimir Poutine que les forces de l’Otan souhaitent punir pour avoir déclenché une guerre contre un pays européen souverain. Les informations qui viennent du front ne sont pas rassurantes. La guerre s’enlise et la contre-offensive de l’Ukraine tant annoncée et redoutée par l’ennemi russe bat de l’aile. La guerre, pour une fois, se déroule hors des frontières africaines qui ne connaissent d’ailleurs pas de répit. Qu’est-ce que l’Afrique peut attendre de ce sommet ? Il va sans aucun doute renforcer les liens d’amitié et de coopérations militaires au moment où l’Afrique est confrontée à une guerre contre les jihadistes surarmés après la chute de Kadhafi en Libye par les forces de l’Otan.
Pourquoi un deuxième sommet Russie/Afrique ? Les relations entre la Russie et l’Afrique ne traînent pas un lourd passif. Elles remontent au début des guerres d’indépendance où les anciens esclavagistes et colonisateurs voulaient perpétuer un système inique de domination en Afrique. La Russie a apporté une aide substantielle aux combattants de la liberté africaine qui voulaient se débarrasser de leurs bourreaux. Cette aide n’était pas désintéressée. Mais elle a permis aux vaillants combattants africains de mener une lutte qui a conduit à des indépendances étriquées. Une relation s’est alors nouée entre l’Afrique et la Russie. Elle s’est limitée jusqu’ici à une coopération militaire et à des fournitures d’armes. Les intérêts russes en Afrique ne sont pas économiques ni financiers, contrairement à l’Occident qui continue à piller sans vergogne les ressources africaines et qui impose à ce continent des régimes politiques dictatoriaux, corrompus et soumis. Comme dans toutes les relations, l’Afrique ne saurait ignorer qu’elle n’a pas d’amis. Elle a autour d’elle des nations qui veulent l’exploiter et l’appauvrir pour mieux la dominer.
Le putsch du Niger
L’actualité évolue au gré des événements parfois imprévisibles. L’Afrique vient de subir cette semaine un nouveau coup d’État. Il s’est produit dans une région où le mal-être des populations ne supporte plus les régimes autoritaires, corrompus et à la solde des forces exogènes. Le Niger en fait les frais aujourd’hui. Le président Bazoum a été renversé par des militaires. Ce coup d’Etat était prévisible depuis que l’armée française s’est installée au Niger. La population n’a pas supporté cette présence qui venait du Burkina Faso où elle n’était plus la bienvenue. Le président Bazoum a-t-il eu tort de céder à la sollicitation française ? L’histoire nous le dira. Mais nous ne pouvons ignorer que la jeunesse africaine aspire à la souveraineté totale. Elle ne supporte plus la présence des bases militaires étrangères sur son sol. Elle condamne sans réserve ses présidents qui ne sont que des pions sans ambition nationaliste au service de l’Occident. Le nouveau président nigérian a du pain sur la planche. La semaine dernière, il a annoncé qu’il se battra contre les coups d’Etat militaires dès qu’il a été nommé Secrétaire Général de la CEDEAO. Il ne manquera pas de condamner ce nouveau putsch.
Le président Talon du Bénin devait lui aussi effectuer une tournée dans les pays de l’Ouest africain sous l’égide de la CEDEAO. L’objet était de ramener la paix civile et de relancer une nouvelle dynamique politique pour des pouvoirs civils. Au grand désarroi de la CEDEAO, cette tournée de bonne volonté a été ajournée sine die. Les coups d’Etat risquent de se poursuivre tant que les dirigeants africains s’accrocheront au pouvoir, au mépris des constitutions, pour servir leurs maîtres. L’Afrique a besoin de s’affirmer et de s’affranchir comme un continent libre. C’est pourquoi nous pouvons nous féliciter de voir ses dirigeants assister au sommet Russie/Afrique, malgré les menaces pour les obliger à annuler leur participation. L’Afrique est libre et mature. Elle choisit ses amis en fonction de ses intérêts. Elle ne peut continuellement s’ligner aux côtés de ses bourreaux. Elle veut construire un nouveau paradigme où sa jeunesse œuvrera pour sa prospérité.