Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LES BABOUTE  HIER, AUJOURDHUI ET DEMAIN

LES BABOUTE

J’ai antérieurement écrit plusieurs articles sur le peuple Vuté. Celui-ci approfondit mes recherches parce que je trouve précieuses  toutes les   contributions qui nous feront  posséder  un jour, une histoire complète et une source évidente sur la connaissance du peuple Vuté. j’ai réuni dans ce texte des recherches nouvelles qui amplifient les anciennes. Aucune idée n’est vague. Il s’agit  d’autres représentations qui ont formé l’identité Vuté. Entre ancrage et renouvellement, tradition et ouverture, c’est un autre monde qui s’ouvre. Cet  article repose également sur  des recherches en des  lieux forcément non-exhaustifs, mais qui pourraient tout de  même, ravir les passionnés d’un peuple rare. La  féerique bucolique d’une communauté, aux arborescences secrètes, qui se dévoile chaque jour,  de façon bizarre et époustouflante dans le temps d’une secousse, contient des  mystères. Les Vuté viennent de loin, dans le temps et dans l’espace, puisque la première trace connue s’inscrit au nord de l’Afrique notamment au Soudan et en Egypte.

Mes recherches récentes plongent ses racines en Inde  avant son infusion en Afrique. Le sens de l’honneur et de la dignité qu’il incarne, illustre pleinement la profondeur avec laquelle ces voyageurs de civilisation, imprègnent leur  iconographie en  montrant à quel point,  ils sont  étroitement liés aux cultes, aux symbolismes mystiques, malgré le modernisme ambiant. Son passé reste indissociable de son identité. C’est une tribu vaguement connue qui s’effiloche capricieusement le long d’une route qui commence de Nguila et s’étire jusqu’à l’Adamaoua. De M’bandjock à Nanga en passant par Djolé, un cheminement piqueté de forêts vierges, une trentaine de villages, dont les plus célèbres sont Nguila, Mouingouin, Mangaï, Ngouéto, Foui et la petite cité de Yoko qui demeure son pôle principal. Encore appelée  la Rose, Yoko  ressemble à un paradis créé, tout exprès pour les vacances lointaines. Grâce à son beau paysage et ses richesses culturelles, elle se relève de son passé colonial dont elle a, – comme toutes les autres villes – sérieusement été frappée. S’accommodant des coutumes des  villes sous les tropiques, elle répond à toutes les variétés culturelles comme les  chants, les danses, la chasse et la pêche.

Un beau relief

C’est l’influence conjuguée, de la tradition dans un relief pour le moins tourmenté qui met en évidence l’immensité de la terre. L’omniprésence des animaux et des oiseaux, rappelle la vie sous les banquises polaires. Toute une végétation luxuriante, aujourd’hui émiettée à l’extrême. C’est là que sont concentrés très fortement des villages exigus. On le sait déjà,   les traces les plus récentes  des Vuté  se situent en  Egypte Ancienne. Fuyant l’esclavage arabe et le désert, ils affrontent plusieurs peuples sur leur chemin notamment les Peuls et surtout les Tikars avec qui, ils se résoudront à sceller une belle alliance après des durs combats. Le fossé est gigantesque entre le grand Mbam c’est-à-dire (le Mbam et kim et Mbam et inoubou, ) territoire quatre fois plus grand que l’ouest du Cameroun. On vit essentiellement de la culture du cacao, du maïs, du manioc, de plantain, ou de l’exploitation des  forêts. Malgré cela un abîme sépare cette poignée d’hommes qui vit toujours  de façon fracassante dans la misère et  le sous-développement. On a souvent prétendu que les Vuté avancent masqués comme pour mieux entretenir le mythe naissant qu’ils suscitent. Et les tentatives des autres peuples pour les discréditer aux yeux des autres camerounais et admirateurs n’ont guère été couronnées de succès. Les historiens d’un instant ont appris à respecter la culture de ces peuples qui ont maintenu leurs structures communautaires fortement enracinées. Ceux qui font des tours dans ces régions sont impressionnés par la coutume de ce peuple qui inhale de nos jours de  petits esprits d’entreprise.

Du fait de son histoire le grand Mbam est une mosaïque étonnante de peuples. On y rencontre : les Sanaga, les Banens, les Tikars, les Baveks, les Midjanti, les Sereres, les Yassem, les Bafias, les Baloms. La légende raconte qu’ils descendent tous de l’Egypte ;  leur mode de vie ancestrale s’effleure avec les impératifs de la vie moderne. Chaque peuple possède sa propre spécificité culturelle qui l’empêche de se confondre avec tout autre. Les Vutés peuvent s’enorgueillir d’être le berceau de la brillante civilisation pour avoir conquis par la guerre un immense territoire. Les villages ne sont pas moins exotiques qu’autrefois, puisque le plus souvent les Vutés conservent leur mode de vie ancestrale. S’il fallait trouver un point commun à cette myriade d’entités, on pourrait forcément citer, leur courage dans les batailles, leur forte tradition millénaire, le goût pour les fêtes colorées, et un spiritualisme vivaces, de jour  en jour  réinterprété, et exprimé avec ferveur. Le bonheur des Vutés est d’avoir connu la guerre.

Les chefs traditionnels détiennent des beaux contes intéressants sur le passé. Grâce à des guerres, ils ont détruit des armées redoutées indomptables dans les siècles passés. Yoko ville principale qui se développe fortement aujourd’hui est un monument du futur. Son  paysage, avec ses chaînes de montagnes baroques ne s’étaient jamais aussi  affirmés dans un milieu naturel avec autant d’ampleur. L’influence de ce décor y est nettement sensible au regard. Le temps ne joue pas uniquement dans les processus de la vie, il se manifeste. Les Vutés aujourd’hui, c’est sa jeunesse, cosmopolite et bigarrée, austère et rustique, d’une élégance un peu fanée, qui tire  son originalité dans une nouvelle   société fortement métissée. Le modernisme n’a pas fait disparaître les rites et coutumes, mais s’est  intégré dans une nouveauté triomphante.  La jeunesse conjugue tout au présent dans une solitude communautariste. Elle s’exprime sans nostalgie de son passé. Les villages travaillent avec allégresse, elle a su développer une intense création, protéiforme, affichant un caractère résolument novateur et inclassable, tant dans le domaine, politique, des affaires, du cinéma, de la musique ou de la littérature de l’art tout court, inspirée des modèles qu’elle observe devant elle et sans trafic d’influence.

L’avenir.

Étudier l’histoire des Vutés est extrêmement important pour sortir du sentiment d’impuissance. Malgré tout, depuis quelque temps,  les jeunes nous ont démontré d’immenses progrès. Les actions qu’ils mènent ont eu un succès retentissant dans l’art, et dans les études. Mais l’avenir des Vutés repose sur une seule bataille. La bataille pour la conservation de la terre, et les grands investissements. Depuis près de 30 ans, la situation ne cesse de se dégrader, outre l’accaparement sans limite de la nature par les chinois, et les tribus riveraines, tout se brade sans réflexion. Les jeunes doivent s’intéresser, à la valeur de cette nature, son paysage et son écosystème ; il faut une volonté de préserver, voire de restaurer une nature avec ses myriades d’animaux comme autrefois ; pour cela il faut des mobilisations associatives, c’est la lutte la plus importante. Je ne crois pas à une mobilisation des fonds pour fabriquer des calendriers Vutés. Il n’ y a rien de culturel dans ce bout de papier qu’on  brandit partout  à fort renfort de publicité. Remettre un calendrier dans une chefferie qu’est ce que cela rapporte à ce chef.

La disparition du monde naturel est aussi une vraie question pour notre diversité. Certaines plantes poussent parce que certains animaux y vivent, très souvent, ce sont des plantes médicinales. La biodiversité est le produit d’une longue civilisation et dans chaque milieu naturel, se trouve cette diversité, cette complexité et cette beauté de l’environnement. Si la terre est l’endroit où l’homme Vuté a tout fait et tout espéré, c’est qu’il est l’élément nécessaire pour sa survie. C’est enthousiasmant de voir les jeunes se libérer culturellement, mais il leur manque encore cette force de persuasion devant  ceux qui bradent les terres ou qui détruisent nos forêts. Dans cette période de grands bouleversements climatiques et biologiques, il faut revenir à la spontanéité. Il faut protéger la terre et la forêt, c’est un héritage commun. Je ne dis pas de mener un combat historique. L’homme est le premier être qui  fait partie de la biodiversité. Il a une volonté de s’intégrer à la nature dite ordinaire et mystérieuse. Quand nous étions petits, les Vutés avaient des terres dans tout le Cameroun, ils étaient moins nombreux, maintenant que sa population s’accroît, leur terre se raréfie ; il faut donc maintenant de l’inventivité et une autre créativité. Les associations, c’est bien, mais il faut mêler d’autres passions, et d’autres combats, à l’aide d’alternative concrète.

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