Le père Célestin Christian Ngoura Mvoutsi est un prêtre camerounais, qui à l’époque de cette interview vivait à Rome. Faisant partie de la congrégation des Pères Maristes plus connu sous l’appellation la Société de Marie, il venait de publier à l’édition Harmattan un livre intitulé « la sacramentalité de l’église. » Je l’avais interviewé à la sortie de son ouvrage, l’interview ayant disparu dans la base des données du site, j’ai préféré remettre sur Afriksurseine en l’actualisant.
Bonjour père, vous avez un nom original, pouvez-vous nous expliquer l’origine de ce nom et vous présenter à nos lecteurs ?
Célestin Christian Ngoura Mvoutsi. C’est le nom que mes parents m’ont donné le jour de ma naissance. C’était un 25 septembre de l’an 87 au Cass de Nkoldongo à Yaoundé. Chez nous en Afrique, quand un enfant naît, c’est l’affaire de toute la famille. Ce qui fait que : Célestin Ngoura, je le tiens de mon oncle maternel, le grand frère de ma défunte maman qui nous a quittés le 07 octobre 2019. Et sûrement tout ceux qui ont fait leur parcours scolaire à Ngoa-Ekele et dans les séminaires ont déjà rencontré ce nom car, c’est un grand professeur d’anthropologie et qui a beaucoup travaillé sur l’ethnologie de la tribu des Vouté. Mvoutsi, je le tiens de mon Papa qui s’appelle Mvoutsi Paul Béni. Il est professeur d’allemand en retraite. Je souligne qu’il est très polyvalent et donne d’autres cours au lycée de Yoko et les établissements environnants et touche-à-tout. Donc, pour faire la différence entre mon homonyme et moi, je préfère qu’on m’appelle Christian Ngoura pour que chacun puisse écrire son histoire. Ce qui fait que communément l’on m’appelle Fratello Kizito sur les réseaux sociaux qui est un nom pour mon style d’apostolat à travers les nouveaux médias. Christian Ngoura est un jeune camerounais, Originaire du Mbam et Kim, localité de Yoko. Je deviens un membre à vœux définitif de la congrégation des Pères Maristes (District d’Afrique).
Je suis auteur de deux ouvrages dont le premier est intitulé : « La gestion de l’intelligence émotionnelle selon Daniel Goleman. » Dans cet ouvrage, j’ai abordé la question de l’importance de l’intelligence émotionnelle dans la vie de l’homme et qui nous est indispensable dans nos rapports avec nous-même et l’autre. Le deuxième qui est fait l’objet de cette interview, s’intitule : »La sacramentalité de l’église. » Au quotidien, j’ai des publications constantes et attrayantes les unes des autres comme : • Ma Petite Prière • Ma Petite Chronique Francamglais • Ma Petite Méditation Dominicale. Que nous retrouvons sur des plateformes et les nouveaux médias de la technologie. Et même sur afriksurseine, j’ai des articles déjà rédigés sur cette merveilleuse plateforme numérique qui promeut l’excellence. On peut voir là que je suis un passionné de la lecture et de l’écriture et celui là qui aime partager le peu de savoir qu’il a, avec tout le monde.
Pouvez-vous nous dire quel a été votre parcours scolaire jusqu’à ce jour ?
Mon parcours scolaire est un peu atypique. Etant donné que mes parents et bon nombre d’entre nous sommes enseignants, j’ai commencé mes classes à l’âge de 2 ans et demi. Donc j’ai fait l’école maternelle comme tout le monde (moyenne et grande section). J’ai eu un parcours exemplaire à l’école notre Dame de Mvolyé. Pour le secondaire, j’ai dû aller sur Yoko en 1999 pour le premier cycle. Un parcours exemplaire aussi. Le second cycle, j’ai eu beaucoup de difficultés à me reprendre, car j’ai changé de ville et d’établissement. Ce qui fait que j’ai fait le lycée d’Éfoulan, le Collège Ébanda, et même des cours du cours du soir. Car, face à ma non-réussite au probatoire, j’ai dû me lancer dans les affaires (petit commerce).
Plus tard, j’ai été rappelé à la raison, j’ai repris les bancs en allant au Collège de la Salle de Doumé et pour finir le cycle secondaire, je suis allé à Bafoussam où, j’ai eu mon Baccalauréat A4 Allemand au Collège Socrate. Les études Universitaires, j’ai fait Philosophie à Ngoa-Ekele puis à l’Institut de Philosophie Saint Joseph Mukasa. Par la suite, j’ai eu une formation d’approfondissement de la spiritualité de notre congrégation aux Philippines suivit d’un temps de pastorale à Bamenda. Puis je suis allé à Rome pour des études théologiques où j’ai eu ma licence en théologie à l’Université Pontificale Grégorienne et actuellement, je suis à l’Université Pontificale la Salésienne pour un Master de spécialisation comme formateur et animateur vocationnel. Donc… j’ai tous mes diplômes du primaire, du secondaire, une licence en philosophie et une théologie. Et là je me spécialise pour en Master professionnel. J’espère n’avoir rien oublié (sourire).
Comment arrive-t-on à laisser tout tomber pour se consacrer à Dieu ?
C’est une question qui est souvent difficile à répondre. Tu sais pourquoi ? Tout simplement parce que les voix de Dieu sont insondables. Pour dire vrai, mes projets étaient loin de me consacrer au Seigneur. J’ai toujours voulu être un éducateur, un enseignant et un ingénieur en informatiques. Et à un moment donné, j’ai flirté avec les affaires. Mais un jour, un de mes Grand frère prêtre le P. Benoît Obono m’a dit : « Je te sais très intelligent, ta place n’est pas dans les affaires. Viens et suis-moi. Partout où je serais affecté comme prêtre, j’irais avec toi. » Il m’a donné une chance que j’ai saisie et aujourd’hui, il peut être fier de ce que je deviens. C’est grâce à lui que j’ai trouvé goût à cette vie en le voyant vivre son sacerdoce et à force de côtoyer le milieu (Enfant de Chœur, groupe de liturgie, groupe vocationnel). Dieu m’a séduit comme il l’a fait avec le prophète Jérémie et je me suis laissé séduire. La bonne chose, c’est que tout ce que j’ai voulu faire, en étant dans la vie consacrée, j’ai même encore plus de possibilités.
Je peux être éducateur, enseigner sous diverses formes, je peux m’améliorer en informatiques et mettre mon don au service de tous et pour la plus grande gloire de Dieu. En fait, je ne me limite pas à une seule chose, je touche-à-tout pour répondre au charisme de congrégation qui de faire des œuvres de miséricorde et de se focaliser dans l’éducation formelle et informelle. Pour tout dire, ce n’est pas toujours facile, mais… Il faut savoir s’abandonner à la volonté de Dieu et se laisser aller dans la direction à laquelle il te conduit. Car je peux vous assurer que toutes les fois où j’ai voulu faire autre chose, cela n’a pas toujours marché. Comme pour dire, il faut savoir lire les signes du temps et des événements qui t’arrivent et aussi, il est important d’avoir un projet de vie claire qui t’aidera à voir plus clairement l’aboutissement des issues au fur et à mesure.
Parlant de votre livre pourquoi avoir choisi un tel titre « la sacramentalité de l’Église. » l’église, a-t-elle été désacralisée depuis que vous y visitez ?
Je dirais qu’au départ, je n’avais pas pensé écrire sur la sacramentalité de l’Église. Mon idée de départ était d’écrire sur la liturgie que j’aime beaucoup, car suis un peu perfectionniste sur cet aspect. Mais après une discussion riche et intense entre moi et un aîné qui maîtrise l’ecclésiologie le P. Patrick Isma, il m’a aidé à reformuler toutes mes idées et au finish nous avons trouver un thème pour mon projet d’écriture la sacramentalité de l’Église qui est différent de la sacramentalité dans l’Eglise qui parle plus des sacrements et non de la Sacramentalité, de l’essence même de l’Église. Pour chacun de nous, il est important aujourd’hui de savoir comment la pratique des sacrements dans l’Église sauvegarde notre identité comme sacrement du salut, au milieu de cette effervescence religieuse qui semble tordre le christianisme en Afrique.
Même si les difficultés inhérentes aux sacrements sont responsables de leur bonne compréhension en Afrique, ils ne constituent pas l’unique aspect de l’Église dans la recherche du salut de l’homme : nous avons aussi d’autres aspects, tels que la charité qui apporte une aide concrète à la question de la pauvreté. Dans ce « supermarché religieux », il faut donc savoir comment cette sacramentalité permet-elle à l’Église catholique romaine de se démarquer des logiques d’un christianisme de la prospérité, limité par une vision matérialiste de l’Église en Afrique. Il y a des dérives que je dénonce tout en proposant des voies de solution.
L’église de nos jours a-t-elle conservé intacte cette identité du sacré dans une société mouvementée ?
Malgré toutes les secousses que l’Église catholique connaît aujourd’hui (scandale, abus, discrétisation, etc. ) je peux affirmer à travers ce livre que la Sacramentalité de l’Église reste inchangée et ne changera point malgré les dérives et tant que c’est le Christ et son Esprit qui soufflent. C’est vrai qu’il y a des brebis galeuses, mais comme le dit si bien cet adage « les hommes passeront, mais l’Église demeurera in eternum. »
Vous parlez de christianisme de la prospérité… des hommes limités par une vision matérialiste… A qui adressez-vous ce message ? Etes-vous entrain de juger les autres églises ?
Le message que je véhicule dans cet ouvrage est pour tous les chrétiens dans la mesure où, quand on parle de sacramentalité cela ne concerne pas seulement l’Église, mais toutes les églises qui ont au centre Jésus-Christ. L’auteur n’a pas la prétention de la purifier encore moins de juger la pratique en cours. Loin de moi l’idée de vouloir juger qui que ce soit… d’ailleurs, je vais citer le pape François en disant : « qui suis-je pour les juger ?» Je voudrais seulement apporter ma petite pierre à la construction de l’édifice de cette Église qui est la nôtre, un édifice solidement enraciné sur le Maître de l’œuvre, le Christ-Jésus, pour attirer l’attention sur ce qui semble ne pas aller, compte tenu de l’impact de la densité symbolique des signes dans nos cultures.
Je pourrais ainsi contribuer, à mon petit niveau, au travail de bonne orientation et d’amélioration de la vie de foi des chrétiens auxquels notre Église se donne à longueur de journée au sein des populations encore pleines d’enthousiasme pour la cause du Christ. La pauvreté, y militer ? Je te dirais tout simplement que tout dépend de quelle pauvreté tu parles. Si c’est celle matérielle, nous devons tous y sortir, mais avec la manière en bossant dure pour ne pas subir la pauvreté. Mais si c’est celle spirituelle, je te demanderais tout simplement de méditer les béatitudes pour comprendre le sens véritable de la pauvreté spirituelle qui part du cœur et l’amour que nous portons pour les autres.
La plupart des livres spirituels sont tournés vers l’intériorité. Est-ce votre cas ?
Ce que tu dis mon cher frère est ce qui le plus souvent est attendue des livres spirituels. Pour ce qui est de mon livre qui parle de spiritualité ne s’arrête pas seulement sur l’aspect intérieur de la vie spirituelle de l’homme. Je vais un peu plus loin dans la mesure où, je touche la vie sacramentelle de l’Église qui engage la personne dans son ensemble. Sa vie chrétienne, sa vie spirituelle, sa relation avec Dieu, lui-même et son prochain, de l’histoire, de la mission, la nouvelle évangélisation et bien d’autres thèmes qui puissent aider le lecteur à se situer dans le temps et dans l’espace qui est le sien et de sa vie en tant que chrétien. Donc chacun pourra trouver son compte dans l’ouvrage selon ce qu’il recherche. Je rappelle que le livre est là pour répondre à un problème que notre Eglise connaît aujourd’hui.
Quand on vous lit, on constate un livre extrêmement philosophique et théologique. Avez-vous écrit ce livre exclusivement pour les philosophes et les théologiens ?
(Rire) C’est un peu trop dire que le livre que je tiens entre les mains soit philosophique et théologique. Je dirais plutôt que c’est un livre qui bien qu’il soit à caractère théologique est dans le domaine d’ecclésiologie pour répondre à un besoin bien précis sur la question de la sacramentalité de l’Église, en définissant les bases fondamentales de l’Église comprise comme sacrement, telle que voulue par le Christ, afin de faire connaître l’impact et le bien-être que nous apportent les sacrements dans notre vie de foi. Pour répondre à ta question, ce livre n’est pas exclusivement pour les philosophes et les théologiens.
C’est un ouvrage qui est pour tout chrétien qui veut en savoir plus sur la sacramentalité de l’Eglise et surtout de la mission sacramentelle de celle-ci. Nous devons aller dans les périphéries et comprendre la dimension missionnaire de l’Eglise qui se veut d’être « en sortie ». Je mets en exergue dans l’ouvrage la sacramentalité de l’Église non pas pour mettre en mal de l’Église mais, pour remettre à sa place la sacramentalité telle que voulue par le Christ. Le but, ici étant de prendre conscience de l’impact et du bien-être que nous apportent les sacrements dans notre vie de foi, à quoi s’ajoutent un certain intérêt pour le pauvre. Il s’agit là d’avoir le souci des autres, surtout les plus démunis, et le souci de la mission portée par tous. Cela passerait alors par une catéchèse stricte et systématique des chrétiens que nous sommes. Nous réalisons que chacun de nous est un acteur, à part entière, de l’Église.
Je profite pour avoir votre avis sur la théologie féministe. Êtes-vous favorable ?
Déjà, il faut savoir que la théologie féministe vise à étudier dans une perspective théologique et historique scientifique le rôle des femmes dans les textes sacrés des religions et au sein de leur milieu religieux d’origine. Celle-ci favorise également une réinterprétation du rôle des femmes qui peut être véhiculé dans l’imagerie et dans les propos religieux à dominante patriarcale. Je ne te donnerais pas une réponse par l’affirmative ou la négative. Ce qui est à l’origine d’une théologie féministe, c’est la négation des femmes, leur mépris au nom d’une théologie patriarcale qui pousse les femmes à se réapproprier la Bible. Je dirais tout simplement, c’est un sujet qui ne me passionne pas trop et je ne m’intéresse pas trop. Ce qui fait que pour moi le féminisme ne devrait pas prendre de l’ampleur surtout si elle est négative.
L’Américaine Mary Daly, philosophe et théologienne, s’oppose par exemple à l’idée même d’un Dieu masculin. Ma question serait de savoir si Dieu à un genre. C’est vrai que la représentation qu’on se fait de lui est masculine et je pense que cela ne devrait pas en principe créer le problème. Seulement dans l’Église aujourd’hui avec le gouvernement du Pape François, la femme en général occupe une place importante, et même des postes importants ceci, pour implémenter ce qui avait été décidé sous Vatican II. Et je pense que dans le Nouveau Testament avec Saint-Luc la femme est déjà au centre des débats. Surtout quand on pense à l’épisode de Jésus et Marie-Madeleine qui a été l’apôtre de la résurrection. À un certain moment, il faut un peu arrêter de créer des débats où il n’y en a pas surtout quand il s’agit des questions du genre. Dieu est Dieu et il n’a pas de sexe ni de genre. Ne nous détournons pas de l’essentiel.
Suivre le Seigneur de nos jours est-il toujours un don de Dieu ? Par quoi peut-on le reconnaitre ?
Se mettre à la suite du Seigneur de nos jours est un don de Dieu. On a tendance à croire que ce n’est pas un don de Dieu, parce que nous nourrissons des intérêts personnels qui ne correspondent pas toujours à un projet Vocationnel. Nous devons le savoir, c’est Dieu qui nous appelle à sa suite et nous devons répondre positivement. Quand il nous appelle, il a déjà un projet de vie pour chacun de nous.
Mais savons nous répondre à cet appel aujourd’hui face au monde aux bruits et toute sortes de propositions qui nous éloigne du projet de Dieu pour nous. Déjà, il faut le savoir, il ne faut pas que ce soit quelqu’un qui te pousse à répondre à cet appel sinon, ce sera juste pour faire plaisir à la personne ou tout simplement du business. Or, si tu réponds à l’appel et que tu te laisses former à l’image de Jésus et se mettre à la suite du Christ, tu comprendras mieux pourquoi se mettre à la Sequela Christi est un don de Dieu. Le Pape François souligne que les motivations authentiques de la vocation sont « la suite du Seigneur et l’établissement du Royaume de Dieu ». Ceux qui participent à la formation des prêtres sont appelés à éduquer « avec leur vie, plus qu’avec leurs paroles ». Pour cela il faut avoir un accompagnateur ou un directeur spirituel et un confesseur qui t’aideront à discerner ce don gratuit de ta vocation.
Comment commander votre livre ?
Le livre peut se commander plus d’une plateforme numérique. C’est disponible à L’Harmattan en version papier à 11.50€ et E-book à 8.49 €, sur amazon.
Je vous laisse carte blanche pour terminer cette interview.
C’est une première qu’on écrit sur la question de Sacramentalité de l’Église et c’est un jeune africain qui le fait. Non pas pour dire que rien n’a été fait avant, je n’apporte que ma petite pierre à l’édifice. C’est pour dire que chacun de nous doit connaître l’essence de l’Église. Nombreux, on écrit sur la question, mais aujourd’hui ,j’apporte un regard nouveau, un regarde africain sur la question et plus particulièrement au Cameroun. Je tiens à remercier la Sr Marie qui a préfacé mon livre et qui m’a beaucoup soutenue dans ce projet. Le père Patrick Issomo qui m’a inspiré le thème, à mon jeune frère philosophe et didacticien Éric Nomo qui a postfacé le livre. À tous mes proches et amis. Un merci spécial à Camer.be qui nous offre cette plateforme pour communiquer. Merci à Calvin Djouari pour la main tendue et à vous pasteur Roncs qui avez pris le temps de m’interviewer. Procurons-nous notre copie de l’ouvrage la Sacramentalité de l’Église, c’est un chef d’œuvre à avoir avec soi comme un va de me cum.