Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LA POSTERITE EST UN COMBAT DE YANA BEKIMA

LA POSTERITE

« La Postérité est un Combat » s’élève tel un poème d’amour paternel. Le livre est le  quatrième joyau littéraire du  camerounais Yana Bekima, écrivain résidant en Suisse. Paru l’année derrière  dans les dédales de l’hiver, ce livre de 159 pages se dresse comme un vibrant hommage à son père, transcendant les frontières de l’autobiographie pour devenir une douce balade à travers les souvenirs, où chaque âme qui s’y plonge peut extraire une leçon précieuse sur sa vie personnelle. Dans ces pages, Yana Bekima nous convie à un voyage au cœur des souvenirs, des mois, des jours, et des minutes qui ont constitué la vie de son père, un laps de temps si minuscule et pourtant si intense et précieux. Au fil des mots, il parvient à révéler non pas une, mais deux âmes, tissant des pensées et des confidences, celles de son père et les siennes, dans une danse harmonieuse que le temps n’a pu éteindre. Ce récit, tout comme son précédent succès « Pleure ô Eseka, » prend la forme de l’autobiographie, mais il est bien plus que cela.

C’est un livre de mémoire, une toile tissée par l’auteur pour nous raconter le passé d’un homme qui avait la capacité de prédire l’avenir, un homme qui était son père. L’auteur nous emmène au commencement de leur complicité, se transformant en un jeune garçon à chaque page, tout en s’exprimant en tant qu’écrivain, rendant hommage au monde d’antan, où l’homme vivait en harmonie parfaite avec la nature, sa famille, et son entourage. L’écriture de Yana Bekima ressuscite les voix de ce dernier,  comme une  mélodie enregistrée au coin de ses chemins de vie. Il ressuscite les voix de son père dans son esprit, créant une métaphysique des mœurs où la maison est la racine, le chemin parcouru devient le corps, et les feuilles et les fruits ramenés le soir à la maison forment un arbre généalogique résumé.

L’auteur fait revivre ces souvenirs avec calme et patience, cherchant à reconstruire le lien intime entre lui et son père. Ce que Yana Bekima tente de faire, c’est de reconstruire les maillons intimes de cette chaîne de vie. « D’où viens-tu, papa ? » est une question existentielle, mais aussi métaphysique, à laquelle le père répond : « Prends ton repas, et ce soir, nous parlerons… Assieds-toi et attends. » Le calme et la patience sont les vertus que le père semble exiger de son fils. Ce livre autobiographique est le plus vibrant de tous ceux que Yana Bekima a écrits à ce jour. A la  lecture du livre, nous sommes invités à nous interroger sur la vie, à sonder les profondeurs de notre propre identité. C’est un hymne passionné au passé, à ces civilisations perdues que nous chérissons tous au fond de nos cœurs.

Cependant, une angoisse perpétuelle se glisse entre les lignes de cette œuvre, une angoisse qui touche profondément quiconque se replonge dans les souvenirs de son père. C’est l’angoisse de nos valeurs perdues, que nous, en tant qu’adultes, avons parfois du mal à retrouver. Serons-nous de bons pères ? Avons-nous répondu à leurs attentes ? Avons-nous suivi leurs précieux conseils ? Ces questions qui nous hantent montrent que nous cherchons à nous reconnecter avec nos racines avec les nôtres, et dans cette impossibilité il faut le tenter à travers l’écriture, à accomplir ce que nous n’avons peut-être pas su faire autrement.

L’écriture devient ainsi le remède au spleen de l’auteur, lui permettant de libérer ces souvenirs qui le tourmentent parfois. « Les souvenirs me taraudent dans le cœur, il faut que ces souvenirs sortent de mon corps afin que je me sente léger. » « La Postérité est un Combat » donne vie à deux personnages principaux, le père et l’enfant devenu père à son tour, créant une double renaissance, une danse passionnée entre deux générations. L’écriture de Yana Bekima est une mélodie chantante de façon continuelle, une symphonie qui berce et ébranle, une ode à la vie, à l’amour, et à la quête d’une postérité. Tout un  spectacle qui marie la vie et la fragilité, un tableau vivant de l’ancien Cameroun, peint avec des couleurs éclatantes. Tout y est raconté, tout y est relaté, de l’espace d’un après-midi au vide de l’Occident, des manques des hommes à la lutte inlassable pour la vie.

Depuis toujours, Yana Bekima le sait, la vie est un combat. Il s’y est préparé depuis son enfance, et il continue à se préparer pour de nouveaux défis. L’œuvre prend une dimension héroïque, une célébration de ces combats à venir, alimentée par l’enthousiasme qui l’anime. Il a deux  alliés dans cette bataille : la dimension humaine avec son père et la dimension matérielle et spirituelle avec sa plume. Le livre de Yana est un testament de mémoire, un tableau vibrant de l’Afrique, de ses coutumes et de ses couleurs. C’est la romance ancestrale que l’on n’oublie jamais, celle qui se réveille en nous, nous invitant à redécouvrir notre propre enfance.

Ce qui distingue Yana, c’est le fardeau de l’histoire qu’il porte sur ses épaules, l’engagement qu’il prend en écrivant sur son père, un engagement, une signature, un pacte avec la vie. Il privilégie les êtres qui lui sont chers, créant un portrait magnifique, baigné des couleurs de notre époque, raconté par un homme au cœur ouvert, un homme qui aspire à retrouver son père, à entendre à nouveau sa voix chantant les mélodies du soir. Car un père reste toujours un père.

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