Aujourd’hui, nous accueillons en nos murs le Docteur Junior Pendola Dallé, un éminent journaliste d’investigation dont la réputation n’est plus à faire. Fort d’une expérience riche et variée, il a exercé son talent dans de prestigieuses chaînes de radio et de télévision, tant au Cameroun qu’à l’étranger. Docteur en lettres modernes françaises, il arbore une culture d’une grande diversité, fruit de son engagement passionné pour les domaines de la connaissance. Au cours de sa carrière, il a été le témoin privilégié de nombreux événements majeurs, tels que la crise ivoirienne ou les conflits en Syrie et en Irak. Aujourd’hui, il apporte son expertise à Dash Media, où il continue d’exercer son métier avec brio. Afriksurseine a eu le privilège de partager un moment d’échange précieux avec lui, au cours duquel il a offert une analyse éclairante sur le paysage médiatique camerounais. Lisez plutôt.
Bonjour Docteur, c’est avec un immense plaisir que je me trouve en votre compagnie aujourd’hui. Votre nom résonne déjà dans les cercles médiatiques, tant au Cameroun qu’au-delà de ses frontières, mais pour ceux qui vous rencontrent pour la première fois, pourriez-vous leur accorder le privilège de vous présenter ?
Merci infiniment de m’accorder cet honneur, à travers votre prestigieuse tribune qui jusqu’à ce jour est restée assez sélective… Alors je me sens privilégié et désormais l’un des vôtres. À l’état civil, je m’appelle Junior Pendola Dalle, je suis né le 5 septembre 1986 dans un véhicule à l’entrée de la capitale Yaoundé, je suis journaliste d’investigation camerounais, ayant obtenu un doctorat en Lettres modernes françaises à l’université de Douala, trois diplômes en journalisme, mais également titulaire de plusieurs autres diplômes et attestations de formation dans divers domaines, notamment en psychologie, en étude du comportement, en natation, en réalisation audio-visuelle entre autres, ce qui me confère le titre de JRI (journaliste reporter d’images).
J’ai également connu un passage dans le football comme la plupart des jeunes camerounais, aux prémices de mon adolescence, soldé par un titre de champion du Cameroun 2002 avec Fovou de Baham (je suis à cet effet, l’un des plus jeunes champion national de l’histoire du football Camerounais, j’avais 16 ans) et international dans deux catégories inférieures des lions indomptables (U-17 et U-20). Je suis originaire de la région du Littoral, département de la Sanaga-maritime, arrondissement de Mouanko, précisément du village royal Elog-Ngango par Mariemberg où se trouve la toute première cathédrale de l’église catholique romaine du Cameroun, sur les berges de la rive droite du fleuve Sanaga.
Dans le contexte actuel marqué par l’omniprésence des réseaux sociaux, peut-on dire que cette profession conserve son prestige d’antan ?
Je dirais que le journalisme a toutes ses lettres de noblesse au Cameroun, pour ceux et celles qui s’activent au quotidien à veiller sur la préservation, l’application et le respect scrupuleux de l’éthique et la déontologie.
Le journaliste est-il un communicant ?
Etymologiquement parlant, non le journaliste n’est un communicant, mais en observant les responsabilités qui lui sont désormais confiées dans les différentes structures médiatiques, oui il le devient par la force des choses.
Les journalistes Se conforment-ils toujours aux normes éthiques et déontologiques ? Fournissent-ils encore des informations de qualité ?
J’espère que vos questions portent essentiellement sur le journaliste camerounais ? Car je n’ai pas été délégué pour parler au nom des journalistes camerounais, voir africains. Mais en tant que camerounais. Et si oui, je me permettrai de vous faire une lecture toute aussi froide que lucide de la situation du métier et de ses professionnels, et ma réponse rejoint celle relative à votre deuxième question. Vous avez dans le contexte camerounais, des hommes d’affaires qui deviennent patrons de médias et les conséquences immédiates sont le non-respect de l’art télévisuel et autres canons du métier. L’on peut donc interroger la qualité des salaires et les conditions de travail, ce qui expose naturellement certains confrères à des comportements regrettables tels que la manipulation et la corruption.
Étant donné que l’unanimité n’est pas de ce monde, nous avons toujours des confrères qui se distinguent de par leur professionnalisme en produisant des informations de qualité et crédibles. Mais force est de constater que la qualité est de plus en plus rarissime compte tenu de l’impact agressif des réseaux sociaux, la plupart choisi « La désinformation du divertissement ou lieu d’informer, d’éduquer et de divertir ». C’est la course tous azimuts au buzz et à l’intox malheureusement.
Quelle est la marque de fabrique du journaliste professionnel ?
Un journaliste professionnel a pour marque de fabrique le souci de publier une information juste donc la véracité trahi sa neutralité et c’est d’ailleurs assez rudimentaire… Le respect de l’éthique et la déontologie, le respect du principe du contradictoire, des éléments qui constituent le socle de sa probité morale et sa responsabilité professionnelle. Quand j’ai parlé de ceci, je m’abstiens d’argumenter davantage, car dans le respect de l’éthique et la déontologie, ils ont trouve tous les autres détails…
Dans le paysage médiatique camerounais, l’émergence d’un grand nombre d’organes de presse est remarquable. Toutefois, existe-t-il encore des médias de référence au sein de cette diversité ? Quels sont les critères définissant un organe de presse de qualité dans une société démocratique ?
L’univers médiatique camerounais est très politisé malheureusement au grand détriment de sa professionnalisation et vous faites bien de le souligner ! Pour la simple raison que, le tribalisme, la corruption et toutes les autres formes d’appartenance polluent le milieu. En plus de cela, 80 % des patrons de la presse écrite sont financés à la suite des « courbettes » et des services malicieux rendus à certains ministres qui souhaitent rester « immaculés… » même si leurs actions ne correspondent pas aux missions qui leurs ont été assignées au moment de leurs nominations.
Outre ces ministres, ils y ont des opérateurs économiques devenus députés, conseillers municipaux ou encore sénateurs qui espèrent s’arroger certains honneurs. Toute cette chaîne divise la corporation. Parlant de l’ossature d’un bon organe de presse, c’est tout un ensemble… Un patron de bonne moralité, à la fois responsable et professionnel, une équipe de professionnels hautement qualifié et rompus à la tâche, les conditions de travail adéquates et des salaires de qualité, conjugué par une ligne éditoriale qui reste fidèle à ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.
Il est observé que la presse au Cameroun est un lieu de convergence pour les oppositions et les contestations politiques. Cependant, la politique demeure-t-elle le seul sujet d’intérêt dans ce pays ?
La presse camerounaise est majoritairement instrumentalisée selon les sources de financement respectives, les affinités entre les patrons, certains collaborateurs et autres pourvoyeurs de fonds… Alors que certains patrons de médias vont régulièrement émarger à la présidence de la république, d’autres perçoivent quelques aides de certains leaders de l’opposition. Raison pour laquelle, la presse camerounaise est sérieusement handicapée et par la même occasion perd en crédibilité. Se focaliser sur la politique est justement une façon d’intéresser les leaders politiques qui contribuent financièrement, d’une manière ou d’une autre.
Quel événement majeur du journalisme professionnel au cours des cinq dernières années retiendriez-vous en premier lieu ?
Un grand fait marquant qui me vient sans tergiverser à l’esprit, c’est la couverture de la guerre contre la secte Boko-Haram à l’Extrême-nord du pays. Et cela fut certainement motivé du fait du patriotisme. Car l’homme camerounais peut se quereller avec son frère et ou sa sœur pendant 365 jours d’une année, mais la seule fois qu’un expatrié s’en mêle, l’union sacrée refait surface !
Selon vous, quel est le défi majeur de cette profession à l’heure actuelle, en tenant compte de la prédominance des réseaux sociaux ?
Le plus grand challenge porte sur deux points cardinaux qui sont: La nécessité d’une formation de qualité des journalistes, soutenue par des recyclages permanents, ajouter à cela, la délivrance des agréments d’exploitation des structures de médias aux professionnels, ce qui épargnerait la corporation d’un flux quantitatif de médias et non qualitatif, ayant comme promoteurs des « commerçants » et pour finir, une flexibilité réelle du gouvernement qui permettrait aux journalistes d’avoir un accès effectif à l’information, à la documentation et aux archives.
Il est important de rappeler ici que, l’univers médiatique camerounais est à l’image de la casi totalité des autres secteurs d’activité dans notre pays. Le gouvernement central à la main mise sur tout et contrôle tout. Donc le journalisme subit un étranglement qui n’est pas fortuite, mais le continuum d’une politique porté par des tyrans qui ne veulent rien laisser passer sans leur approbation.
Croyez-vous que les lecteurs d’aujourd’hui, en particulier la nouvelle génération, sont disposés à investir financièrement dans l’accès à l’information ?
Lorsque vous parlez de « lecteurs » permettez-moi d’en rire un tout petit peu mon cher. Car même les journalistes ne lisent pas au Cameroun, je suis désolé ! Je vous convie à faire un tour sur les réseaux sociaux, d’y écrire un texte de deux paragraphes seulement pour vivre à défaut de le qualifier de la médiocrité, je le qualifie de » l’horreur causé par un virus de la bêtise… » et vous vous poserez à coup-sûr la question de savoir » à quoi aurait servi les cours tels que ceux de la compréhension de texte, la rédaction et autre dissertation ? « . Si vous souhaiter garder un secret important au Cameroun, Mettez-le dans un livre ou encore mieux, rédigez un texte de plusieurs paragraphes et Mettez-y ledit secret. Au Cameroun, les écarts sont normalisés et la norme écartée… Comme pour vous dire que cette nouvelle génération est beaucoup plus plongée dans un libertinage impoli qui ne suscite aucunement en elle, le désir de payer quoi que ce soit qui revêt un caractère intellectuel.
Je vous laisse carte blanche pour conclure cet entretien.
Bien avant de vous remercier, permettez-moi de résumer en quelque sorte ma pensée à l’égard du journalisme au Cameroun. Il manque un pan très important dans la formation des journalistes, c’est l’aspect psychologique. Plusieurs de nos confrères sont diminués par des complexes qu’ils ne devraient plus exprimer dans notre ère, car ayant suffisamment d’outils appropriés à la pratique du journalisme moderne.
L’on observe en eux l’absence de personnalité, de caractère professionnel et surtout un manque criard de responsabilité sociale. Par ricochet, l’on a des journalistes qui peinent à formuler une simple question face un personnage d’un certain rang. Nonobstant tous les maux que l’on pourrait remarquer au sein de la corporation, la gent féminine nous donne grandement satisfaction. Les meilleurs journalistes de ces dix dernières années au Cameroun sont des jeunes femmes qui ont pris la mesure du respect de la profession et ce malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées au quotidien. Je tenais à leurs faire ce petit clin-d ’œil en guise de reconnaissance, de félicitations et beaucoup plus d’encouragement. Je tiens également à vous remercier pour cette ouverture que vous m’offrez, et qui non seulement permet au monde de me connaître, mais m’introduisant dans l’éternelle école de la vie, parce que moi j’apprends toujours… Merci infiniment !