Mag-Afriksurseine-Mars-2024

COULISSES D’UN LIVRE: LE RETOUR DU ROI RUDOLF DUALA MANGA BELL

Propos recueillis par Edouard Kingué

Dans le cadre de notre rubrique « Livres » cette interview avait été publié dans le site tribune 2 par Edouard Kingué, nous permettons de le réactualisé ici avec l’évolution de l’histoire du résistant qui a été réhabilité en Allemagne l’an dernier et primé par le ministère de la  culture et la communauté urbaine de Yaoundé.

présentation de l’auteur.

Je suis  Calvin Djouari, originaire du Cameroun. je suis né  à Nkongsamba, mais mon enfance s’est déroulée dans un petit village au cœur du grand Mbam, à Yangba, au milieu de la communauté Babouté, jusqu’à l’âge de dix ans. Par la suite, je suis retourné à Nkongsamba, où j’ai vécu les moments les plus mémorables de ma vie. Ces deux lieux ont enchanté mon enfance avec leurs montagnes majestueuses et leur végétation luxuriante. Mon parcours académique m’a conduit à l’université de Yaoundé, puis à Dakar, au Sénégal. Là-bas, j’ai également exercé en tant qu’enseignant avant de me lancer dans l’aventure des voyages. Aujourd’hui, je vis à Paris, L’écriture a toujours été ma passion, tout comme le voyage.

Qu’est-ce qui a inspiré cette œuvre

Il y a tout d’abord une grande coïncidence que je tiens à mentionner. Je suis né le 8 août, jour qui évoque le souvenir de la pendaison de Rudolf Duala Manga Bell. J’ai découvert l’histoire de Rudolf Duala Manga Bell à l’université de Yaoundé, avec le professeur Ngongo, qui était prêtre. J’appréciais sa manière de narrer l’histoire ; il y avait un certain charme dans son langage qui captivait toute l’audience. Le professeur Ngongo était non seulement fascinant, mais également étonnant par sa simplicité de langage. J’aimais cette histoire et j’ai maîtrisé ce chapitre de l’histoire des institutions, si bien que je me souviens d’un jour où j’ai impressionné un groupe de Camerounais au Gabon en leur racontant le même récit. Après le professeur Ngongo, il y a eu l’émission d’ANANI Rabier Bindji sur Duala Manga Bell à Canal 2 international.

La manière dont ce grand journaliste racontait cette histoire ajoutait un charme extraordinaire à ce que j’avais déjà entendu auparavant. Mais le processus a surtout été déclenché lorsque des élèves français m’ont demandé à la fin d’un cours ici à Paris de leur raconter une histoire du Cameroun. J’ai accédé à leur demande en racontant bien évidemment cette merveilleuse épopée de DUALA MANGA BELL, et à la fin, j’ai chanté « TETE KOMBE », provoquant une gaieté qui a envahi toute la salle, avec des sourires éclatants. La semaine suivante, les élèves ont voulu que je raconte à nouveau la même histoire, avec la chanson « TETE KOMBO ». C’est à ce moment-là que j’ai pris la décision d’écrire un livre. Je crois également que c’est à ce moment-là que le souffle de l’inspiration m’est venu.

   La matérialisation de l’œuvre

Ça n’a pas été facile, car il m’a fallu chercher des sources historiques afin de trouver mon schéma narratif. Les tentatives pour me rapprocher de ceux qui pouvaient me fournir ces sources ont été vouées à l’échec. Je préfère ne pas citer le nom de ceux que j’ai contactés pour leur expliquer mon projet, car cela s’est soldé par un silence retentissant. J’ai finalement rencontré un aîné aux États-Unis qui m’a encouragé à me lancer sans tenir compte des opinions des autres, et qui a même accepté de préfacer mon livre, le pasteur RONCS ETAME ESE. J’ai donc entrepris mes recherches sur les livres qui avaient été écrits au sujet du Roi, bien que rares ; les multiples interviews du professeur Kuma Doumbè III ont été enrichissantes pour la compréhension de l’histoire.

Contexte de rédaction : dans quelles conditions ou situations, l’avez-vous rédigé ?

C’est une œuvre littéraire, donc dans un contexte littéraire. Beaucoup pensent que c’est à cause des crises liées à la terre qui sévissent actuellement à Douala, mais cela n’a rien à voir avec tout cela. D’ailleurs, c’est un roman ; ce n’est pas un récit historique, mais un roman qui s’inspire de la réalité de ce qui s’est passé de la naissance jusqu’en 1914 et après la mort du roi. J’ai utilisé le fantastique, autrement dit le réalisme merveilleux. C’est une rencontre littéraire, un divertissement, mais surtout une rencontre didactique pour nous aujourd’hui, privés de repères et de conscience fulgurante.

L’histoire de Duala Manga Bell est la plus passionnante du siècle dernier. Il est, avec Nelson Mandela, l’un de ceux qui ont montré la grandeur de l’âme noire. Duala Manga Bell a désacralisé la mort. C’est unique, imaginez-vous…. Une personne condamnée à mort… À qui on demande d’aller dire au revoir à sa famille, qui refuse le plan d’évasion de ses sujets. Dites-moi… Quel est le prisonnier condamné de nos jours qui peut accepter de retourner pour se faire tuer ? C’est ce qu’on appelait dans le monde grec le héros chevaleresque, qui est réuni en une seule personne : la beauté, le courage, la témérité, une pugnacité exceptionnelle et un caractère fougueux qui rendent l’homme d’action immortel. Son histoire devrait être enseignée chaque matin à l’école. C’est un patrimoine mythique. Et on devrait ériger un gigantesque monument sur sa tombe et le vénérer comme je vois qu’on vénère les tombes des grands hommes ici en Occident.

 Anecdotes et coulisses qui entourent cette œuvre

C’est riche en anecdotes. J’ai mentionné précédemment toutes les circonstances de sa rédaction. Cependant, une anecdote me revient à l’esprit. Lorsque j’ai écrit le premier chapitre de ce livre, c’était un samedi matin. Le soir même, j’ai assisté à un mariage où devait se produire un artiste du nom de Vakoté Yama, résidant en Norvège. Cette nuit-là, il a chanté « TETE KOMBO » et les Français étaient médusés.

Nous avons échangé sans lui révéler mon projet en cours, qu’il a découvert récemment. Depuis, il est devenu un ami proche avec qui je mène de nombreux projets. Un autre fait marquant est que la sortie du livre a été reportée à plus de trois reprises en raison du confinement, mais il est finalement sorti au bon moment. Le livre vient d’ailleurs de remporter le prix du meilleur livre de la Diaspora lors du festival du fou du livre, organisé le 10 novembre et parrainé par le ministère de la culture et des arts.

Un petit résumé de cette œuvre.

Rudolf Duala Manga Bell fut un roi d’exception à l’époque de la colonisation allemande, prêt à tous les sacrifices pour son peuple. Il incarne le nationalisme camerounais. Accusé de trahison, il fut pendu le 8 août 1914 à Douala. Dans ce récit, j’imagine le retour de cet illustre personnage qui revient vivre au milieu des siens. Il symbolise la grandeur et l’âme immortelle, car sa vie reflète les valeurs les plus nobles. Il est l’homme en Afrique ayant l’histoire la plus fascinante, pourtant souvent oubliée.

Il est en quelque sorte le précurseur du nationalisme mondial, devançant des figures telles que Malcolm X, Gandhi, Nkrumah, Sékou Touré, Um Nyobè, Félix Moumié, Ernest Ouandie et Nelson Mandela. Ce roman, parsemé de digressions, ne se limite pas à l’histoire réelle, mais invente une réalité homérique et légendaire. Avec des détours créatifs, le récit devient captivant, porté par un enrichissement poétique qui entremêle la poésie et la prose pour créer un récit sublimatoire. En somme, un roman écrit dans un réalisme merveilleux.

Je vous remercie pour le  temps que vous avez daigné m’accorder.

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