Priscilya MANGA, également connue sous le pseudonyme de NYSHA, est une écrivaine originaire du Cameroun, qui a fait ses études en Algérie. Elle est renommée pour son ouvrage intitulé « ET SI ? », un recueil de nouvelles qui a été récompensé en 2022 par le prestigieux prix du Continent Noir des collections Pages Africaines des éditions de l’IROKO. Lors d’une rencontre avec elle l’an dernier, nous avons fait un échange des plus captivants, dans un discours lucide, cette jeune femme de 25 ans nous a laissé entrevoir l’avenir prometteur de la littérature camerounaise. Lors de nos discussions, elle avait partagé avec nous un discours si inspirant, que nous avons enregistré et que nous publions aujourd’hui.
« Je suis MANGA MENGUE Clotilde Priscilya, une jeune femme de 25 ans, titulaire d’un Master 2 en Finance d’Entreprise obtenu à l’université Mouloud Mammeri dans la wilaya de Tizi-Ouzou, en Algérie. Mon parcours éducatif a débuté à l’école privée laïque les Pyramides pour ensuite poursuivre au collège de la Retraite, où j’ai décroché mon Baccalauréat en Sciences Économiques et Sociales, option Espagnol, en 2016. En 2017, j’ai entamé ma première année universitaire dans la même spécialité à l’université de Yaoundé II. C’est au cours de cette année que j’ai eu la chance d’obtenir une bourse d’études pour l’Algérie, ce qui m’a permis de poursuivre mon chemin académique dans ce pays.
L’adoption de mon pseudonyme, Nysha, repose principalement sur des considérations de prudence. Je souhaite préserver la distinction entre ma vie privée et ma vie publique, protéger l’intimité de ma famille, et éviter tout potentiel conflit d’intérêts. Je tiens énormément à ma liberté d’expression et à l’authenticité de mes écrits, en faisant vivre à travers mes mots cette petite fille qui réside en moi : Nysha. À noter qu’il y a une anecdote intéressante concernant le choix de ce pseudonyme. Ma mère m’a raconté qu’elle lisait beaucoup pendant sa grossesse, et c’est ainsi qu’un personnage nommé Nysha, qui était également écrivaine, a particulièrement captivé son attention.
Attirée par les qualités altruistes, intelligentes et nobles de ce personnage, elle a donc décidé de me donner ce surnom. Cela démontre bien que les noms que nous attribuons à nos enfants peuvent avoir une grande influence sur leur vie. J’écris avant tout pour moi-même, car l’écriture est une passion qui m’accompagne depuis l’âge de 9 ans. Elle agit comme une thérapie, car je suis naturellement une personne plutôt réservée, mais profondément observatrice de mon environnement. L’écriture me permet de donner vie à chacune de mes pensées, que je pourrais comparer à des grains de sable dispersés. En somme, c’est un moyen de mettre des mots sur ce qui se passe en moi.
Par ailleurs, j’écris pour laisser une trace de notre histoire, pour léguer un héritage aux générations futures, afin qu’elles puissent à leur tour poursuivre la noble mission de l’éducation des peuples et de l’éveil des consciences. Nous avons tous connu ces moments où nous avons pris des décisions regrettables, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. C’est à ce moment-là que nous nous posons la question intérieure : « Et si j’avais su ? Et si je savais ? » Comme vous l’avez compris, mon livre « ET SI ? » est un appel à la réflexion, à la prise de conscience individuelle et collective. C’est un avertissement sur les mots que nous utilisons au quotidien, envers nous-mêmes et envers les autres, ainsi que sur les décisions que nous prenons, qui auront inévitablement un impact sur nos vies et celles de nos proches.
C’est un recueil se compose de dix récits qui abordent de manière succincte les divers maux de la société moderne africaine, souvent considérés à tort ou à raison comme des tabous. En seulement 127 pages, il traite de sujets sensibles tels que le viol au sein des familles, l’utilisation nocive et inconsidérée des réseaux sociaux, les mariages traditionnels qui ressemblent plus à des transactions commerciales qu’à des unions familiales, ainsi que l’exploitation efficace des outils numériques pour mettre en valeur les diplômes accumulés, les risques de l’immigration clandestine, et bien d’autres encore.
Ce recueil ne manque pas d’intérêt, car il est à la fois original et captivant, permettant aux lecteurs de s’évader et de voyager à travers l’Afrique tout en découvrant la richesse de sa diversité culturelle, à travers l’utilisation des langues maternelles, la gastronomie, voire même le textile propre à chaque région. « ET SI ? » est raconté avec humour et proximité, spécialement pour captiver le public jeune, dans le but de susciter leur engagement face aux défis que nous partageons tous, notamment celui du changement de nos mentalités. Ainsi, « ET SI ? » contribue de manière significative à élever la conscience de l’opinion publique africaine et à mettre en valeur la culture du continent noir. Le livre « ET SI ? » tire son inspiration de faits réels, et dans la réalité, les parcours des personnes ne sont pas toujours marqués par des héros dignes d’admiration.
C’est pourquoi j’ai cherché à représenter aussi fidèlement que possible les expériences vécues de chaque individu à travers les différents personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, du livre. Mon objectif était d’impliquer les lecteurs de manière personnelle, en éveillant leurs émotions pour qu’ils puissent vivre intensément les récits que je raconte. Je crois sincèrement avoir relevé des défis de la vie avec succès. Les femmes sont naturellement plus enclines à exprimer leurs émotions en raison de leur sensibilité particulière, contrairement aux hommes qui ont tendance à rester plus dans le contrôle. Je soutiens que l’écriture est la plume d’or de l’âme, reflétant ainsi notre essence existentielle. Elle peut servir à soutenir des convictions personnelles et universelles, et les écrivains, à travers leurs œuvres, offrent une perspective unique sur le monde, défendant consciemment ou inconsciemment les valeurs qui leur sont chères, stimulant ainsi la réflexion de l’opinion publique multiculturelle.
Cela s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression, qui ne contraint personne à suivre un chemin préétabli. De plus, vous m’avez demandé si j’avais des inspirations littéraires particulières. J’en ai deux. Tout d’abord, il y a ma Bible, qui me permet d’apprendre quotidiennement sur la vie. Ensuite, il y a « Devenir le meilleur de soi-même » d’Abraham MASLOW, un véritable trésor qui stimule constamment ma réflexion. Quant à votre question sur la planification de mon écriture, honnêtement, non, même si je suis une personne très organisée dans ma vie quotidienne. L’écriture est une passion que je chéris profondément, et je tiens à préserver sa spontanéité, qui est le secret de son authenticité. J’écris uniquement lorsque je suis inspirée, afin d’éviter le redoutable syndrome de la page blanche qui m’angoisse bien souvent.
Il est indéniable que ces dernières années ont été marquées par l’essor du mouvement féministe, qui a pris une ampleur croissante dans nos sociétés, en particulier depuis l’avènement des réseaux sociaux. Ce phénomène tire ses racines du XIXe siècle, sous l’appellation de « mouvement suffragiste, » qui trouve son origine dans la lutte pour le droit de vote des femmes. C’est ainsi que nous célébrons le 8 mars chaque année, grâce à l’initiative de Clara Zetkin suite à la deuxième conférence internationale des femmes socialistes ISF, qui s’est tenue en 1910 à Copenhague. Je soutiens ardemment ce noble combat, car je prône l’autonomisation des femmes pour leur liberté financière et leur épanouissement total au sein de la société, reconnaissant qu’elles demeurent la pierre angulaire de cette dernière.
Cependant, il est essentiel de ne pas sombrer dans des extrêmes, car hommes et femmes sont des êtres complémentaires. En ce qui concerne la Journée internationale des droits des femmes, je tiens à souligner qu’elle demeure pertinente, malgré les progrès significatifs réalisés en matière d’inclusion des femmes dans des postes et métiers qui étaient autrefois réservés aux hommes. En effet, dans de nombreuses régions du monde, des femmes continuent de subir l’injustice, l’oppression, la marginalisation et le silence imposé en dépit de leur souffrance, simplement parce qu’elles sont considérées comme « seulement des femmes. » Il est donc impératif de poursuivre la lutte pour toutes ces femmes qui n’ont pas la possibilité de faire entendre leur voix. Ces problèmes touchent l’humanité dans son ensemble et peuvent se manifester dans n’importe quelle société.
Ils sont souvent le résultat de la méconnaissance des différences culturelles. En tant qu’écrivains, l’un de nos rôles consiste à rapprocher les peuples malgré leur diversité à travers nos écrits, et je m’engage résolument dans cette démarche. Je profite de cette occasion pour saluer l’État algérien, qui n’a cessé de travailler en faveur de l’unité du continent, depuis l’époque où Alger était considérée comme le bastion des révolutionnaires, en continuant sa politique d’unification des peuples jusqu’à nos jours. Pour conclure, je tiens à vous exprimer ma gratitude pour votre engagement continu en faveur de la promotion de l’écriture et de la pensée. Vous accomplissez une œuvre admirable au sein de la communauté intellectuelle.