C’était une cérémonie digne des plus belles pages de notre histoire sportive, un moment rempli d’émotions et de splendeur, où la beauté du Cameroun profond a résonné avec force. Hier, pour célébrer la fin de la saison sportive, le Cameroun s’est paré de ses plus vives couleurs et a offert une journée pleine de gaieté, où la musique et la danse, reflets des traditions et de notre identité, ont enchanté les cœurs du Cameroun comme ceux de la diaspora présents devant le petit écran. Au rythme des sonorités envoûtantes du terroir, les chants patriotiques des géants de la scène musicale tels que Manu Dibango, West Madiko, Elvis Kemayou, Ali Baba, Les Têtes Brûlées, Georges Seba, Koutcham Mbada, Talla André Marie, Kris M, et bien d’autres, ont réchauffé le stade.
Certains de ces artistes sont encore parmi nous, mais hier, le Cameroun voulait aussi rendre hommage à ceux qui nous ont quittés, afin de tisser ainsi un lien éternel entre les vivants et les disparus. Ce fut une communion d’âmes, un instant suspendu où le passé et le présent se sont enlacés avec douceur, comme si le souffle immortel du Cameroun habitait chaque note, chaque battement de tambour, chaque tam-tam, chaque chant. Les gradins étaient remplis de spectateurs venus en nombre, le cœur léger et les yeux brillants d’attente. Le gouvernement, témoin de cette ferveur collective, était également au rendez-vous. L’atmosphère était vivante, animée par les danses vibrantes des groupes de la Menoua, tandis que les joueurs faisaient leur entrée, une heure avant le coup d’envoi, avec une élégance rare.
En costumes de fête, les jeunes athlètes de la Colombe de Sangmélima avaient ce je-ne-sais-quoi qui captait tous les regards, un mélange de fierté et de détermination, avant d’enfiler leurs maillots pour se préparer à la bataille. Le match débuta à l’heure dite, 16h précises, heure du Cameroun. Dès les premiers instants, la Colombe déploie ses ailes avec une vivacité éclatante. À la dixième minute, l’oiseau du Sud surprend par Duamel Ekotto, qui fait trembler les filets d’une tête magistrale sur un centre millimétré de Mvondo. Le gardien adverse, Franck Derrick Kombobilo, eut un moment d’hésitation, une seule seconde de distraction qui coûte le but, but que l’Aigle Royale ne parviendra à égaliser par la suite.
Tout au long de la première période, la Colombe domine, déployant une maîtrise tactique et technique qui montre l’expertise de son entraîneur. Chaque action, chaque mouvement était le fruit d’un jeu bien pensé, comme une danse parfaitement chorégraphiée d’oiseau qui plane en vol. L’Aigle Royale, malgré quelques tentatives sporadiques, n’a pas trouvé la faille. À la mi-temps, le score affichait toujours ce 1-0 en faveur de la Colombe, un avantage mérité. Au retour des vestiaires, l’Aigle tente de se redresser, mais la Colombe, imperturbable, continue de régner sur le terrain, neutralisant son adversaire avec une assurance tranquille.
Les minutes s’égrènent, et malgré quelques éclats de l’Aigle, rien ne parvenait à troubler la quiétude de la Colombe, qui contrôlait le milieu de terrain et fermait chaque brèche. Ce fut un match sans violence, une rencontre où le respect du jeu a prévalu, aidé par la présence de la VAR qui veillait à l’équité des décisions. La Fecafoot, en organisant ce spectacle grandiose, a su recréer cette atmosphère des années 80, pleine de couleurs chatoyantes, de joie et de nostalgie. Le Cameroun a célébré, avec une beauté rare, non seulement un sport, mais une communion de cœurs, où l’effervescence a marqué un hymne à l’éternité. Hier soir, au-delà de l’excitation du match, l’événement marquant fut les retrouvailles tant attendues entre deux figures distinguées du Cameroun : le ministre Mouelle Kombi et Samuel Eto’o Fils.
Ces deux hommes, aujourd’hui au cœur de tous les sujets, se sont enfin retrouvés face à face, contraints de se regarder dans les yeux. Enfin, « se regarder dans les yeux ? » Tu parles. Samuel Eto’o, en habile stratège, avait soigneusement dissimulé son regard derrière ses lunettes de soleil, comme pour éviter le face-à-face direct avec le ministre, dont le regard semblait plus perçant, plus lumineux. Il faut dire qu’Eto’o, bien conseillé, sait jouer de son image. Tantôt coiffé d’un chapeau, tantôt vêtu de couleurs voyantes pour se démarquer dans la foule, il sait comment imposer une distance, subtilement, sans manquer ostensiblement de courtoisie. Hier, encore une fois, il n’a que rarement brillé sous les feux des caméras, sauf lorsqu’il est allé saluer les joueurs. Ce qui était étonnant.
Le coup d’envoi devait être donné, et Eto’o devait accompagner son ministre. Les deux ont parcouru les 30 mètres ensemble, le protocole a fait signe à Eto’o Fils à une quinzaine de mètres du ballon, lui offrant ainsi le loisir d’admirer la démarche élégante du ministre qu’il a tant désavoué les prises de décisions. La marche du ministre, me rappelle un écho lointain à celle des « Clanistes » Douala à l’époque de Soppo Priso. Quelques mots furent échangés entre les deux hommes. Le ministre, affable, s’est adressé à Eto’o avec l’autorité tranquille d’un aîné donnant des conseils à son fils, tandis qu’Eto’o, fidèle à lui-même, écoutait avec cette réserve qu’on lui connaît.
C’était un dialogue de sourds, mais un dialogue néanmoins. Tous deux manient l’art de la langue de bois avec une maîtrise digne des plus grands diplomates, et ce jeu de codes a suffi à apaiser les tensions apparentes. Mais le code est passé par le protocole qui arrête Eto’o pour laisser le ministre s’avancer, afin qu’il comprenne. c’était bien ficelé. Eto’o, autrefois impétueux semble avoir gagné en sagesse. Désormais, il pèse ses mots, affiche un respect feutré, bien que toujours marqué par une certaine réserve. Ces retrouvailles n’étaient pas celles de vieux amis, mais de deux rivaux respectueux.
Heureusement, les deux hommes ont su éviter l’écueil de l’affrontement direct. Leur rencontre, habilement orchestrée, a offert au public camerounais le spectacle de la réconciliation apparente, sans toutefois verser dans l’agressivité. C’était bien là le but : montrer au monde entier un Cameroun uni, apaisé, malgré les conflits sous-jacents. Hier, il le fallait, et ce n’est pas mal puisque c’est ce que le peuple veut. Mais est-ce ce que le gouvernement souhaite ? Je ne crois pas, car cela alimente son jeu et distrait le peuple. On utilise deux personnes qui dansent pour divertir, et hier, pour montrer la fluidité des choses, il fallait faire preuve de moins d’agressivité. C’est une bonne chose pour le Cameroun, car de nombreux pays ont suivi notre coupe pour observer si un conflit ouvert éclaterait. Dieu merci, les deux ont réussi à éviter les fausses notes.