Je ne doute pas un seul instant que le Cameroun aura toujours en son sein des hommes exceptionnels. Mais pour avoir les hommes politiques et les intellectuels qui ont marqué l’opinion comme en 90, il sera nécessaire d’attendre longtemps. Ceux qui je décris ici sont les produits de l’intelligentsia finissant dont les connaissances prennent les sources à l’orée des indépendances en Afrique. Leur culture politique s’était avérée inégalable. La décennie 90 est donc une année de folie intellectuelle. De toutes parts, en Afrique, ça bougeait. L’écho de ce bruit sonnait dans nos jeunes oreilles. C’est ainsi qu’on découvrit le vent de l’Est. Il y a quelques jeunes qui ont continué brillamment cette relève, comme Franklin Nyamsi, Nathalie Yamb, Banda Kani , Jean Paul Beleck. Notre pays entra dans la danse démocratique en 1990, une danse forcée. Obligés de rejoindre la grande famille des pays qui sont dans cette course, les Camerounais se lancèrent dans l’aventure politique comme d’habitude, par la tête. Sans vraie culture politique, mais intellectuellement assis.
Il y aura des vacarmes dans toutes les régions du Cameroun, d’éminents savants seront détectés. Mes souvenirs sont restés intacts durant cette période. Je fais ici œuvre d’historien afin que ces hommes servent de repère aux générations futures. Le fondement juridique de cette liberté est basé sur la loi du 19 décembre 1990. Le bal de la liberté était ouvert pour la création des associations. Chaque homme politique affûta son arme idéologique. Naissait donc à travers la CRTV, des émissions phares, comme Antenne libre ou actualité hebdo parrainées par le président Paul Biya. Nous avons assisté à des débats parfois houleux mais bénéfiques pour la culture historique de notre pays. Nous étions émerveillés par ces intellectuels camerounais dont nous ignorions les idées. Les personnes qui ont vécu cette époque savent de quoi je parle, l’ouverture d’esprit de ces acteurs politiques était perceptible ; leur immense capacité d’écoute leur permettait d’être le miroir de la démocratie naissante, avec des connaissances diversifiées et évolutives, exigeantes non pas pour s’en flatter ou pour flatter, mais pour y faire la meilleure prestation possible. L’arène politique des années 90, fut réellement un lieu d’excellence, et d’expérimentation réussie.
Ces intellectuels ont à un certain moment, appuyé le processus démocratique. Je peux même affirmer qu’ils ont été des références. En tout état de cause, chacun a rempli son devoir. Il n’existe pas un baromètre pour mesurer l’intelligence de chacun. Je citerai en désordre ceux qui ont marqué mon tempérament d’étudiant à cette époque. A cette époque, chacun d’entre nous était convaincu de la pertinence des discours politiques et les analyses reflétaient la réalité objective. Certaines émissions n’ont jamais été diffusées pour des raisons d’Etat. C’était en 90 et c’était au Cameroun. Les époques changent. Les intellectuels au Cameroun, ce n’est pas ce qui manque, mais c’est le niveau des analyses qui fait problème. Comme disait Engelbert Mveing à cette époque, la pauvreté culturelle des journalistes camerounais est désespérante. » Ce message pouvait s’adresser à d’autres catégories de média.
photo crtv
Elle est vraie pour ceux d’aujourd’hui. Voici donc ces quelques personnalités des années 90 sélectionnées sans particularisme quelconque, j’ai certainement oublié certains ténors. Je vais tenter de retracer ce quotidien qui rappelle ces mémoires oubliées. Je commence par Charles Assalé, lorsque dans la vie d’un peuple, on a la chance de rencontrer une telle personnalité, ne serait-ce qu’une seule fois, on a l’obligation d’être heureux. Même si on ne les rencontre pas, le fait d’avoir vécu la même époque avec lui et d’avoir vu à la télé ou quelque part lors d’une cérémonie officielle est une bénédiction. On payerait cher aujourd’hui pour rencontrer une personne qui a vécu à l’époque de Jésus. Où une personne qui avait assisté à la mort de Douala Manga Bell.
Comme pour dire que la sagesse de cet homme qu’on appelait Charles Assalé était globale, ses paroles étaient une mine d’or, il avait des gestes précis, habiles dans les discours, en plus d’avoir une intelligence synthétique, il était un homme politique camerounais de premier ordre. L’homme des proverbes : « Dans quelques minutes, j’aurai 90 ans », « le singe avait dit à l’éléphant qu’il n’est pas astreint à se tromper deux fois », « quand on va à la chasse de l’éléphant, on est seul, imaginez la suite… », « Je suis venu seul sur terre, me voici qui retourne seul, mes biens appartiennent à l’état, » le tout premier Premier Ministre d’Ahidjo à l’indépendance n’a jusqu’ici son pareil à mes yeux.
Wougly Massaga(commandant Kissamba) et son colistier le docteur Elounga Beng.
Ces deux hommes étaient des Upcistes. Leur séduction est puissante, car ils apportent de la connaissance dans les débats à un moment décisif de notre histoire. Ils imposaient un certain respect dans leur remarquable maîtrise de la science politique. Avant tout, ils connaissaient, je ne dirai pas le Cameroun, mais le monde par cœur. Des hommes perspicaces, brillants à l’extrême, qui avaient des analyses profondes sur les sujets. Quand ils passaient à la radio ou à la télé, on désirait les écouter. L’UPC en 90 est le premier parti qui regroupait en son sein des hommes dotés d’un savoir pur. Malheureusement, ils ont laissé l’exil doré pour retourner demeurer dans l’anonymat total et dans l’ingratitude de nos pays.
Augustin Kountchou Khomeiny,
C’est le premier vrai homme politique contemporain. Son savoir était encyclopédique. Ministre d’une génération qui n’existe plus malheureusement. Un homme inégalable par son intellect culturel, historique, droit et sa maîtrise des peuples. L’erreur des intellectuels d’aujourd’hui, c’est de se lancer dans la politique en ignorant l’histoire. Il y a ceux qui ne peuvent même, premièrement, chanter l’hymne national. Augustin Kountchou a été à un moment donné la conscience même du pouvoir du président Paul Biya. Il suscitait l’enthousiasme, malgré les mots qui sont restés collés à sa peau comme « zéro mort », il reste un monument de l’intelligentsia camerounaise. « Un joueur magistral ne manque pas d’équipe. » « Je souhaite discuter avec Antoine Bell. »
Henri Hog Beleng
Comme on dit fréquemment le Cameroun ou l’Afrique enterre ses savants, voilà un homme, un mathématicien qui pouvait apporter beaucoup de chose à notre pays qu’on a tout fait pour l’éloigner de la vie active. Nommé ministre de la recherche scientifique, il ne fera que deux ans et puis après, il sera laissé aux oubliettes, Hog Beleng était puissant intellectuellement en 1990, c’est un homme qui assimilait facilement la chose politique. Sa connaissance était limpide sur un plateau télé, il ira jusqu’à dire « je suis un chercheur de haut niveau, j’ai été ministre à 30 ans, j’ai rencontré Mao Tsé-toung, je suis le premier mathématicien africain, la politique ne m’honore pas.»
Jacques Famé Ndongo
Actuel ministre d’Etat en charge de l’enseignement supérieur, ce monsieur à un moment donné cumulait quatre fonctions. Avec des informations précises, il a été dit que le président Biya l’affectionnait particulièrement, à cause de son langage, c’est un homme qui était séduisant intellectuellement. Les camerounais doivent profiter d’une telle présence, tous ses discours étaient des enseignements, persuasifs, convaincants, motivant, il sait dérouler la structure, le fond et la forme au cours d’une intervention, il sait construire ses propos, un puissant orateur, il savait mettre en valeur l’expérience ou le message qu’il souhaitait partager. C’est dommage, un tel intellectuel est fait pour l’université que pour la politique, puisque la politique les limite et depuis là, on entend davantage parler de l’homme.
Georges Ngango,
Professeur Agrégé d’économie. Camarade de classe de Paul Biya, l’homme fait tout avec élégance, mais son idéologie est plus forte que celle de ses congénères et il ne parviendra pas à l’appliquer. La carrière de Georges Ngango est marquée par deux crises sévères, la crise économique, puis la crise institutionnelle. Son travail à l’éducation nationale est ainsi essentiellement tourné vers les questions économiques au sens étroit du terme. En revanche, il aborde des problèmes plus spécifiquement politiques et pour le compte de son parti le RDPC et il écrit davantage pour le vaste public ses réflexions dans la vie publique étaient originale et contribuaient à alerter de la possibilité d’une crise économique, c’était un homme « Quelle est la différence entre le milliardaire caraque et l’homme de la rue, ils ont un même bulletin de vote, c’est là où se situe la chance de l’homme de la rue, encore que le milliardaire peut acheter son bulletin de vote… » « Quand on parle d’un pays en état de croissance, il est nécessaire qu’on le sente dans ses poches. » Une réflexion politique qu’il se complaît à brandir dans ses discours publics. Mais sa pensée ne va pas évoluer de manière substantielle, il restera aux oubliettes.
Mboui Joseph, Joseph Owona, Hubert Ngamga
Deux professeurs agrégés et un ingénieur, au-delà des savoirs qu’ils ont transmis, ils restent des grands commis de l’état qui ont apporté une contribution essentielle au débat politique camerounais. Ils ont eu une large vision politique et une vaste culture, ainsi que par leur charisme, ils ont marqué les esprits réussissant leur mission d’incarner les valeurs malgré les tumultes qui étaient grands. Theodore Ateba Yene A ne pas confondre avec le jeune Charles Ateba Yené. L’homme évoqué ici était historien formé dans le tas. Il avait un document volumineux sur les camerounais éminents, ancien président du canon de Yaoundé, polémiste, autodidacte, il était fascinant, grand observateur et clairvoyant de la vie politique camerounaise depuis des illustres, beaucoup se méfiait de lui sur un plateau d’échanges intellectuels. Au cours d’un débat à la télévision nationale, où Joseph Mboui l’avait frustré d’entre de jeux, en lui faisant comprendre qu’il devra démontrer ses connaissances historiques ce soir-là, Joseph Mboui va commettre une erreur sur l’histoire du Cameroun pendant la colonisation allemande. Ateba Yené va profiter de cette bévue et le laver correctement en ce terme. « Je souhaiterais rappeler au ministre de l’Éducation nationale que le Cameroun en 1884 s’appelait…Douala state, avant de devenir « Kamerun stat » après la signature du traité germano. » Le lendemain, la presse parlée fera le reste.
Kodock Augustin,
Ce fut le tournant de l’histoire de ce parti dénommé UPC. Au cours de la présidentielle de 92 qui s’annonçait difficile pour le président Paul Biya, ce dernier avait besoin d’une alliance sérieuse, et seul l’UPC pouvait lui donner des voix, mais l’UPC ne traite pas avec ses anciens tortionnaires et son adversaire Henri Hog Beleng vient de gagner les primaires de l’UPC, une candidature qui ne sera pas validée. Henri Beleng, ne détenant aucun document qui justifie sa camerounité, il sera éliminé de la course. Kodock va resurgir sur cette scène et rétablir l’ordre de ce parti qu’il animait depuis le terroir. Il va avancer que le bateau se noie et il est nécessaire d’avoir une alliance, fut-elle une alliance ténébreuse. Qu’importe l’animal qui pourrait le sauver de la noyade. Seulement le seul animal dans l’eau en ce moment était, un serpent. Augustin va s’accrocher et sauver la peau du parti. Un moment historique de notre vie politique. Le serpent ne l’a pas mordu. « Quand on se noie, on s’accroche à tout même à un serpent » le tour était joué pour le parti RDPC, ce mot intelligible va assurer la victoire subtile du président Paul Biya.
Le professeur Roger Gabriel Lep
Il n’est pas aisé de parler de lui en quelques mots, Il fut un savant, le Cameroun était fier de l’avoir, une grande éloquence et un grand sens de la répartie dans toute sa carrière, il était en avance sur son temps ; il s’exprimait sans ambiguïté, un homme au sommet de la culture, de la prestance et de la bonne éducation politique, qui connaissait le droit dans tous ses contours. Très charismatique, il avait un regard bienveillant sur la société camerounaise, son fameux triangle équilatéral et son village électoral qu’il énonçât à la tripartite sont vrais aujourd’hui. C’est le meilleur juriste camerounais de tous les temps, cet homme a formé des générations qui continuent de séduire dans les amphis théâtres dans le monde, moi compris. Il savait créer des concepts, comme « carriérisme d’idées » « village électorale.» « Des hommes politiques qui sommeillent d’être président » mort dans un accident tragique, en compagnie de ses étudiants sur la route Yaoundé Douala. Il y avait également des dindons de la farce comme Gustave Essaka « si je ne peux plus parler dans mon pays, c’est grave. » C’était le Jean Djeuga d’hier, mais qui avait une rhétorique pleine de dérision « cette haine bestiale qu’on me voue » « la soldatesque de Paul Biya qui me suit partout. »
Albert Nzongang,
Albert, que j’ai eu à rencontrer plusieurs fois, est un homme sage, particulièrement sage, et les jeunes camerounais devraient l’approcher pour en savoir plus sur l’homme, et la vie politique camerounaise, mentor de Maurice Kamto, il n’est pas très certain que l’intellectuel comprenne le sage. C’est un monument de notre histoire, mais le Cameroun rejette des personnes une fois que tu es de l’opposition, il faudrait des comités des personnes qu’on condamne pour écrire sur le Cameroun et Albert Nzongang doit faire partie.
Hameni Bialeu,
C’est également l’homme des diplômes, il avait au moins trois doctorat qu’il brandissait à tous les meeting ou tous les Flowers devaient faire mention de tous ces détails, son siège était à Tschinga c’est le seul homme politique qui avait un siège de parti digne de ce nom, l’homme aujourd’hui en retraite pourrait bien apporter à la jeunesse, par sa culture avec Charly Gabriel Mbock, ils ont animé l’opposition camerounaise avec acharnement.
Samuel Eboa
Homme intègre, il n’a, en aucune façon, supporté d’être parti du gouvernement, il faisait la politique à l’ancienne, et avait un peu sous-estimé le président au pouvoir, celui-ci va montrer que la force est une faiblesse. Mais il reste l’homme des intelligences pratiques qui se met au service de son gourou et sans réserve le sert avec loyauté.
Célestin Bizigui,
L’intellectuel, sa prise de parole est passionnante, il a marqué les esprits, un homme particulièrement cultivé qui connaît la politique camerounaise par cœur, un homme pertinent, qui aime la vie, qui aime les voyages, l’homme a visité le monde entier, a été directeur des brasseries. Il a au cours des débats tenus des arguments forts tels le dirigeant de cette société a deux fragilités, « fragilité humaine, fragilité financière. »
Gervais Mendozé,
Il a marqué notre esprit avec la chorale, et à son époque, il y avait de très belles émissions télé, télé podium, actualité hebdo, antenne libre, tam-tam week-end end sport parade, foufoufoot, world this week, dynastie, les jeunes talents, c’était un intellectuel qui s’adonnait à la chorale qui a laissé des chansons immortelles. Devenu ministre, il dirait à ses collaborateurs de la crtv, « je pars, je vous aime, mais je pars » » tous ceux qui s’adonnent à la musique religieuse sont des immortels, vous aussi public ici présent, vous êtes des immortels parce que vous m’avez suivi avec attention.
Thomas Meloné,
j’ai parlé de tout le monde, je n’ai pas parlé de Thomas Meloné, je ne sais pas comment Dieu a fait pour doter le Cameroun des enfants aussi précieux, j’entendais parler de lui et je suis allé à un meeting où il avait l’obligation d’intervenir, pendant 15 minutes de sa prise de parole, il émerveillait la foule plus que l’homme du jour qui était Jean-Jacques Ekindi, chaque fois qu’il était annoncé, c’est la foule qui criait. Ainsi il commençait ses discours ainsi, « oui, je m’appelle Thomas…et la foule répondait Meloné…je comprends pourquoi vous avez souhaité que je vienne…ici, en tout cas, je suis fier d’avoir vu de tels patriarches.
Guidjol et Abanda
Agrégé de grammaire, camarade du président Paul Biya, on affirmait qu’il était le grammairien après Senghor, ses sorties sont rares, et il ne sera jamais ministre ni un poste de responsabilité, c’est le seul camarade de Popol qui n’a pas eu cette faveur. Abanda est enseignant à l’université, souvent, il milite discrètement et fait des interventions en faveur du pouvoir en place, il affirmera qu’il y a des crapauds dans la conscience de certains leaders politiques. »
Haillon.
c’est un jeune et brillant mathématicien qui fait parler de lui à l’université de Yaoundé, ayant étudié dans les universités françaises, il enseigne au Cameroun selon le système français ou il distribue les zéros à tout vent, les étudiants se résolvent à régler son compte et c’est de là ou commencent les revendications politiques qui vont aboutir à la marche des étudiants qui va être cruellement réprimandés, suivra la création du parlement, etc.
Pascal Owona
Si le Cameroun croit qu’il n’y a pas des intellectuels dans le sport, ils se trompent amèrement, pascal Owona est un parleur, lors de son étroit passage à la Fecafoot, il va se heurter devant le ministre du sport de l’époque et surtout avec Roger Milla qu’il traitera de tout » mon projet sur « Roger Milla réussira » Le ministre du sport n’est pas ministre du football.
Yondo Black, Ekane Anicet, Celestin Monga , Lapiro de Mbanga, Djeukam Djameni, Pius njawe, Hervé Kom, Djino Léandre. Hameni Bialeu. Adamou Ndam Njoya
Voici un panel d’intellectuels visionnaires. Ils ont pesé de tout leur poids en affrontant les hommes de Jean Fochivé. Cet homme qui fabriquait pour faire peur et qui faisait effectivement peur. Parce qu’il avait encerclé le Cameroun des informateurs. Le Cameroun d’aujourd’hui en matière de sécurité ne fut pas celui de Fochivé. Cet homme malgré sa face lugubre fut le visage lumineux de la sécurité au Cameroun, pour ma part, il mérite d’être honoré.
Hervé Kom
Il était à cette époque un Parisien, mais très présent à Douala à cause des championnats de football qu’il organisait pendant les grandes vacances. C’est au cours d’une émission particulièrement célèbre qui passait le dimanche (tête d’affiche) qu’il fera connaître sur le plan national. Le donneur universel, comme on l’appelait à la cité sic, est un homme aisé de cœur et éblouissant d’intelligence. Sa maison faisait rêver, comme sa vaste culture du monde contemporain. Il fait partie de ces Camerounais qui utilisent la langue française avec autant de richesse que de sobriété ; il peut s’exprimer en langage du quartier comme dans les Grandes-Loges. Le français est une langue extrêmement riche et complexe pour celui qui sait le manier. A l’époque, ce monsieur le maîtrisait, pratiquement à fond. D’abord militant chez Samuel Eboua, il va, à grand pas, retrouver le RPDC qu’il anime efficacement.
Mongo Beti
Iconoclaste, l’écrivain maison, écrivain pour toujours, dominaient sur tout le monde rien qu’avec son nom. Il parlait la langue française comme si c’est lui qui l’avait inventée. C’était un homme sublime par ses prises de position. S’attaquant à tout système, il subira une réplique dure de la part d’une personnalité politique camerounaise qu’il avait critiquée ouvertement dans jeune Afrique économie ; cet homme politique, dont le nom m’échappe, dira ceci : « les idées politiques du tarzan marxiste sont stérilisées par la célébrité de l’écrivain mégalomanie aidant. »
Cardinal Tumi et Jean Zoa
Deux prélats exceptionnels de notre vie politique ; le premier s’affiche avec l’opposition. Le second est discret et sert le pouvoir ; quand le premier refuse le résultat des élections présidentielles de 92, le second refuse les refus. Tous deux avaient constamment des réponses adéquates et contradictoires même quand on tentait de les piéger directement ou indirectement ; ils avaient la réponse appropriée et Dieu seul sait que très peu de personnes avaient habilement la capacité de tenir un débat de manière aussi élégante comme ces deux hommes en soutane.
Henriette Ekwe, Madame Eteki et Madame Okala.
L’élite féminine. Elles n’ont pas à proprement longuement parlé pendant cette période de façon ouverte. Mais ce sont des femmes présentes, des femmes qui ont eu les meilleures anecdotes sur notre pays ; des nobles personnages, authentiques d’intelligence, leur rare débat se faisait avec beaucoup de clarté. Comme des amazones, elles ont manifesté cette volonté ferme de participer à la vie politique de leur pays, sans grands moyens ces femmes se trouvaient seules dans un monde d’hommes qui n’en avaient pas plus qu’elles-mêmes. Il fallait faire avec le peu d’arguments dont elles disposaient.
Kahbang Walla
Une bilingue née, si tous les camerounais étaient bilingues comme cette dame, on ne souffrirait pas un instant de problèmes d’identité, Edith Kahbang Walla est une combattante intellectuelle, qui a assuré son rôle d’icône féminine en politique. Une femme politique de première heure, elle marqué les auditoires par son ambition de réforme de nos institutions.
Mboua Massock, Gustave Essaka, Bernard Muna, Ndeh Tumazah.
Ils ont contribué à leur niveau par des prises de positions assez courageuses. Bernard Muna un résistant héroïque, un des remarquables anglophones qui prendra des positions intrépides dans la presse pendant ces années de braises. Un homme qui s’est battu pour la consolidation de l’unité, et qui se soumettait à cet attachement. Cette qualité est un don qu’on peut mettre au service de nos deux communautés.
Monseigneur Albert Dongmo
Il n’a pas été fortement médiatisé dans les années 90 dans les chaînes camerounais à cause des problèmes qui pesaient sur lui, mais il est resté très à l’écoute des affaires intérieures du Cameroun à travers les journaux comme le messager et jeune Afrique économie. L’homme de tonnerre, a poussé tous les Camerounais au dépassement par son intelligence et sa sagesse, des hommes précieux, les héritages spirituels, intellectuels, et culturels de notre pays. Un homme d’une culture hors pair qui parlait et écrivait au moins quatre langues couramment : le français, l’anglais, le latin, l’espagnol. C’est l’homme des miracles. Arrivé au Cameroun en 1985 lors de la visite du pape Jean-Paul II, tout le monde le cherchait du côté de Yaoundé. Il n’apparaîtra pas. C’est à Nkongsamba qu’on le verra à la cathédrale, il dira une messe. La population n’étant pas au courant de sa présence, n’était pas venue en nombre écrasant, mais dès lors qu’il surgit, tous ceux qui assistaient la messe sont sortis pour alerter les fidèles ; 30 minutes après, l’église était archi-comble. Cet homme était extrêmement puissant. Une puissance surnaturelle.
Henri Bandolo, , Fabien Eboussi Boulaga , Jean Marc Ela, Meinrad Hebga, Bell Antoine, Ekindi Jacques, Sadou Hayatou, Louis Tobie Mbida
Tous représentent l’intelligentsia camerounaise, et ont contribué à plus d’un titre par leur discours ou par les faits qui attiraient l’attention. Ils ont participé grandement sur le terrain de la science politique ou de la culture générale. Jojo Antoine Bell par exemple reste un footballeur de classe supérieure, un intellectuel de classe exceptionnelle qui avait bien rempli sa tâche sur le stade qu’avec les micros.
Edzoa Titus.
C’est un homme de conviction ; le grand manitou, l’un des ministres qui m’a le plus impressionné par son intelligence, sa culture, sa vivacité, sa classe, son franc-parler, ses idées. Il avait une place considérable auprès du président ; mais comme tous les grands-maîtres, ils ne connaissent pas leur limite. Pour moi, c’est un éminent homme, il est incomparable. Il n’y a pas encore parmi les ministres d’aujourd’hui un homme qui a sa carrure. C’est un homme qui était en état d’aider la jeunesse camerounaise dans sa transformation morale. C’est dommage, ce sont les meilleurs qui s’effacent. C’est un homme qui savait placer les mots : « l’université de Bandjoun est la forme innovante des universités qu’on verra dans les prochains jours au Cameroun, vive l’université de Bandjoun, vive les universités. » Au cours de la passation de service de Jean Fochivé, il fera cette déclaration péremptoire qui en disait long. « Seule l’histoire dira son mot pour ce qu’a été Jean Fochivé dans la vie politique camerounaise. » s’adressant aux étudiants qui avaient refusé de composer et qui souhaitaient recomposer, il dira : « j’aurais été à votre place, je n’aurai pas demandé de recomposer, par fierté de ma position de penser. » Oh mon pays Cameroun, on a eu des braves hommes.
Le professeur Boujeka, le Bontologue
C’est le premier avant la démocratie à critiquer le pouvoir publiquement, mais intellectuellement. On le voyait déambuler dans toute la ville de Yaoundé, les cheveux ébouriffés, toujours prêt à discourir des questions savantes, il publiera autobiographique à la première page de laquelle il faisait allusion à Erasme, l’éloge de la folie « l’Afrique nous en apporte toujours quelque chose de nouveau » il prônait la Bontologie. C’était un homme de culture particulièrement connu à Yaoundé, mais aujourd’hui oublié. Il a marqué beaucoup d’étudiants de cette époque. Il était présent dans toutes les conférences et colloques littéraires qui se déroulaient à Yaoundé. Sa philosophie, aujourd’hui, prend place dans la vie politique africaine, parce qu’il prônait le retour à nos valeurs ancestrales.
Gaston Obama
C’est le Diogène le cynique camerounais, il connaissait l’histoire du Cameroun, il en savait tout, c’est à lui que je dois la meilleure définition de la culture, « c’est l’ensemble de connaissance qu’on a retenu de tout ce qu’on a appris » autrement dit la « la culture est l’héritage physique, matériel, intellectuel artistique et spirituel qu’un groupe d’humains transmet à ses descendants par le savoir » il disait que c’est la tortue qui était le plus grand savant camerounais parce que la torture ne porte que la carapace qui convient à son dos, à quoi Mona Ndzana répliquera vous n’avez jamais vu une tortue à l’université.
Koungou Edima Ferdinand
C’est un dur, ils ont maîtrisé les villes mortes à Douala, avec ses fameuses phrases, « les forces du désordre rencontreront les forces de l’ordre. »Koungou Edima Ferdinand vouait un culte à son président. Il a gravi tous les échelons de la vie administrative au point au poste de ministre chargé de l’administration territoriale. C’était aussi un passionné du football, il a dirigé le canon de Yaoundé, le grand canon, dans les années 70. C’était un homme qui maîtrisait l’histoire de l’administration camerounaise dans ses profondeurs. Un grands commis de l’état.
Etienne Soman, Charly Gabriel Mbock,
Samuel Eboa, Engelberg Mveing,
Dakolé Daissala, Garga Haman Adji.
Roger Moindou. Mboua Massock
Il n’y a pas de mots laconiques qu’on puisse exprimer pour tous ces noms, ce sont des grands noms qui méritent d’être connus et reconnus. Ils étaient aimés. Effectivement, on regardait ces hommes avec beaucoup de fascination, mais surtout avec une intense concentration. Il y avait l’élégance des mots, comme celle de la culture, ou le charisme s’y mêlait grandement, ils représentent aujourd’hui notre histoire, disons notre mémoire historique.
Maurice Kamto
Dans les années 90, il se cherchait. Il était superbe comme son intelligence ; éminent homme, personnage complexe, à la fois brave par ses prises et ses retournements. Il avait très tôt parlé de distanciation, mais avec le recul de l’histoire, il a montré que les apparences sont trompeuses, et que nul homme n’est irréprochable, ce fut une merveilleuse époque, et l’histoire lui a donné raison parce qu’il est devenu par la suite une personnalité exceptionnelle. A cette époque, il est comme Gabriel Lep, mais plus jeune, talentueux, beau, il avait du panache, mais comme Mongo Béti, ce sont des iconoclastes, ils ne sont jamais contents, critique par nature, il appréciera mal l’idée sociale chez Paul Biya. Il se retrouvera enfermé, ce qui était injuste puisqu’il faisait œuvre de critique littéraire. Il a été déterminant dans l’affaire Bakassi, il est l’homme qui se bat pour les droits fondamentaux de chaque Camerounais, l’homme qui a compris que chaque camerounais a droit à des hautes fonctions et à la considération.
Mono Ndzana
Le philosophe, le mal aimé, il a fréquemment donné à l’université de Yaoundé ; mais il a été victime d’une mauvaise sortie, indigne pour l’enseignant ou l’homme politique qu’il a été. Il est pourtant encore vivant quelque part, oublié. Comme tant d’autres de ce pays. On avait le plaisir de l’écouter, j’enregistrais les émissions lorsque j’apprenais qu’il passait. Le professeur Mono NDzanareste pour moi un influent enseignant et un grand homme politique, tout ce qu’il a prédit dans l’idée sociale de Paul Biya se réalise aujourd’hui. Avec Maurice Kamto, Douala Moutomé, ils ont animé de vastes débats à travers le journal Messager qui ont posé les jalons et constitué la pierre angulaire de tous les débats qui se feront dans notre pays. La gente féminine, il n’y a pas eu à proprement parler des femmes d’envergure, aujourd’hui, on en compte particulièrement qui se débrouillent pas mal. Les défauts des années 90, c’est le fait qu’il n’y ait pas de production littéraire. Ils n’écrivent pas pour laisser quelque chose à la postérité. Peut-être Garga Haman Hadji. Livre immense que j’ai lu. Il n’y a pas eu de production littéraire digne de ce nom qui puisse faire date. Excepté l’urgence de la pensée de Maurice Kamto.
Ni John Nfrudi
A propos de lui je reprends tout simplement le témoignage que j’ai fait à sa mort à camer.be
C’est avec beaucoup de peine et une grande douleur que je vois le Chairman s’en aller. Ce fils du pays profond, qui a marqué par sa discipline, son désir ardent du changement, sa foi de parfaire ses connaissances, sa loyauté à toute épreuve et qui a gravi tous les risques pour se hisser comme le doyen des opposants camerounais, restera dans les esprits des camerounais comme la vraie âme immortelle. Homme politique naturellement humble, il a marché pendant 33 ans de carrière sans chercher à occuper des postes les plus prestigieux, alors qu’on lui proposait des postes après chaque élection. Homme d’élite, le Chairman NI JOHN NFRU NDI a fait honneur à notre pays qu’il a marqué par sa capacité de mobilisation. Jamais, dans l’histoire du Cameroun, aucun homme politique n’avait mobilisé les militants comme il le fit en 1992 lors des élections présidentielles au stade omnisport de Yaoundé.
Il devenait l’opposant symbole de toute l’Afrique, il fallait avoir beaucoup de courage en cette année-là. Il avait des discours humains, voyons, pendant la campagne de 1992, il dit ceci : « j’étais de passage pour le nord Cameroun je me suis arrêté à Kolofata, pour saluer les militants qui m’attendaient depuis le matin, avant le centre-ville, il y avait des enfants que j’ai aperçus qui buvaient une eau suspecte, dans un étang… à mon retour, dans ce village, il y avait deuil, deux de ces enfants étaient morts de diarrhée… » « Je suis allé au sud du Cameroun, des pygmées sont venus à ma rencontre en dansant, ils cachaient leur sexe avec des feuilles, ils ne portaient que cela pour tout vêtement. J’étais surpris de voir que dans notre pays, qu’il y avait encore des gens qui marchent nus. » Il n’en existe pas dans notre pays qui soit plus aimé que lui à cette époque des années 92.
Il va profondément bousculer les certitudes. Le Chairman était un bon débatteur et sage dans ses observations profondément humains ; éloigné de la politique active, il a dirigé son parti comme une propriété personnelle, je le trouvais charismatique ; c’est un doyen dans la politique camerounaise. Il supportait ce monde sensible où on rencontre toutes sortes de dérive. Il aimait ses tenues traditionnelles en couleurs comme on aime son pays. John était un patriote convaincu, si l’opposition camerounaise pouvait avoir un seul père, ce père s’appellerait Ni John Nfru Ndi, c’est un condensé de la politique camerounaise ; un opposant responsable qui n’aura pas fait la prison parce qu’il était patient, il laissait le temps agir. Eh oui… il s’en va laissant le président Paul Biya toujours au pouvoir.
Toutes ces émissions étaient animées par de puissants journalistes comme le sénateur Albert Mbida,(antenne libre), Thierry Mouellé, Denise Epoté. Ils nous ont servi une excellente leçon de journalisme. Aujourd’hui, un journaliste vous pose une question et il souhaite répondre à sa propre question. Il t’interrompt à tout moment. Tout n’est que désolation. Toutes ces personnalités citées plus haut, venaient échouer devant l’homme Biya, l’homme qui dira : « Me voici à Douala.» « Les apprentis sorciers » « méfiez-vous du Cameroun », « comme les lions indomptables » « lorsque Yaoundé respire le Cameroun vit » » un seul mot continuez » « continuez et gagnez » Oh … Popol comme on relira ton histoire un jour ! Aujourd’hui beaucoup parlent, mais ils n’ont pas des mots savants, heureusement que le professeur Franklin Nyamsi Wa Kamerun, Nathalie Yamb en France honorent dignement cette page. Maître Ndoki, Owona Nguini, Cabral Libih, le docteur Aristide Monod, Jean-Paul Belek, Dieudonné Essomba, et Valère Essomba, remplissent admirablement ce vide.
Rien que par sa portée symbolique, la société civile a marqué les esprits en 1990. Cela méritait d’être reconnu.