Mag-Afriksurseine-Mars-2024

CAMEROUN : DROIT D’USAGE TRADITIONNEL AUTOUR DES PARCS NATIONAUX

CAMEROUN parc nationaux

Olivier Paul MVONDO

Agro-socio-économiste

L’ingénieur agro-socio-économiste Olivier Paul MVONDO, à partir du cas des populations Baka, tire la sonnette d’alarme sur les difficultés de jouissance du droit d’usage par les communautés périphériques aux parcs nationaux au Cameroun. Considérés comme les « rois » de la forêt, la vie et la survie des populations Baka est liée à la forêt, car elles ont toujours eu à prélever dans celle-ci l’essentiel des ressources dont elles ont besoin (alimentation, pharmacopée, etc.), leur mobilité en forêt était donc sans contrainte. La mise en place des parcs nationaux et des Unités Forestières d’Aménagements a considérablement limité leurs mouvements en forêt.

LE DROIT D’USAGE

Le droit d’usage est un droit, une convention reconnue et établie entre une communauté donnée et l’Etat afin favoriser l’usage des produits forestiers non ligneux de manière encadrée dans un domaine forestier permanent. Ce droit peut être donné ou non selon la pertinence de la requête par manifestation d’une communauté de pouvoir prélever les produits forestiers non-ligneux dans un espace protégé ou interdit aux populations qui avait un accès libre avant la mise en place d’une Aire Protégée, c’est le cas des Parcs Nationaux au Cameroun. Ce droit d’usage peut se perdre dans le cas du non-respect des clauses préalablement établies entre les parties concernées.

Dans cette optique, le Cameroun s’est doté des instruments juridiques au niveau national et international qui permettent de prendre en compte les droits traditionnels des populations, parmi lesquels le droit d’usage. Prévu dans la loi n°94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts et de la faune, l’Etat du Cameroun reconnaît le droit d’usage des populations vivant à la zone périphérique des Aires protégées. Cette loi stipule en son article 8 alinéa 1 que : « le droit d’usage ou coutumier est celui reconnu aux populations riveraines d’exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à l’exception des espèces protégées en vue d’une utilisation personnelle ».

Dans l’alinéa 3 de cet article, les modalités d’exercice du droit d’usage sont fixées par un décret. C’est dans ce sens que le gouvernement du Cameroun, à travers le MINFOF, a signé un memorendum d’entente avec « l’Association Sanguia Baka Buma’a Kpode » le 26 février 2019. Et ce, relativement à l’accès aux ressources par les communautés environnantes dess Parcs nationaux de LOBEKE, NKI et BOUMBA BECK.

DIFFICULTES LIEES AU DROIT D’USAGE ET ESQUISSE DE RECOMMANDATIONS

L’application de ce droit d’usage reste encore timide au Cameroun. Selon les études menées par les Organisations non-Gouvernementales dans la zone périphérique du Parc National de LOBEKE en particulier, plusieurs préoccupations sont évoquées par les populations Baka, parmi lesquelles la méconnaissance du contenu du memorendum d’entente, l’interdiction de tuer les animaux de la « classe C » pour la consommation. Les animaux de « classe C » sont ces espèces animales dont la population est grande et très répandue avec une période de gestation et/ou un temps de reproduction réduit. L’autre conséquence est liée à la pratique du « Jengui », qui est un rite d’initiation important chez les Baka, car il constitue un moment de confession, de purification, de protection, de prières et de bénédictions diverses (mariages, procréation, succès, prospérité, etc.), ce rite se fait par abattage de l’éléphant, cependant, l’éléphant est classé parmi les espèces protégées.

Tout compte fait, le droit d’usage est primordial pour les populations environnantes des parcs nationaux au Cameroun en générale, pour les Baka en particulier. Il est important que le service de la conservation le respecte, et qu’un cadre de congestion Etat-communautés autochtones soit élaborés et concrètement pratiqué sur le terrain. Dans la même veine, l’Etat du Cameroun doit également prendre en compte dans ce droit d’usage, les rites pratiqués par les Baka (notamment le cas du Jengui), et autoriser un quota d’espèces de « classe c » (éléphants chez les Baka) à abattre pour leur permettre de mieux pratiquer leurs rites.

Ceci, parce que c’est l’un des rites qui constituent la poutre de l’essence de leurs us et coutumes, dont la transmission d’une génération à une autre est fragilisée progressivement. Et si rien n’est fait, le fil de transmission intergénérationnelle est rompu. Ce qui de toute évidence contribuera à rompre l’important cordon d’entretien des rites et des pratiques socioculturelles, qui constituent le nerf de la cosmogonie des peuples bantous, en particulier le peuple Baka au Cameroun.

 

mvondopaul10@yahoo.fr

(+237)690080180

 

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