En-dehors de l’hymne national dont on connaît le son, il est difficile de savoir ce qui se dessine à Yaoundé pour 2025. Les scènes et les intrigues de palais se sont déroulées, les voix se sont fait entendre, des stratégies qui s’envisageaient ont été étouffées dans l’œuf. Beaucoup fantasmaient, tentant d’entrer dans les bonnes grâces des cours, des faiseurs d’aventure politiques, prenant position et se voyant comme futur leader ont reçu des coups bas horribles. Il y a eu des graves affaires d’Etat, qui ont frappé les esprits. On a entendu, on a attendu sans rien entendre de cette attente. Cette affaire est particulièrement compliquée. Le pays-là ? Ceux qui après un sommeil se sont vus à Etoudi et qui aspirent à la succulente place, savent qu’ils rêvent dans ce pays qui prive les jeunes dans leurs rêves d’enfants. A l’évocation de certains noms, proches du sérail, qui pourrait prétendre remplacer, cela m’a laissé sourire; le cercle du pouvoir passe les plus beaux moments de leur carrière : pas d’avertissement, pas d’observation, pas de permission d’absence, chacun se lève et s’en va, des crocs-en-jambe. C’est la vraie cour du roi Pétaud.
Léon Tolstoï décrit dans Anna Karénine comment fonctionnait la maison d’Oblonsky. Elle était bouleversée. Les habitants de la maison racontaient ce qu’ils avaient fait de cruel la veille en riant. Pour la première fois, un ministre faisait un témoignage sans diplomatie, mettant en cause certainement un autre. Le ministre en question, savait de quoi il parlait. Des personnalités qui se rencontraient dans un auberge ayant rendez-vous avec la même influenceuse. Ce n’était jamais arrivé depuis 82. Une autre était accusée d’avoir un serpent, dans la cour il n’y avait que des relations incestueuses, un chef de village s’était placé devant un sous-préfet et avait barré la voie publique, pendant la Cov19 un chef négligeable avait refusé de prendre les dons pour lutter contre la pandémie.
L’argent du pays se volatilisait puisque tout le monde était distrait ; dans cette distraction, la fatigue du père, qui n’avait plus assez de force pour se tenir lui-même méritait assez d’égards pour les efforts de son passé. Il vivait les grands moments d’une vie de patriarche, maintenant que les petits-fils pouvaient, marcher sur sa tête, ou courrait autour de lui, poussant des petits cris en se trémoussant sur le sol de marbre ; certains passaient devant lui avec des copines. Nous sommes arrivés à un stade où même les domestiques ont la parole dans ce pays. Les influenceuses qui ne voulaient pas quitter les appartements ; les maris qui faisaient une semaine avant de retourner chez eux ; les jeunes qui s’animaient des filles dans différentes chambres ; la princesse s’était querellée avec son voisin de bureau du matin jusqu’au soir.
Le militaire en faction qui laissait son poste pendant une heure afin de s’abreuver dans le bar d’accoté. À l’heure du dîner tout le monde était branché, la langue pendante au téléphone en avalant le chaud repas ; des kidnappings, des disparitions, tout n’est que désolation, comme dit jean d’Ormesson, il n’y a plus presque rien sur presque tout. Chacun s’abreuve comme si demain , il n’y aura plus rien, nous sommes dans l’irréalité la plus totale, le silence des profondeurs. Le président Paul Biya est une machine infernale, il a broyé tout à son passage, plus il vieillit plus il est performant, à 90 ans, l’homme s’est vu ovationné, dans toute sa densité aidé par le calme ardu à imaginer. L’homme a l’espace, il a le temps, voilà ses deux forces. Sa physionomie est ouverte, vous allez, en aventure vous y vivez 35 ans au retour, il est là ; vous allez à la chasse vous faites 15 ans, comme Morlam, il est toujours là. Vous prédisez sa fin, mais il assiste à la vôtre. Voici un cas d’école. Les passions aussi s’enflamment au moment le plus inattendu, mais l’homme Paul Biya compte sur le temps, et sur l’espace, c’est suffisant pour comprendre ce qui se passera.