Par Michel Lobé Etamé
La liberté d’expression divise aujourd’hui deux courants de pensée en Afrique francophone. Le premier prône, dans un mode de pensée hegelienne, le dialogue avec la France. Le second a opté pour une rupture totale et immédiate avec l’ancien colon. Dans les deux cas, le but poursuivi est le même : une Afrique libre et émancipée. Et comme les réseaux sociaux s’en mêlent, le champ de bataille de cette confrontation s’étoffe chaque jour de nouvelles révélations sensationnelles et fracassantes. Si nous nous appuyons sur l’existant, c’est-à-dire les rapports de l’Afrique francophone avec son maître de toujours, la France, il est indéniable que le ton martial de la France risque d’envenimer les deux camps. La relation entre la France paternaliste et ses anciennes colonies reste ambiguë.
Depuis les indépendances, ces relations ne sont ni saines ni équilibrées. force est de constater que les mentalités dans l’hexagone s’accrochent encore à une forme de paternalisme décrié et qu’elles n’ont pas la capacité de se redéfinir. Pour les partisans d’une rupture brutale et immédiate, cette condescendance n’est plus supportable. En effet, la mondialisation est venue bousculer l’ordre établi entre la France et ses anciennes colonies. La grande porte qui mène à l’Afrique s’est entrouverte et de nouveaux prétendants se sont révélés. Il s’agit de la Chine, de la Russie, de l’Inde et de la Turquie. Ces nouveaux prétendants, peuvent-ils mettre fin à une relation incestueuse entre la France et son pré-carré ? La question mérite d’être posée quand on voit les investissements en cours des nouveaux prétendants dans les pays d’Afrique francophone. Oui, l’Afrique s’est ouverte au monde.
Cette Afrique, qui veut s’émanciper de la tutelle paternaliste de la France, veut participer activement à son développement pour ne pas manquer les marches des Objectifs de Développement pour le Millénaire (ODM). Or, les deux courants de pensée qui animent activement l’espace médiatique en Afrique pour son émancipation n’ont pas pris en compte une donnée qui influence de plus en plus la modélisation du nouveau monde : les multinationales. Les femmes et les hommes politiques en France et dans le monde ont vu leur influence changer de camp. Le monde d’aujourd’hui est sous l’influence des multinationales. Rien n’est plus possible sans elles. L’homme politique s’est fourvoyé. Il s’est volontairement prostitué, sous la puissance de l’argent des multinationales dont la corruption n’est plus à démontrer.
La lutte que mènent les néo panafricanistes et les partisans du dialogue avec le France doit tenir compte de cette nouvelle force qui n’a pas d’âme, de nationalité et qui s’abrite derrière un paravent. Les partisans du dialogue avec la France et les adeptes d’une rupture totale avec l’hexagone, ont tort de se déchirer. Ils poursuivent le même but. Dans ce contexte, ils feraient mieux de se rapprocher, car, dans cette lutte fratricide, c’est l’Afrique qui est perdante. Les putschs militaires en Afrique viennent ajouter à la confusion. Dans les régimes totalitaires en Afrique francophone, les pouvoirs en place sont aussi hors-jeu. Ils n’ont rien compris à la mondialisation qui va inéluctablement balayer leurs forteresses, car ils ne pourront plus s’appuyer sur leurs maîtres dont les discours de fermeté sont aux antipodes du contexte évolutif mondial. L’esprit et la méthode.
Les deux courants de pensée en Afrique francophone poursuivent un même but : mettre fin à l’hégémonie occidentale sur notre continent en s’appuyant sur la méthode. Pour convaincre les opinions, ils s’appuient sur de nombreuses figures comme l’allégorie et la métaphore qui exaltent les émotions. Chacun d’eux est convaincu de détenir la vérité. Ils se trompent et ce n’est pas nouveau. Ces désaccords au grand jour font le bonheur des maîtres occidentaux qui y trouvent un terreau fertile pour infantiliser tout un continent. Mais nos braves ingénus ne le comprennent pas. Sont-ils sous le joug des forces exogènes aux prétentions discutables ? L’Afrique ne le mérite pas. Nous retiendrons tous que la France a une indignation sélective à l’égard des putschs militaires en cours.
Le cas du Niger trahit bien les intentions belliqueuses de Paris qui veut sauver, quoiqu’il en coûte, le soldat Bazoum. Est-ce un aveu de faiblesse ? Une chose est certaine : la position de Macron alimente le ressentiment anti français au lieu de le désamorcer. Il prolonge la culture prédatrice de la France à l’égard de ses anciennes colonies. C’est une grande faute politique. Pouvons-nous, dans ce contexte, prendre parti dans cette bataille de chiffonniers ? Certainement pas. Cependant, nous pouvons amener les deux courants de pensée à la raison de l’esprit. L’Afrique a besoin de tous ses enfants pour grandir.
Michel lobé Etamé
Journaliste indépendant