Par Yana Bekima
Paula et Cilla
Paula et Cilla : Histoire d’un mentorat particulier entre deux jeunes femmes.
Dr. Catherine D. NKONGO
L’auteure Dr. Catherine D. Nkongo a étudié le droit et la gestion publique au Cameroun, en France, aux États-Unis et au Canada. Ses précédentes fonctions en tant que conseillère juridique l’ont amenée à séjourner dans de nombreux pays en Afrique, en Europe et en Amérique. Elle choisit de s’installer avec sa famille à Ottawa, Canada, où elle a fondé et dirige une firme de consultation en politiques publiques et gestion des projets. Son amour pour la littérature remonte à son enfance.
Elle publie alors ses premiers poèmes dans des revues jeunesse et ses nouvelles dans des magazines féminins. Elle explore la poésie, le théâtre, la nouvelle et la littérature pour enfants. Ses écrits mettent en valeur la voix de la fille, de la femme, de la diaspora noire. Elle est passionnée de langues et de voyages. Paula et Cilla est son premier roman. Paula et Cilla, c’est l’histoire d’un mentorat particulier entre deux jeunes femmes immigrantes. La mentore, Paula, est originaire du Nigéria, danse comme une étoile et s’identifie comme afro-américaine. Cilla, la pupille, a un père camerounais et une mère latino-américaine avec laquelle elle a fui la guerre en Colombie et immigré à Montréal, au Canada.
Un soir d’automne, par le plus pur des hasards, Paula et Cilla se retrouvent sur le toit de leur immeuble. Cilla est alors une adolescente un peu perdue qui cherche un endroit pour fumer ses cigarettes en cachette, à l’insu de sa mère. Paula, quant à elle, y vient pour pratiquer ses chorégraphies. À partir de là, leurs vies seront inséparables au-delà du rationnel, d’abord, à travers la danse classique et le spectacle. Ensuite, à travers les personnes qu’elles croisent à Montréal, Ottawa, Toronto, Vancouver, Paris, Douala ou Bogota. Mais alors que l’une sombre dans la folie, l’autre rattrape la main tendue de sa mère et s’accroche à la foi de celle-ci pour garder espoir.
Au bout d’une vingtaine d’années, Cilla raconte les trajectoires opposées mais intrinsèquement liées de cette relation mentore-pupille où la vie, l’amour et la mort se côtoient en permanence. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Dr. Catherine D. NKONGO et de discuter de son roman Paula et Cilla. Découvrez ce qu’elle a à nous dire à propos.
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots et nous dire ce qui vous a amené à écrire ce livre ?
D’abord permettez-moi de saluer vos lecteurs et lectrices et de vous remercier pour votre aimable invitation. Je suis Catherine Nkongo, une femme noire, une mère, une auteure et une entrepreneure établie à Ottawa, au Canada. Mon parcours professionnel est assez diversifié. J’ai étudié le Droit et la Science politique au Cameroun, en France, aux États-Unis et au Canada. Ensuite, j’ai créé une firme de consultation ainsi que d’autres entreprises que je dirige.
Quant à mes passions, j’en ai plusieurs, car je suis naturellement curieuse. J’aime la lecture, le chant choral, le tennis, la pâtisserie et les voyages. Pour moi, l’écriture est le condensé de toutes mes passions. Ce roman, Paula et Cilla, je l’ai écrit pour deux raisons : la première, c’était pour honorer la mémoire de ma sœur aînée, ma première mentore, Martine, grande amatrice de danse classique, décédée il y’a quelques années. La seconde, c’était pour sensibiliser les jeunes filles sur la nécessité de bien choisir son mentor ou sa mentore.
Catherine, « Paula et Cilla » suscite sans doute un vif intérêt, car il aborde la question de l’immigration et la relation mentore-pupille. Que faut-il entendre par là ?
Dans ce roman, j’aborde la question des défis de l’identité des personnes immigrantes Afro descendantes vivant au Canada. Pour chacune des deux héroïnes de ce roman, être une femme noire au Canada ne signifie pas la même chose et ne se vit pas de la même façon. Quant à la relation mentore-pupille (relation entre deux femmes), elle est, heureusement, riche en rebondissements… Souvent même il arrive qu’elle soit empreinte d’une certaine complexité… d’une certaine ambiguïté… En mettant ensemble les enjeux d’immigration et de mentorat, vous comprenez qu’on entre dans un univers où l’on ne peut pas s’ennuyer…
Êtes-vous préoccupée par le mentorat ? Comment renouer avec les valeurs, les traditions, si possible les actualiser ?
Effectivement, je m’intéresse au mentorat des adolescent.e.s, car il est important de leur transmette des valeurs, afin de leur permettre de gagner du temps, en évitant les mêmes erreurs des personnes qui les ont précédés. Pour ma part, il s’agit de valeurs chrétiennes et humaines. Les traditions, je ne suis pas contre, tant qu’elles me rattachent à tout ce qui élève mon humanité.
Lorsque je vivais en Afrique, je ne me posais pas beaucoup de questions sur mon héritage culturel, traditionnel, etc. C’était un acquis évident. Mais à partir du moment où je me suis éloignée de mon pays natal et installée dans un autre pays, l’autre me renvoie en permanence le miroir d’une identité perçue, sur tous les plans. Alors, commence une véritable introspection, un voyage intérieur que je trouve personnellement passionnant. Il est très important de savoir qui l’on est et ce qu’on apporte aux autres, surtout à celles et ceux qui ne nous ressemblent pas physiquement, culturellement, spirituellement, etc.
Vous avez quand même écrit un pavé de plus de 200 pages, aviez-vous des objectifs à atteindre dans votre thématique ?
Honnêtement, au départ de ce projet, je me suis juste laissée porter par mon inspiration, jour après jour. Mais, après coup, si je devais donner un objectif à ce roman, je dirais que son but est de sensibiliser les familles, surtout les ados et les jeunes filles sur les questions d’identité en rapport avec son propre développement personnel.
Est-ce que vous vous situez dans une perspective critique à propos de l’immigration et du mentorat que vous évoquez dans votre ouvrage ? Quels conseils pouvez-vous donner à la jeunesse africaine aujourd’hui, surtout en matière d’identité ?
Perspective critique ? Non, je ne pense pas. J’ai plutôt peint un tableau, du moins un aspect du tableau de ces thématiques qui sont assez vastes en elles-mêmes. La jeunesse africaine aujourd’hui, de mon humble avis, est assez conscientisée sur ses responsabilités face aux enjeux contemporains. Vu qu’elle vibre au même diapason médiatique que la jeunesse partout dans le monde, grâce aux réseaux sociaux. J’ajouterais simplement que chacun.e soit indulgent.e envers soi-même, car il ne sert à rien de se comparer à d’autres. Le plus important est de poursuivre résolument la voie que l’on définit pour soi-même. Et, à force de travail avec un peu de patience, on y arrive.
Pourquoi avoir choisi les héroïnes Paula et Cilla ? Quels messages cherchez-vous à faire passer ?
J’ai choisi deux femmes. Leurs noms sont inspirés de deux personnages bibliques : Paul et Silas. J’ai voulu montrer que la relation entre une mentore et une mentorée est profonde. Beaucoup de sentiments contradictoires parfois s’en mêlent : entre l’admiration, le désir d’imiter ou de faire comme l’autre, il peut se glisser de la déception, de la désillusion, du rejet, de la jalousie, de l’infortune, etc. Je dis cela en pensant aux personnes qui ont une relation de mentorat dénuée de tout cela.
C’est une grâce, profitez-en. Mais si vous êtes dans une relation de mentorat qui, disons, va dans tous les sens, alors je vous suggère de marquer une pause. Pour les personnes qui n’ont pas de mentor.e du tout, je vous suggère d’en chercher et surtout de bien définir vos attentes avec votre mentor.e dès le départ de la relation. C’est une chose qui a peut-être manqué à mes héroïnes…L’acte de valorisation du mentorat autour de l’immigration
Le/la mentoré(e) est une personne en quête de soutien, de progression ou d’évolution, motivée et volontaire qui souhaite bénéficier des conseils d’un.e mentor.e. Mais à l’origine le/la mentor.e doit véhiculer des valeurs n’est-ce pas ?
Absolument. Pour ma part, on choisit un.e mentor.e d’abord pour son caractère, ses valeurs et non pour sa réussite apparente ou réelle. Ceci vient comme un bonus. La base, c’est son caractère. Le mentorat est une relation d’accompagnement, un cheminement sur une autoroute à deux voies. Chaque personne doit faire sa part du chemin. En plus, le/la mentor.e qui a nécessairement une longueur d’avance, en termes d’expérience, devra être suffisamment disponible pour partager les acquis de cette expérience avec la personne moins expérimentée. En mettant cette question en rapport avec l’immigration, j’ai remarqué que plusieurs personnes afro descendantes, au Canada ou ailleurs, n’ont pas de mentor/mentore. Cela devrait changer…
J’invite de nombreux lecteurs à lire votre livre. Je voudrais revenir sur deux de vos personnages qui m’ont vraiment marqué dans votre roman : Paula et Cilla. Est-ce que vous ne posez pas à travers elles la question du rôle de la femme dans le mentorat ?
Non pas simplement le rôle. J’explore les rôles et surtout les dynamiques en présence, dans cette relation mentore-pupille au féminin, au sein de la diaspora noire du Canada.
Est-ce que l’itinéraire du mentor ou de la mentore – si je puis dire ainsi-, ne prédispose pas cette personne à influencer ?
Certainement. Maintenant, la question est de savoir dans quel sens va cette influence ? Quel impact produit-elle : est-ce positif, négatif, ou un peu des deux ? Comment et en quoi la vie de la mentorée est-elle différente ?
Votre roman n’est-il pas un moyen subtil pour rendre hommage à toutes ces femmes africaines qui se battent chaque jour pour le devenir du continent, surtout lorsque nous pensons à tous les sacrifices consentis dans l’éducation des enfants ?
Je rends hommage à toutes les femmes, africaines ou non, qui assument leurs responsabilités d’éducatrice, d’épouse, de femme, de mère, de tante, de sœur, de collègue, d’amie véritable, etc. En ce qui concerne particulièrement l’Afrique, l’éducation est un enjeu crucial au sein des familles, des nations. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes, femmes et hommes, qui y contribuent, de près ou de loin. Il n’y a pas que les femmes qui se sacrifient.
Nous avons tous grandi sous l’ombre d’une femme, d’une mère. Nos sociétés africaines accordent une importance au rôle de la femme dans l’éducation des enfants. Qu’en est-il à propos de vous ? Avez-vous bénéficié d’un tel mentorat ?
Oui, ma mère et toutes mes autres « mères » et « pères » ont joué ce rôle de mentore durant mon enfance et mon adolescence. Je me rappellerai toujours ces personnes qui, bien que ne faisant pas partie de ma famille, se faisaient un devoir de me corriger sans ménagement si je faisais une gaffe. Au nom de quoi s’autorisaient-elles cela ? Au nom de l’amour certainement, car comme l’adage le dit si bien « ça prend un village pour élever un enfant ».
On voit bien que de nos jours, les aléas et difficultés de la vie sont parfois si prégnants que la société, les parents, les mères et les pères, démissionnent de leurs responsabilités. N’oublions pas aussi, surtout en diaspora, qu’il y’a des parents qui, pour une raison ou une autre, sont absents de la vie de leurs enfants. Quand on envoie ses enfants seuls à l’étranger ou qu’on les précipite prématurément dans la vie active alors qu’ils sont encore très jeunes et immatures, on les prive de cet accompagnement formateur. C’est dommageable.
Quels sont vos prochains projets d’écriture, si je ne suis pas indiscret ?
Mon prochain roman est presque achevé. J’y explore d’autres thématiques tout aussi captivantes, avec en prime une floraison de personnages atypiques et attachants… Je publierai aussi prochainement un recueil de poèmes.
Madame Catherine D. NKONGO, nous vous remercions pour la pertinence de votre thématique et espérons vous revoir bientôt. Pourquoi pas lors de votre prochaine publication.
Avec plaisir. C’est moi qui vous remercie, vous et toute l’équipe d’afriksurseine.com.