Il y a quelques années dans ma passion des contes et proverbes africains, j’ai fait la rencontre de THEODRA PENDA. Jeune auteure, elle venait de publier aux éditions Ekima « LES VOYAGES INCROYABLES DE TIK’A KULE. » Je lui avais accordé une interview qui malheureusement à disparu du site dans lequel je l’avais faite. Je n’ai cessé d’être conquis par sa plume. C’est porté par cet élan que j’ai recherché dans mes fichiers les traces de cette interview que je souhaite réactualiser sous forme de chronique littéraire. Théodora disait alors ceci :
Je suis originaire de Douala, au Cameroun, et mère d’une adolescente de 20 ans. Depuis 2012, nous vivons à Nice, après avoir passé trois ans à Milan. Je travaille comme Assistante d’Éducation pour l’Académie de Nice. Je crois fermement que le talent, lorsqu’il est reconnu, mérite d’être célébré, peu importe son origine. C’est particulièrement vrai pour le Cameroun, qui peut y voir une source de fierté nationale. J’espère que cela encouragera d’autres à suivre cet exemple. Les femmes ont toujours joué un rôle dans l’écriture.
Le premier texte connu de la littérature mondiale, datant du IIIe siècle avant notre ère, a été écrit par En-Hedu-Ana, une poétesse mésopotamienne. Malgré cela, les contributions des femmes à la littérature ont longtemps été minimisées. Aujourd’hui, leur présence grandissante dans le domaine littéraire marque une réappropriation méritée de leur place. Mon ouvrage, « Les voyages incroyables de Tik’à Kulè », est une collection de contes situés dans les jungles et savanes camerounaises, ils mettent en lumière la beauté des forêts du pays.
J’ai choisi de situer ces histoires dans des zones protégées par des organisations environnementales, certaines reconnues comme patrimoines mondiaux par l’Unesco, comme la forêt de Korup. Le livre donne vie à Célestin Tiki Kullè, un narrateur virtuose aujourd’hui disparu, qui emmène le lecteur dans un voyage initiatique à travers le Cameroun, du Sud au Nord, en révélant des savoirs et des faveurs secrètes. L’approche principale de mon écriture se concentre sur la création d’une prose poétique, visant une certaine musicalité dans le texte. Contrairement à l’opinion selon laquelle le français manque de musicalité, je crois en la possibilité de générer des sonorités agréables par l’association harmonieuse des mots.
Pour moi, il est essentiel de pouvoir « voir » et « entendre » mes écrits, permettant ainsi au lecteur de développer son imaginaire, de voyager à travers les sens. Recevoir un retour tel que « quand je te lis, je t’entends » est pour moi le plus grand des compliments. Actuellement, je n’envisage pas de m’engager dans une littérature militante, bien que je reconnaisse l’importance de certaines causes. Je préfère les formats courts et n’écarte pas la possibilité d’écrire d’autres contes ou même des romans à l’avenir. Mon emploi du temps ne me permet pas d’écrire aussi souvent que je le voudrais; l’écriture devient ainsi un luxe. Je n’ai pas de rituel fixe pour écrire, trouvant cela trop restrictif.
J’écris sporadiquement, selon mon inspiration et mon emploi du temps, souvent lentement, avec des périodes où je ne produis rien. Je suis également très critique envers mon travail, ce qui me conduit à réviser constamment mes textes. Je tire mon inspiration de mon monde intérieur, lorsque je navigue entre la réalité et l’imaginaire, alors je profite de cette liberté créative. L’écriture commence souvent de manière impulsive, sans direction préétablie, avec des idées notées dans un carnet pour ne pas les perdre.
Même en essayant de suivre un plan, je trouve que l’écriture me mène à des découvertes inattendues, rendant le processus imprévisible et libre de toute structure rigide. Je garde habituellement cinq livres à portée de main, bien que cela soit plus que nécessaire. Ma méthode de lecture varie selon mes envies, ce qui me permet parfois de jongler entre deux ou trois ouvrages simultanément. Actuellement, je revisite « Paul et Virginie » de Bernardin de St Pierre et explore également « Le réseau secret de la nature » de Wohlleben, attirée par ma fascination pour la faune sauvage.
Ma collection personnelle se compose principalement de littérature classique française, entre romans et poésie. Je crois que l’écriture peut adoucir les aspérités du monde en lui apportant une nouvelle forme de respiration, presque comme un élixir vital. Quant à la question de l’existence d’une distinction nette entre les écritures masculine et féminine, je pense que chaque personne peut exprimer les émotions de manière unique, potentiellement influencée par sa sensibilité propre. Je n’écris pas pour atteindre un idéal précis, mais plutôt par un désir de partager ce qui me touche profondément, car je considère l’acte d’écrire comme une forme de générosité.
Les contes, à mon avis, servent de métaphores instructives, il me facilite l’apprentissage tout en douceur. Les choix de lecture étant personnels, je ne juge pas ceux des autres. Je ne donne pas de conseils directs à ceux qui aspirent à écrire, mais je les préviens des défis qu’ils rencontreront : un parcours semé d’embûches mais potentiellement gratifiant. Actuellement, j’ai plusieurs projets d’écriture en cours, avec l’espoir d’en voir au moins un aboutir à la publication. Mon enfance a été bercée par la lecture, grâce à un père qui remplissait notre maison de livres. Malgré une offre limitée de bibliothèques dans mon pays à l’époque, ma curiosité insatiable m’a poussée à explorer la bibliothèque paternelle, et là je me suis plongé dans une diversité de genres, de la littérature classique aux œuvres plus modernes, y compris des romans d’aventures et érotiques. C’est cette exploration précoce qui a enflammé ma passion pour les mots.