Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LES DEBATS POLITIQUES SUR LES CHAINES TELES AU CAMEROUN

Il y a deux ans,  je publiais cet article pour la première fois, je mentionnais le  constat selon lequel, dans le grand  écrin des médias camerounais, les débats politiques dans nos différentes chaînes publiques et privées, étaient désespérants, malgré le fait qu’ils attirent  les regards des âmes en quête de passion et de renommée. Car en politique, il est impossible de briller sans se laisser caresser par les projecteurs médiatiques, et pour illuminer ces débats, des journalistes et des animateurs  se prêtent au jeu. Les années 90  par exemple sont  une époque bénie où les téléspectateurs camerounais furent témoins de débats politiques d’une rare richesse, où des personnalités comme Wougly Massaga, Hameni Bialeu, Charly Gabriel Mbock, Joseph Owona, et Celestin Bidzigui captivaient les téléspectateurs de par leur culture intellectuelle. Des journalistes professionnels éclairaient ces débats, où les sujets abordés étaient de véritables joyaux d’érudition, et où l’art de la parole était vénéré.

C’était une époque où la connaissance historique régnait en maître au sein de ces joutes politiques. Les téléspectateurs étaient épris par exemple  de Roger Gabriel Lep, Théodore Ateba Yene (à ne pas confondre avec Charles Ateba Yené), et Elounga Beng, des personnalités  exceptionnelles, tout comme des journalistes tels qu’Albert Mbida et Jean-Claude Ottou. Dans cette époque dorée, le respect mutuel était la règle d’or, et chaque débatteur visait le sommet avec une élégance qui forçait l’admiration. Les contradictions étaient exprimées avec respect, et les débats, d’une qualité exceptionnelle. Ce qui rendait ces débats si envoûtants, c’était la courtoisie inébranlable que les participants avaient les uns pour les autres. C’était une merveille à contempler, car la télévision a pour mission d’éduquer la nation. Même s’ils défendaient des opinions bien distinctes, les débats tournaient autour d’idées fortes, dans un esprit de retenue et de respect mutuel. Nous étions  jeunes à  cette époque et nous étions captivés, et le savoir transmis était inestimable.

Ces hommes et femmes sont restés  des modèles, car dotés  d’une rare  intégrité, profondément attachés à leurs convictions. On a eu un peuple fortement   politisé parce que c’était à la fois captivant et instructif. Ces orateurs savaient s’exprimer de manière éblouissante, exposant des idées fructueuses lorsque surtout ils  prolongeaient les discours. Hélas, cette époque glorieuse semble désormais lointaine, remplacée par des débats hystériques, bruyants, dénués de fond et empreints de mélancolie. Aujourd’hui, les échanges d’idées sont stériles, les rivalités sont outrageantes, et les politiques se comportent sur les plateaux comme des marchands à la criée. La courtoisie et la profondeur du débat ont cédé la place à la cacophonie. Les conséquences sont graves, avec des arrestations pour diffamation, des tortures, et des fuites.

De nos jours, il semble ne plus y avoir de véritables hommes et femmes politiques au Cameroun, mais plutôt des technocrates et des gestionnaires. Les débats publics semblent stériles, erratiques, et ressemblent à des pièces de théâtre où les acteurs se perdent en scène. Rien n’est clair. La qualité des débats est en net déclin. Deux invités sont invités sur un plateau, mais au lieu de démonstrations intellectuelles, ils se lancent dans des diatribes injurieuses, s’interrompent de manière inopportune, et s’insultent vulgairement. Cela ressemble plus à une foire aux commérages qu’à des débats politiques. La pauvreté de la qualité des débats actuels est telle que les téléspectateurs finissent par s’endormir devant leurs écrans. Une autre préoccupation concerne le choix récurrent des mêmes sujets et des mêmes invités. Les discussions tournent en boucle, les mêmes arguments et les mêmes conséquences sont évoquées. La politique a envahi tous les aspects de la société, provoquant tensions et divisions au sein des communautés.

Il est désolant de constater que certains individus semblent contrôler les médias, en particulier les médias privés. Nous sommes en 2023, après 33 ans de débats politiques, les souvenirs de ces débats ne laissent que des échos vides, à l’exception de quelques onomatopées. Ces débats malsains et ridicules sont le résultat de la partialité des journalistes d’une part, et de l’approche choisie par les politiques de l’autre. Les journalistes et les animateurs ne font qu’aggraver la situation. Les propos du père Engelberg Mveng dans les années 90, déplorant la pauvreté culturelle des médias camerounais, prennent un écho particulier aujourd’hui. Notre génération a atteint un creux abyssal. Cependant, il reste quelques étoiles brillantes, comme Thierry Ngongang, Bruno Bidjang, et Bruno Tagné. Malheureusement, comme c’est souvent le cas au Cameroun, les meilleurs s’en vont. Peut-être faudrait-il encourager certains journalistes à se former davantage, ou inciter certaines personnalités publiques à briller ailleurs ? En fin de compte, les citoyens, les médias et les politiques camerounais ont la responsabilité de restaurer la qualité des débats politiques, de promouvoir le respect, l’élégance et la compréhension mutuelle. Cela pourrait contribuer à une meilleure gouvernance et à un avenir plus radieux pour le Cameroun. Ce que tous recherchent souvent.

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