Les disciples le nommaient le prophète des Bafia, un titre qu’il rejetait avec constance, se décrivant plutôt comme un humble serviteur de Dieu. Affaibli par la maladie, l’abbé Patrice Nnouka s’est éteint le 22 juillet 1978 à Biamo. Sa disparition fut gardée secrète pendant plusieurs semaines, nourrissant l’espoir de survie chez ses fidèles. Il fut le pionnier de l’inculturation au Cameroun, initialement ignorée puis ultérieurement approuvée par le Pape Jean Paul II, qui a ordonné la tenue d’un synode africain visant, selon les traditions de l’Église, à examiner les défis liés à l’évangélisation du continent.
C’était la première fois que le peuple chrétien africain obtenait l’autorisation du Vatican pour réfléchir à sa condition de chrétien et formuler des propositions visant à résoudre les problèmes propres à la chrétienté africaine. L’inculturation représente l’incarnation de l’Évangile dans les cultures autochtones tout en intégrant ces cultures dans la vie de l’Église. Cette approche religieuse, promue par les théologiens africains, rejette le syncrétisme religieux, mais encourage l’adaptation des rites religieux occidentaux à la compréhension des rituels africains. En d’autres termes, l’inculturation est le processus par lequel l’Évangile est prêché de manière contextualisée, reconnaissant que si la Parole de Dieu s’est incarnée, elle a également pris une forme culturelle.
Ainsi, l’Évangile rencontre une culture spécifique et adopte ses modes de pensée, constituant une rencontre entre la foi chrétienne et la culture en tant que manière de vivre dans le monde. L’Évangile, tel qu’il est reçu en Afrique, a été influencé par diverses cultures telles que l’hébraïque, l’araméenne, la grecque, et la latine, avant même d’atteindre le continent africain et asiatique. Par conséquent, une version africaine de l’Évangile était nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques de ces cultures. De nombreux théologiens ont exploré cette thématique en s’appuyant sur l’histoire pour justifier cette approche. Dès le début, l’Afrique a été présente dans l’histoire de la révélation chrétienne et dans nos cultures.
L’africanisation du christianisme est ainsi devenue impérative, intégrant des éléments de la culture africaine, tels que le tambour ou la danse, au christianisme apporté par les missionnaires. C’est également une reconnaissance des mystères de la foi à partir de l’Afrique, abordant des questions existentielles telles que le mal, les forces surnaturelles et la relation avec les ancêtres. Cette approche nécessite une réflexion profonde sur les aspects culturels de la foi chrétienne, reconnaissant la valeur intrinsèque de chaque culture et permettant à chacune de s’exprimer dans sa relation à Dieu le Père et à Jésus-Christ, tout en reconnaissant les influences des imaginations et des mythologies sociales locales. Cependant, il se pose désormais la question de savoir si les déviations actuelles ne sont pas dues à une forme de syncrétisme religieux. L’inculturation pose également le défi de l’initiation, où chaque ethnie doit pouvoir jouir pleinement de ses traditions tout en intégrant l’esprit africain dans la croissance de la foi.
(sources, avec l’apport de Thomas Guidong)