Par Yana Bekima
L’indépendance signifie le plein exercice de la souveraineté par un peuple à travers les institutions de l’État. Au sens politique le véritable concept qui donne son contenu à l’indépendance, c’est le concept de souveraineté. On entend par souveraineté en politique l’exercice du pouvoir par le souverain, dans le cas d’espèce dans une république, c’est le peuple. Il y a donc souveraineté dès lors que le peuple d’un pays qui est une république exerce réellement la souveraineté à travers ses institutions. L’État est l’organisation du pouvoir politique à travers l’exécutif, le législatif et le judiciaire. L’État a vocation à exercer la souveraineté du peuple, qui émane du peuple et au nom du peuple. Regardons dans les pays africains. Est-ce que l’on peut dire ou affirmer qu’en 2023 les pays d’Afrique en général et en particulier les pays d’Afrique francophone (anciennes colonies françaises) sont indépendants conformément à la définition ? Autrement dit, les africains issus d’anciennes colonies du continent sont-ils vraiment indépendants ? La souveraineté commence par l’exercice de la sécurité. La sécurité étant la base de tout. Sont-ils les maîtres de leur politique de défense ?
Que nenni !
L’Afrique est militairement occupée par les armées de l’OTAN (et notamment l’armée des États-Unis d’Amérique) et l’Afrique francophone est militairement occupée par les armées françaises. Toute l’Afrique francophone est quadrillée par les bases militaires françaises à travers les camps de Djibouti, de Libreville, de Dakar et d’Abidjan. Dans la plupart des pays africains, anciennes colonies françaises, est-ce qu’il existe une souveraineté économique et notamment en Afrique francophone ?
Que nenni !
Les Africains ne détiennent pas de souveraineté économique. Dans l’écrasante majorité des pays d’Afrique francophone ou soi-disant francophone, c’est la Banque de France qui contrôle l’instrument principal des échanges économiques à savoir la monnaie. En effet, elle est la seule institution qui a le droit de détenir le pouvoir de création monétaire. Aucun pays de la zone CFA (soit 15 pays au total) ne peut créer de la monnaie et par conséquent ne peut développer son économie. En outre, la majorité de ces pays s’endettent auprès des institutions financières de Bretton Woods comme le FMI et la Banque Mondiale qui imposent une dictature financière, et monétaire à travers le dollar et les crédits à l’économie. Ces institutions font subir exactement à tous les pays africains ce que la France fait endurer aux pays d’Afrique francophone avec le franc CFA dont l’impression se fait à Chamalières par la Banque de France, depuis sa création en 1945.
La dette est la laisse qui tient l’Afrique comme un chien.
Le président Thomas Sankara du Burkina Faso (du 4 août 1983 au 15 octobre 1987) avait suggéré à ses pairs africains d’arrêter de rembourser cette dette, car si on évaluait le montant des réparations (le coût de la traite négrière, le coût des massacres coloniaux, des pillages postcoloniaux et néocoloniaux) il y aurait matière non seulement à ne pas rembourser cette dette, mais aussi à demander un important supplément. Les grandes puissances ont été des puissances négrières et coloniales.
Or aujourd’hui, si l’Afrique n’a pas de souveraineté, c’est parce qu’elle est globalement surendettée. Comme le disait le président Poutine, la dette du FMI et de la Banque Mondiale a été savamment ficelée, c’est-à-dire conçue de telle manière que les Africains soient pratiquement incapables de la rembourser. Les crédits sont octroyés à des taux prohibitifs, et tout cela accompagnés de plusieurs conditionnalités (obstacles à leur industrialisation) car ce qui leur est demandé en contrepartie (et en sourdine bien entendu) ce sont leurs matières premières. Enfin, l’argent qu’on prête aux pays africains ne leur sert pas à acheter ce qu’ils veulent (par exemple l’achat des brevets qui pourraient faciliter leur industrialisation). Les grandes puissances préfèrent leur vendre de la pacotille, c’est-à-dire des produits finis frappé par l’obsolescence programmée. Comment faut-il comprendre la pseudo-indépendance octroyée ? Il s’agit pour les anciennes puissances coloniales :
– d’imposer aux pays africains leur présence militaire et l’exploitation tous azimuts de leurs richesses. – de maintenir les pays africains au statut de zone d’extraction et de prédation des matières premières géostratégiques. – de fragiliser l’Afrique et la maintenir dans le désastre permanent, voire dans le chaos afin que les états africains fassent le recours aux troupes de l’OTAN. Célébrer actuellement l’indépendance dans les États africains revient tout simplement à célébrer une réalité qui n’existe pas. Et surtout, lorsqu’on observe comment l’on instrumentalise leurs institutions sous-régionales pour leur faire la guerre afin de les soumettre davantage.