La victoire de Samuel Eto’o dans le choix du stade ne relève pas tant d’une décision sportive que d’une manœuvre diplomatique et politique. Ce que nous avons vécu hier démontre les conséquences de confier une institution aussi importante que la Fecafoot à des individus dont l’ambition démesurée prend le pas sur l’intérêt collectif.
Disons tout simplement qu’il s’agit d’un enfant, bien que devenu grand, qui a encore les comportements des enfants de la rue. Eto’o est un homme obsédé par le pouvoir, prêt à tout pour l’obtenir, et son désir de suprématie ne connaît aucune limite. Ce qui se dessine ici, c’est une lutte où il cherche à écarter ceux qui pourraient ternir son héritage, à commencer par Vincent Aboubakar, dont la progression en tant que buteur le menace directement.
Eto’o craint qu’Aboubakar ne dépasse ses records de buts au niveau de la CAN, ce qui pourrait ainsi éclipser le statut qu’il avait arraché à Laurent Pokou. Pour cette raison, il est prêt à tout, même à sacrifier l’équipe nationale même sa disqualification, afin d’écarter ceux qu’il perçoit comme des rivaux dans l’aventure des légendaires buteurs. Vous verrez ses attitudes négatives dans les prochaines semaines, les frasques vont continuer. L’ambition d’Eto’o ne s’arrête pas là. Derrière ce masque de dirigeant sportif, c’est un rêve bien plus vaste qui se dessine : celui de la présidence de la République. Malgré une lettre publique où il rejette ces suppositions, il est clair pour ceux qui observent de près qu’il nourrit cette aspiration. La seule personne qui le gêne, c’est le président Paul Biya. Sa lettre est une tactique provisoire pour endormir certaines personnes. Il est le plus populaire des camerounais à l’heure et en cas de candidature n’importe où il gagne. Mais il ne peut plus gagner. Surtout pas au Cameroun.
Si je ne m’étais pas trompé en 2000 en disant à mes amis du quartier que ce mec serait un très grand joueur dans l’histoire du Cameroun, je ne m’étais pas non plus trompé lorsque j’écrivais il y a trois ans que vous verriez votre erreur en amenant celui-là à la Fecafoot. Ce n’est pas cette vision de la magistrature suprême qui me mentirait. Mais revenons au sport. Le choix de Garoua, par exemple, n’est pas anodin : il fait partie de sa stratégie pour se rapprocher du septentrion politiquement, une région clé dans toute entreprise politique future.
Par ailleurs, il sait qu’en ralliant la jeunesse camerounaise autour du football, il pourrait fédérer des soutiens en masse. Chaque Camerounais a ce droit, mais nous ne sommes pas dans un monde d’incultes. C’est son manque de maturité et de culture qui nous inquiètent, nous, les intellectuels. Il a dit qu’il nous a donné du travail. Nous aussi, on lui a donné la parole, parce qu’il n’a pas droit à la parole publique ; il parle mal, mais on valide tout de même, parce qu’on lui pardonne de ne pas avoir fait longtemps l’école. Ceux qui le suivent sont des mendiants. Le vrai intellectuel n’a que faire de l’argent.
Comment accepter qu’un homme dont le comportement infantile et les excès sont évidents continue de se hisser à de telles responsabilités et de grimper en notoriété ? Eto’o est un rêveur, un homme qui a toujours vu grand. Dès qu’il a atteint ses objectifs, il a utilisé sa position pour accéder à des cercles de pouvoir, mais son parcours est entaché d’histoires peu glorieuses, indignes d’un grand joueur. Ce qui est le plus préoccupant, c’est sa manière de traiter les figures respectées, comme le ministre Mouellé Kombi, professeur agrégé qu’il vient publiquement d’humilier. Nous ne l’admettrons pas. La sagesse et l’humilité, c’est ce que le ministre vient de montrer, c’est-à-dire accepter les conseils du premier ministre qui l’invite à aller à Garoua. Si Eto’o crie victoire c’est qu’il bête. Voilà pourquoi l’école est bien. L’école ici commence avec l’université avec la science.
Eto’o sera un jour le grand perdant de tout ce qu’il est en train d’orchestrer, et on ne le soutiendra pas. Une telle impolitesse est sans précédent au Cameroun. J’avais averti : confier la Fecafoot à un garçon de New-Bell, un quartier souvent stigmatisé par le voyoutisme, était une erreur. On ne m’a pas compris. Pour ceux qui le qualifient de meilleur joueur camerounais de tous les temps, je réponds non et j’insiste. J’ai vu évoluer des légendes du football camerounais comme Roger Milla, Thomas Nkono, ou encore Manga Onguené. Ces hommes étaient des génies, des artistes du ballon. Eto’o, lui, n’est pas de cette trempe.
Certes, il s’est battu, il a travaillé dur pour sortir de la misère et il a su capitaliser sur les talents de ses coéquipiers dans les grands clubs où il a joué. Mais il n’a jamais eu ce génie qui distingue les légendes. Ses succès sont le fruit de son acharnement et de son ambition, non d’un don inné pour le football. Son comportement actuel c’est de la folie; c’est l’excès de pouvoir emmagasiné dans son corps qu’il essaie d’avoir en entrant dans les trous noirs. Une fois ces pouvoirs marqué sans son corps ses agissements seront très compliqués tout au long de sa vie actuelle. Nous savons de quoi nous parlons. Ce qu’il recherche, au fond, ce n’est pas seulement la gloire sportive… Mais il finira par diriger ses bandes de New-Bell.
Le dégoût que suscite aujourd’hui la gestion de la Fecafoot est symptomatique d’un système corrompu et aveuglé. Les dirigeants de la Fecafoot veulent à tout prix avoir la main mise sur les professionnels qu’elle raquette souvent pour les sélectionner. Nous avons des amis à l’intérieur de ce système. Nous avons des amis joueurs dans les lions. Plus grave ça devenait un cercle. Tout le monde se plie devant Eto’o parce qu’il aurait les moyens. Mais de quels moyens s’agit-il ? Pourquoi ne pas entrer dans les grandes écoles pour apprendre les vraies valeurs et chercher notre aval ? L’argent ne doit pas être la seule boussole dans cette vie. Il faut rester vigilant, car la victoire apparente d’Eto’o sur le choix du stade n’est qu’une façade. Il sera à son tour humilié s’il n’arrête pas.
Lorsque l’État semble accorder une victoire, il y a toujours une stratégie cachée derrière. Eto’o n’a pas la culture pour comprendre ce qui se joue vraiment, et cette illusion de pouvoir qu’il pense avoir gagnée pourrait bien le conduire à un glissement… Faire le bras de fer avec l’État est un jeu dangereux, et ceux qui s’y frottent finissent souvent par être dévorés. Si la bande à Eto’o est contente de cette victoire, je dirai qu’elle est folle. J’ai pitié, car ils sont ignorants de ce pays. L’histoire politique est remplie d’exemples de héros comme lui, qui, aveuglés par leur ambition, ont été mis à l’écart dès qu’ils ont cessé d’être utiles.
Il est fort probable qu’Eto’o suive ce chemin. Eto’o est un grand homme, mais un jour, on lui prouvera que l’avenir de notre pays est plus important qu’un individu. Ce que je déplore amèrement, c’est que des personnalités comme le professeur Nkou Mvondo semblent ignorer les réalités politiques du pays. Il est professeur, mais il ne connaît rien au droit.
Owona Mathias et Elobi Lobé doivent être suivis avec attention, car ils donnent de bons conseils. Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est que la chute des ambitieux est souvent aussi spectaculaire que leur ascension. Et pour moi, avec l’attitude qu’Eto’o a adoptée en réunissant des jeunes à la place des aînés, il faut conclure que ce garçon est un paltoquet.