Dr. Roger Dieudonné Mvogo, Ph.D Internationaliste
Les travaux du 4ème Sommet du Forum sur la coopération Sino-africaine qui se sont ouverts Jeudi 5 septembre 2024 à Beijing, capitale chinoise, ont donné une fois de plus l’occasion au président camerounais, S. E. M. Paul Biya, de prononcer un discours révélateur de la nouvelle direction de la coopération Chine-Cameroun au cours de l’entretien en tête-à-tête avec son homologue Chinois Xi Jinping. Certes axé sur les principales préoccupations actuelles des pays africains, la présence du Cameroun à ce Sommet, a permis, dans une démarche holistique et diplomatique qui lui est propre, au président Paul Biya de décliner quelques grandes lignes de cette coopération qui fait de la Chine un ami stratégique du Cameroun dans sa nouvelle politique envers l’Afrique au cours des trois prochaines années.
Un tel choix pour la Chine parmi tant de partenaires internationaux, aux rangs desquels la France ou la Grande-Bretagne plus anciennement en relation avec la Cameroun, en l’occurrence depuis la colonisation, ne relève pas d’un fait du hasard. Des mobiles à la fois historiques, factuels et stratégiques existent de part et d’autre, des attentes mutuels et fortes également Sur le plan historique, la politique du développement communautaire léguée par la Révolution culturelle de Mao-Tsé Toung en 1966, rappelle une de ses citations célèbre du président Chinois qui accède au pouvoir en 1949, à savoir « quand la Chine se lèvera, le monde tremblera ».
C’est une vision pertinente qui s’est réalisée aujourd’hui. Au regard des résultats élogieux des projets infrastructurels réalisés par la Chine au Cameroun à ce jour, les Camerounais par la voix de leur président, témoignent leur reconnaissance vis-à-vis de ce pays désormais ami stratégique de la Chine dans sa nouvelle coopération avec l’Afrique au cours des trois prochaines années. C’est fort de ce riche passé qu’une confiance est renouvelée aux grandes entreprises chinoises qui s’installent de plus en plus au Cameroun et dont la contribution à la densification de son réseau routier inter-urbain à travers le pays a davantage été sollicitée à Beijing par le président Camerounais le 5 septembre 2024. Celle de l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035, est révélateur.
Pour la 8ème fois en Chine, le président Camerounais, comme ce fut le cas lors des précédentes occasions notamment le 26 mars 1973, le 04 octobre 1978 et le 12 août 1978 avec le président Ahmadou Ahidjo à Pékin, la voie de la diplomatie de présence et de rayonnement était ainsi tracée malgré le contexte de bipolarisation et de guerre froide prédominant. Le président Paul Biya a ouvert une autre belle page de l’histoire de cette coopération « vielle de 53 ans » cette fois à Beijing. L’ami stratégique dont la Chine est désormais pour le Cameroun a permis au président Camerounais de réitérer ces convergences de vues qui ont toujours lié les deux peuples. Celles-ci concernent non seulement les problèmes internationaux, mais aussi les valeurs de paix et d’unité dans la solidarité avec les autres peuples de bonne volonté de la planète et qui sont disposés à respecter la dignité et l’originalité tant de la personnalité nationale des Chinois tout comme les Camerounais.
En 1977, témoigné sa reconnaissance pour ce succès de partenariat gagnant-gagnant à la faveur de la main tendue « d’une économie chinoise qui a réussi à s’intégrer activement dans le tissu économique et culturel mondial et qui se révèle aujourd’hui comme un exemple visible de modernisation et de globalisation réussi » (Cf. Intégration, hebdomadaire national, n°598, 11 mars 2024, p.12). Au niveau factuel, de nombreux indices sous-tendent l’encrage plus accentué du Cameroun vers la Chine. D’abord le succès de son « miracle » économique. Au bout de longs et pénibles efforts, cette première puissance économique a une économie unique au monde. L’empire du milieu a su allier son économie à l’innovation et aux technologies de pointe à choix multiple en termes de qualité et d’usage.
Ces technologies sont aujourd’hui des références pour garantir une coopération de développement du Cameroun et aider notre économie extravertie à sortir de son état de consommateur essentiel des biens et des services. Son impressionnant développement économique par l’innovation dans l’industrie alimentaire avec des produits de plus en plus de haute qualité, la particularité de cette industrie est de laisser une diversité de possibilités de choix aux consommateurs à rechercher le meilleur produit sur le marché. Ce qui en fait un puissant moteur pour l’innovation qui est un facteur primordial du développement économique, d’après les théories. (Cf. Intégration, hebdomadaire national, n°598, 11 mars 2024, p.12). Le dynamisme de l’économie sans cesse croissance avec un objectif fixé à 5% au cours de l’année 2024, ambitionne de créer plus de 12 millions d’emplois dans les zones urbaines et ramener ainsi le taux de chômage à 5,5%. taux C’est sur la base de ces signaux révélateurs que le président Camerounais n’a pas manqué de rappeler quelques-unes des grandes réalisations chinoises au profit du Cameroun au cours des vingt dernières années.
Notamment « les barrages hydroélectriques, les centrales à gaz, les infrastructures routières, hospitalières, portuaires, sportives, etc, sans oublier l’immeuble futuriste qui va abriter l’Assemblée Nationale du Cameroun ». Si l’économie chinoise a réussi à s’intégrer activement dans le tissu économique et culturel mondial, un pays qui a su faire de son explosion démographique et la forte densité de sa population des instruments de croissance, alors qu’au même moment, dans les fables taux de populations sont plutôt des obstacles, pays africains moins peuplés ne parviennent pas toujours à s’entendre ni à rendre plus épanouissant leur faible taux de population bien que malgré les immenses ressources naturelles dont ils disposent, il revient au Cameroun de faire de la Chine un ami stratégique qui l’aiderait à maintenir le cap de locomotive de la Sous-région Afrique centrale, afin de capitaliser au mieux ces atouts pertinents qui font la force du développement économique et social de la Chine.
C’est dans cette perspective de solidarité éprouvée de la Chine en faveur des Suds, que le Cameroun, par la voix de son président des « financements additionnels afin de poursuivre sa vision d’émergence à l’horizon 2035 », à travers une « intensification par les grandes entreprises chinoises de leurs investissements directs ». Il s’agira pour ces entreprises, grâce aux facilités qui découleraient de l’installation d’EXIMBANK au Cameroun, une des banques les plus prestigieuses de Chine, de poursuivre dans la même dynamique par leur contribution des plus attendues dans « le lancement imminent de nos projets structurants de deuxième génération, à l’instar de la phase 2 de l’autoroute Yaoundé-Douala, de l’autoroute Edéa-Kribi, de la route Douala-Bafoussam, de la voie de contournement de la ville de Ngaoundéré-Garoua et enfin, celle reliant Maroua à Kousseri ». Sur le plan stratégique, au regard du caractère solennel de sa demande en « matériels et équipements militaires d’une gamme variée, y compris l’assistance technique pour faire fonctionner tout cela », formulée à l’adresse de son « ami stratégique », c’est un signe de sincérité et de responsabilité dans les choix du Cameroun de ses partenaires de la coopération militaire et sécuritaire.
Le Cameroun n’est la chasse gardée d’aucune puissance étrangère, avait rappelé à la communauté internationale en 1984. Nous avons encore à l’esprit qu’au cours de la conférence de presse organisée à l’occasion de la dernière visite officielle du président français Emmanuel Macron au Cameroun, les 25 et 26 juillet 2022, celui-ci avait laisser planer dans ses propos, des soupçons sur le Cameroun d’entretenir des relations étroites avec la Russie. Fidèle à sa responsabilité de Grand homme d’État, à la tête d’une grande Nation, le président Paul Biya rappela à son homologue français, deux principes sacrés des relations internationales, à savoir la souveraineté et la liberté des États à nouer des relations d’amitié à leur guise. Le Cameroun qui est un État souverains, n’a fait qu’appliquer ces principes « comme beaucoup d’autres pays africains qui ont des accords avec la Russie » (Cf. Jeune Afrique Economie, n° 420, pp. 68-70).
Si pour certains détracteurs du continent africain, de tels propos semblaient provocateurs par rapport à cette époque où la France proclamait « sa relation privilégiée avec l’Afrique, et le Cameroun sa colonie » (Ibid. p. 212), plus d’une cinquantaine d’années après les indépendances, comment ne pas saluer le sens une fois de plus élevé du patriotisme manifesté jusqu’ici par le chef de l’État camerounais pour ces propos qui n’avaient qu’un seul but : défendre la liberté et l’honneur du Cameroun ? – Le choix solennel de la Chine pour son appui en matériels et équipements militaires ne devrait-on surprendre ni inquiéter. Une fois de plus, c’est le Cameroun et l’Afrique qui gagnent par cette voix du président Camerounais, de plus en plus imposante et contraignante sur la scène internationale. À travers cette demande d’aide militaire, est-ce la fin du règne d’une certaine diplomatie jusqu’ici influencée par ses anciennes puissances coloniales, en l’occurrence la France et la Grande-Bretagne ?
En dehors de ce que nous soyons loin de penser que le vent des relents des nationalismes des pays du Sahel continue de poursuivre sa route au détriment d’une forme de coopération militaire en permanence conflictuelle et son incapacité à vaincre le terrorisme et à garantir la paix et la souveraineté des États africains, force reste tout de même à souligner que ce virement officiel et solennel du Cameroun vers la Chine en matière de coopération militaire, n’est pas anodin, dans un contexte des relations internationales particulièrement en défaveur du néo-impérialisme occidental. Le Cameroun qui a toujours souhaité faire respecter les principes de liberté et de souveraineté des États, n’hésiterait pas s’il le faut, à poursuivre dans la voie de ses pairs du Sahel en faveur d’une coopération militaire de raison, d’utilité et non des effectifs pléthoriques de contrôle des intérêts de la métropole et de soumission. Sur le plan diplomatique, l’ancrage du Cameroun vers la Chine a aussi des attentes.
Elle augure un meilleur avenir pour les deux pays à poursuivre leur marche historique d’ensemble pour relever des défis d’une vision de développement communautaire commune. Cet ancrage est sous-tendu non seulement par la constance des convergences de vues rappelées en chaque occasion par le président Camerounais entre la Chine et le Cameroun sur les grandes problématiques liées à la résolution des conflits internationaux et à la prévention de la paix. Aussi, pour consolider ces relations sino-camerounaises, le président a rappelé que la position du Cameroun en faveur « d’une seule Chine » dans la guerre qui l’oppose à son voisin Taïwan, tout comme son souci de réformation de l’Organisation des Nations Unies (ONU) « afin de l’adapter au monde d’aujourd’hui et d’en faire un outil efficace pour la résolution des conflits et la préservation de la paix ».
Fort du soutien constant de la Chine en faveur du Cameroun, sur la base des intérêts et des ambitions communément partagés, la « récente élection du Cameroun à la présidence de la 79ème Assemblée Générale de l’ONU », y compris « les multiples initiatives de la Chine en faveur du dialogue, de l’avènement d’un monde s juste, plus sûr et de la construction d’une paix durable, socle du développement », qui sont également les préoccupations du Cameroun, il y a véritablement de nombreuses raisons à faire de la Chine un ami stratégique dans le cadre de sa nouvelle politique de coopération. C’est certainement de l’étroitesse de ces liens et surtout de l’influence fort remarquable du président Camerounais dont la voix apparaît sur la scène internationale comme une garantie suffisante dans la coopération Sino-africaine qu’au soir de ce 4ème Forum économique, que la Chine a décidé d’accorder 50 milliards de dollars d’aide à ses pays partenaires d’Afrique pour les trois prochaines années. /
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