Cette chronique tente de décrypter idéologiquement la rupture entre le professeur Kamto et Me Ndoki.
Nous commencerons par Me Ndoki.
Ce qu’on peut dire de Michèle Ndoki, c’est qu’elle est la première femme authentique politiquement, à occuper le devant de la scène de façon radicale. Le public a adopté très vite grâce à ses prises de positions à la cour constitutionnelle, après la défaite de son mentor Maurice Kamto. C’est à partir de sa plaidoirie qu’elle s’est révélée à l’ensemble des camerounais. Son éloquence a eu un énorme succès, parce qu’enfin, les jeunes filles trouvaient en elle un modèle de pugnacité. A partir de ce moment-là, Michele Ndoki abordait la politique camerounaise de manière différente, que certaines dames qui sont passées avant elle, comme Kah Walla ou madame Eteki. Elle ira même jusqu’à dire devant la cour constitutionnelle et devant le professeur Bipoum Wum de regretté mémoire « que la cour constitutionnelle n’avait pas de juriste. »
Des attaques à la cour pour mieux s’affirmer. C’est dès cet instant là que les caciques de la politique ont vu l’audace d’une avocate qui avait très vite épousé l’émotion devant la plus haute instance juridictionnelle d’un pays. Ce qui est essentiel pour bien comprendre maitre Ndoki, c’est qu’elle est le produit de la culture démocratique occidentale qui contient un vivier des jeunes hommes et des femmes intelligents bien acculturés. C’est donc une femme inconnue jusqu’à cette date là et quand on est inconnu, on tient à marquer l’opinion devant une telle audience. On peut tomber sous le coup de l’émotion tout simplement parce qu’on manque assez d’expériences. Car une femme politique expérimentée est facilement reconnaissable.
Sa prestation jadis avait donc créé une sensation dans l’esprit des camerounais et son nom à un moment, passait avant celui de son mentor Kamto. C’est à partir de là, qu’elle s’est construite un fantasme intérieur comme toute bonne Sawa. Une culture politique livresque qui fonctionne mal dans un système comme le notre. Avec le temps, elle commence vraisemblablement à comprendre. Elle souhaitait faire la politique, avec l’honnêteté peu commune chez les hommes politiques camerounais, avec une relative expérience. C’est un pur produit du marketing politique du MRC. Elle est Bien formée aux médias, mais usée par les rhétoriques classiques dépassées.
Pour une personne continuellement aveuglée par l’occident et qui vient s’exhiber en politique au Cameroun, il est nécessaire de s’imprégner, sinon elle sera vite fatiguée par les ténors de ce pays allergiques au changement. Ce n’était qu’une fanfaronne. Elle faisait dans l’incantation. L’extraordinaire popularité de Kamto faisait fantasmer certains qui le suivaient comme des éventuels premiers ministres, « or une idée est fausse dès l’instant qu’on s’en contente. » Les mauvais témoignages envers son allié d’hier est une erreur. Une erreur qui remonte à Kingué. En politique, on écoute l’information du traître et on le ridiculise. Cela montre qu’elle n’a pas d’originalité et un sens aigu des valeurs politiques.
Le professeur Maurice Kamto.
Avec Kamto, la séparation était inévitable ; c’était une alliance ponctuelle, les deux depuis longtemps se regardaient comme des chiens de faïence. L’un voulait pousser l’autre à la faute pour mieux justifier son retournement. Ce départ tardif n’indique rien. En fait, Ndoki était sortie depuis longtemps ; Kamto n’attendait que cette décision pour viser haut et reconstruire sa maison délabrée. Ce n’est pas Kamto qui sanctionne, c’est Ndoki qui s’en va avec tout un clan qui ne comprenait pas son alliance. Deux idéologies différentes. Kamto malgré son tapage médiatique est un homme rusé, c’est un homme qui adore la communication son domaine de prédilection. Ndoki était pressée d’arriver aux affaires et voulait utiliser l’aura de Kamto ; ça n’a pas marché. Qui connaissait Ndoki avant les élections de 2017 ? Elle s’était investie de réelle espérance dans un homme qu’elle pensait qu’il l’admirait son « juridisme. »
La politique nécessite une préparation et une patience qui exige du temps. Kamto a cette patience. Or, les différents acteurs qui viennent autour de lui ne se situent pas dans la même temporalité. En politique, quand on a la vie devant soi, il faut aller tout doucement. Sinon tu t’épuises dans une prison ou tu disparais. Kamto est un homme brillant véritable anthologie du juriste camerounais, mais politiquement, il ne parvient pas encore à placer ses mots et des stratégies de la conquête du pouvoir lui manquent. Il utilise des tactiques. La tactique joue sur le bref terme. Son talent de communicateur dissimule un manque de substance et de conviction. Dans ce pays, il ne faut pas trop communiquer. C’est ça qui a tué Ateba Yené, et c’est cela qui a fait durer John Nfrudi. Le pays là est comme ça dans tous les domaines de la fonction publique. Tout commence avec ses journalistes dont la mission de te descendre sur les plateaux télé.
Ce pays est barricadé. S’intéresser au pouvoir dans ce pays, c’est cultiver le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. Des menaces planent sur un tel homme politique, voilà pourquoi ses meilleurs camarades tombent autour de lui. Il s’agit de le frapper psychologiquement, et de l’épuiser jusqu’à l’usure ; à présent Kamto marche presque seul, même son conseiller Nzongang a pris ses distances, mais ce n’est pas facile de sortir de l’ornière ; Nzongang est un homme fort digne qui a le sentiment de l’honneur pour ses militants. Kamto a fondé l’espoir de son parti sur des acquis communautaires, c’est avec cet instrument qu’on va politiquement le détruire. Sa déclaration à la cour suprême bien intentionnée, mais mal pensée, sera toujours repris pour le déstabiliser. C’était de l’exhibitionnisme, je dirai même de la prestidigitation. Kamto a la magie des mots, un génie. Et comme tout génie, il s’égare toujours. Dans un parti, on ne peut pas être le cerveau et le corps, or Kamto veut être les deux, voilà pourquoi les meilleurs s’en vont. Somme toute, il est essentiel de retenir que Kamto a ouvert les yeux aux camerounais en démontrant qu’on peut faire la politique autrement.
La crise politique camerounaise
Le Cameroun est saturé de richesse naturelle et humaine. Il ne doit pas son malheur à la pauvreté, mais à cette richesse, mal repartie, mal régulée. On tombe facilement sous son charme, fasciné par sa diversité, émerveillé par sa beauté et attiré par l’hospitalité de ses habitants. Notre crise politique est d’abord culturelle avant d’être politique et économique. Le Cameroun n’est pas un pays viable politiquement, l’enjeu est profondément sérieux, et lorsqu’on force, on verra la barbarie comme le cas Martinez Zogo. Ce n’est pas pour rien que les gens se tuent au nord-ouest et les ressortissants de cette partie du pays savourent leur vin tranquillement au gouvernement. Le plan mis en jeu par le pouvoir pour la succession risque de marcher. Ce sera bien dommage qu’un jour on se réveille et qu’on nous annonce qu’un homme moribond a pris le pouvoir. Le président camerounais connaît le Cameroun par cœur, c’est pourquoi il a duré au pouvoir.
Guerre du NOSO
L’enjeu est de maintenir la guerre jusqu’à l’usure des combattants. Il est également un enjeu électoral, puisque c’est l’arme de chantage de l’opposition. Elle-même n’a pas intérêt à ce que la guerre finisse. Une fausse guerre d’indépendance. L’idéologie brandit par les leaders est périmée. Il était indispensable de changer de stratégie et de créer un parti fort pour lutter démocratiquement et gagner. Ce que le Cameroun attend, c’est un leader populiste. Il ne va pas tarder à surgir, comme Cabral qui aujourd’hui se fond comme une glace. Ce qui se passe au nord-ouest et sud-ouest m’attriste profondément ; ces affrontements sont une véritable catastrophe non seulement pour la région, mais aussi pour tous les camerounais. C’est en connaissance de cause que dans son communiqué de démission le président Ahidjo mentionna : « je laisse un pays uni. » Il savait ce qui adviendra. Mais ce pays ne sera pas morcelé, c’est notre seul héritage et nous allons nous battre cela.
Il y a dans cette affaire une véritable manipulation d’escrocs. A présent, il faut compter sur la providence pour sauver ce pays avec ce qui se prépare sur le dos des camerounais. Je ne sais pas comment les camerounais feront pour échapper à ses vieux démons qui coulent dans nos veines comme une vermille. Je ne sais pas qui incarnera la plus belle transition, tout est flou ; c’est pourquoi les batailles ne sont pas loin, les camerounais adorent le pouvoir. Il n’y a aucun privilégié. Le totalitarisme a réussi à s’imposer au Cameroun et c’est rude de soulever cette bourrasque ; ce n’est pas avec les idées qu’on pourra soulever ce cercle, le cercle est lourd. Quant à Me Ndoki, c’est une charmante comédienne, qui a des barbelés dans le cœur.