Il y a trois mois environ, ce livre avait déjà fait l’objet d’une critique littéraire de ma part pour le besoin d’un site avec lequel je collaborais. Il venait d’être publié, et l’auteur Lisa Prudy m’avait donné l’exclusivité de la lecture. Je découvrais toutes les ressources mises en œuvre d’un style dramatique. L’auteur avait vécu des difficultés qui étaient presqu’interminables. Et par une grâce suprême du destin, avec de telles charges sur le dos, elle trouva où déposer ses bagages. Les bagages littéraires. Ce livre dresse un portrait : le sien. Il y avait dans ce livre la dimension d’un récit autobiographique et romantique. Dans certains chapitres, on découvrait une nouvelliste, toutes ces phases que je découvrais me permettaient de mettre en relief, la passion et la violence qui s’y dégageaient. Je pris conscience d’une écrivaine à la conquête de la vie et au fur et à mesure qu’elle vivait des expériences, elle était éclairée. C’est à partir de là que j’ai commencé à dessiner la figure éclatante et le mystère qui l’entourait.
Je lisais ainsi la vie d’une femme qui avait traversé des tragiques cauchemars. Depuis son adolescence jusqu’à son âge d’adulte. Si nous nous referons sur ses écrits, avec tout ce qu’elle a traversé, nous dirons que la vie de Lisa est un véritable culte à l’héroïsme. Tout est couleur de vie, à la fois romantique comme je le disais plus haut et les vagues qui vont au port tragique d’une existence. Il y a des gens cruels dans la vie comme les renards sont dans la forêt et qui dévore le plus faible animal lapin. Plusieurs passages du livre sont des raisons de la colère. On est bouleversé par la lecture avec le souci bien précis que de pleurer. On regrette de lire certains passages tellement ça vous pénètre l’esprit. Mais on est obligé de connaître jusqu’au bout comment la scène se termine, par exemple ce passage qui écorche : « Le sang circulait et collait mes cuisses après son acte. » Une jeune fille qui se trouve soumise, à la merci d’un ange démoniaque, mélancolique, qui la dévore de viol semblable à une Marguerite Duras dans toute sa splendeur qui se meurt à petit feu. Dans cette scène atroce vécue dans son adolescence, elle pense selon elle, qu’elle en paie le prix fort d’être née.
L’étau s’est toujours refermé sur elle où elle vit étouffée de langueur mortelle. Ce livre est formidable, parce qu’il ne ressemble qu’à lui-même. Une histoire aussi bouleversante. Unique. Viol, torture, déception amoureuse, courage, réussite. Lisa a honoré l’écriture camerounaise qui s’était un peu assombrie depuis des années. Elle dégomme les classiques littéraires africaines des années 60 connues jusqu’à ce jour. Lisa a de l’audace, elle a fait preuve de beaucoup de délicatesse et montre que la littérature peut tout accueillir. Dans l’espace féminin qui s’annonce florissante Lisa, va beaucoup compter. Les livres monumentaux sont parcourus de mouvements plus ou moins explicites et plus ou moins souterrains. C’est à cela qu’on les reconnaît. « Une histoire taboue » raconte un viol et ses conséquences. Mais on pourrait présenter le livre autrement.
Il décrit un courage, la manière dont Lisa, étudiante, issue d’un milieu défavorisé, fait la connaissance d’un homme, et forme avec lui un extraordinaire couple, mais comme chez la plupart des mecs lorsqu’on « chasse le naturel, il revient au galop. » Tout sera absent. A chacun de deviner. Grâce à son cœur de lionne, elle ne s’est pas laissé piller. Sa plume a quelque chose de perturbant, parce qu’en nous racontant une histoire stupéfiante, elle vient de temps à autre nous faire vivre la scène par de menus détails, qui, on le sait bien, ont la plus grande importance. Mais comme femme ambitieuse : « Elle a trouvé le chemin de la prospérité démontrant que la résilience est un véritable atout pour prendre une revanche positive sur la vie. » Elle n’est pas restée paralysée par le drame ; elle a accompli ce que la famille et la société attendaient d’elle. À savoir : faire de bonnes études, se marier, s’établir, fonder une famille ; elle se sent enfin libre de faire ce qu’elle veut. Libre de déployer d’autres envies et d’autres idées. Et c’est terrifiant.
Son séjour aux États-Unis lui a permis de s’inventer, de conquérir et de réaliser le rêve américain. Lisa est née au Cameroun, elle est originaire de Mbouda. En tant que coach, elle s’amusait à travers ses abonnés à raconter de brèves histoires qui pétillaient comme autant d’éclats de vies ordinaires. A présent, elle a un souffle nouveau qui dévaste tout depuis la sortie de son livre « Une histoire taboue ». Ce livre a été traduit en anglais ; il le sera en d’autres langues, afin de rendre justice à toutes ces filles frêles, survivantes d’un holocauste perpétré dans des décors noirs. C’est un écrit qui rappelle les histoires et les souffrances du monde féminin. Lisa est le rejeton de Simone de Beauvoir qui, en son heure écrivit le « deuxième sexe. » Le livre est publié aux Éditions presses panafricaines (collection soleil d’hiver) Lisa Prudy, auteure d’origine camerounaise résidente, aux États-Unis d’Amérique.