Par Calvin Djouari
La fièvre poétique souffle dans la maison de Serges Ngounga, emportant sur son sillage plusieurs écrivains. Le co-auteur de « vision et grandeurs du peuple bamoun du temporel à l’intemporel », n’a pas attendu longtemps pour publier un recueil de poésies cette fois en toute solitude. Serges NGOUNGA agit comme un maître de cérémonie et avec le verbe poétique qu’on lui connaît, il utilise toute sa touche rythmique dans ce recueil de poèmes intitulé « Des Larmes aux Etoiles. » Je ne ferai pas un long commentaire, puisque mon ami Serges m’avait donné le privilège de rédiger une note de lecture de ce recueil de poèmes avant sa publication. C’est dire que j’avais eu la primeur de la lecture de cet ouvrage. Sa sortie sur le marché et l’immense engouement qui l’ondulent, m’invitent à la création d’une autre trajectoire sur quelques vers afin de lever le voile sur certains poèmes dont je n’avais pas eu le soin d’analyser. Il y avait dans ce recueil d’autres poèmes d’une grande facture textuelle. j’avais prévu les étudier à la sortie du livre.
Pour comprendre l’ensemble des poèmes qui compose « des larmes aux étoiles » de serge Ngounga, il convient de se rapporter à sa première œuvre écrite sur la culture et la tradition bamoun. Dans cette œuvre où il décrit poétiquement les tableaux de Samuel Réné Perfoura, il nous renvoie à l’esthétique baudelairienne dans « les fleurs du mal. » J’ai évoqué l’esthétique très tôt, parce que des larmes aux étoiles sont un chant de cygne, qui annonce une grande douleur d’un être qui quitte ce monde. La douleur se reconnaît avec le tremblement de terre qu’il décrit dans son premier poème. « La terre a tremblé », mais le tremblement, il le vit tout seul ce 22 mai 2022 à Mennecy.
Si d’autres l’ont entendu, il a sûrement été évanescent. Serges Ngounga pour s’évader de la terrible réalité se prend alors à se souvenir ou à rêver d’une existence antérieure, « quelques jours auparavant, l’espoir, » « quelques mois avant, encore des projets » ainsi se trouve illustrée jusque dans la composition d’ensemble, l’oscillation du spleen, à l’idéal qui est au cœur de la création poétique. C’est un être angoissé, rongé par l’ennui ; il vit dans l’anxiété, l’étau s’est resserré et il dit, « la terre a tremblé…Un baobab est tombé… Une lumière s’est éteinte ! une mère est partie. » La majesté du premier vers de cette strophe va avec la solennité du vers qui suit, des mots comme baobab, lumière sont personnifiés et épousent le même sens que le mot « mère. »
En étudiant le poème « toutes les larmes de mon corps, » c’est facile de comprendre que le poète anticipe sur le poème « la douleur silencieuse » puisque les cris des pleurs se font entendre dans le lointain. Mais dans ce poème Serges fait une extrapolation « en rouvrant mes yeux, mes lèvres prononcent les désirs des dieux .» De quel dieu parle-t-il ? Celui des ancêtres ou des divins ; j’ai imaginé que cela devrait être le dieu divin « les silences s’évanouissent divinement. » Le poème « Adieu » est assurément l’un des poèmes les plus étranges et les plus fascinants par l’univers somptueux et énigmatique qu’il évoque. Pour comprendre ce poème central, il faut se demander pourquoi Serges est allé au Cameroun et surtout pourquoi, il se retrouve à Foumban, c’était pour faire ses adieux, « adieu maman aimée. » Le poème Adieu a une tonalité Nervalienne, qui ne cesse d’affirmer une croyance bien ancrée à la réminiscence « partout où tu passais, on admirait ta frimousse », « rayonnante, pétillante, souriante, drôle et douce », ce poème a une forte tonalité qui ressuscite les morts. La fervente intimité du ton invite le lecteur à se coincer avec le secret du poète. Un autre vers jaillit pour parler du temps, « chaque matin au réveil, tu étais un soleil, nous t’aimons à jamais » Cette dilatation du temps se double d’une exaltation de l’espace suggérée par la charge émotive qui passe par l’adjectif « inconditionnel ».
La nostalgie du poète donne à ses réminiscences une profondeur. Mais ici, nous ne savons plus si le poète évoque son séjour à Foumban qu’il va incessamment quitter, ou s’il se transpose sur une autre vie, mystique ou rêvée. Mais l’homme Serges est un ancien, comme tout ancien, il a de l’expérience. L’expérience peut assurer le succès durable de la poésie contemporaine. C’est dans cet esprit qu’il est essentiel de comprendre la poésie de serges Ngounga. Serges apporte un autre ton, une poésie réduite à l’essentiel ; la solitude inscrite sur la page blanche, le silence considéré comme seule communication possible et derrière cette paroi des mots, il y a la possession des choses. Serges, aujourd’hui, s’affirme comme le tenant de la poésie à Paris, il est proche du lyrisme romantique, cependant incantatoire et à force d’évidence, de vérité, tranchant comme un silex, brillant comme une pierre, et donnant une idée de transparence, réalisme de l’objet, de l’homme face à lui, ce poète ne se présente pas comme le voyant, mais le voyeur.