Le monde s’est donc retourné : les individus et les groupes s’émancipent à la seule nuance que -et c’est un désaccord assumé avec Bernard Badié- les souverainetés ne se restreignent pas. Cette libération individuelle et collective s’opère surtout dans un monde devenu réticulaire. Nos cultures se déploient en réseau dans lequel il n’existe ni préséance, ni subordination des unes aux autres. Un autre trait distinctif du réseau est son ouverture à l’infini « intégrant des nœuds nouveaux en tant qu’ils sont capables de communiquer au sein du réseau, autrement dit qui partagent les mêmes codes de communication » (H.Bakis). Cette fluidification du partage a aisément pris corps par le truchement d’une forme symbolique manifeste et latente dans toutes les cultures du monde : le cercle. En voici quelques illustrations « La rotondité est l’image que renvoient les divers mythes d’origine des peuples africains » (J. Fame Ndongo). Chez les Iroquois d’Amérique du Nord et chez les Tibétains « dans le cercle tous sont égaux. Nul ne peut imposer sa volonté aux autres » (Christoph Eberhard). L’Abbé Sieyès disait déjà en 1789 que la circonférence est la forme symbolique de la nouvelle démocratie française et l’égalité sa valeur centrale (E. Le Roy). Le maillage réticulaire qui s’origine dans la circularité subsume ostensiblement l’autorisation maximale des libertés avec pour marqueur anthropologique la totale licéité. Ainsi en réseau, tout est partage, tout est transparence, tout est communication, tout est science , tout est savoir, tout se dit , tout se voit, tout s’accepte et tout se défend.
Hélas, le tout permissif et le tout desserré à travers ses corollaires d’entremêlement, d’enchevêtrement dégagent des miasmes d’instabilité, d’instantanéité et d’insipidité dans le tissu social. L’humain ne se complait plus dans le méli-mélo illustré à la perfection par la lithographie d’Escher reproduite sous le titre Relativité en 1953.
Il est en ce moment un besoin d’élévation, une quête vers le haut pour garder une distanciation critique avec les flux et les flots sans cesse d’images et d’informations. L’horizontalité du comportement perd de plus en plus face et suscite à l’inverse une sorte d’appétence vers le refuge au sommet de la pyramide. Reconstruire de tels chefs d’œuvre architecturaux et y faire place nette, hypothèse saugrenue mais peut être salutaire devant la trivialité ambiante. Et Sénèque disait à propos : « Le commun et le vulgaire , le sort se plaît à les créer souvent, mais il confère au chef d’œuvre le mérite de la rareté »