Mag-Afriksurseine-Mars-2024

  Face l’ivresse du réseau, une nostalgie de la pyramide ?

Le monde s’est donc retourné : les individus et les groupes s’émancipent à la seule nuance que -et c’est un désaccord assumé avec Bernard Badié-  les souverainetés ne se restreignent pas. Cette libération individuelle et collective s’opère surtout dans un monde devenu réticulaire. Nos cultures se déploient en réseau dans lequel il n’existe ni préséance, ni subordination des unes aux autres. Un autre trait distinctif  du réseau est  son ouverture à l’infini  « intégrant des nœuds nouveaux en tant qu’ils sont capables de communiquer au sein du réseau, autrement dit qui partagent les mêmes codes de communication » (H.Bakis). Cette fluidification  du partage a aisément pris corps par le truchement d’une  forme symbolique manifeste et latente dans toutes les cultures du monde : le cercle. En voici quelques illustrations  « La rotondité est l’image que renvoient  les divers mythes d’origine des peuples africains » (J. Fame Ndongo). Chez les Iroquois d’Amérique du Nord et chez les Tibétains «  dans le cercle tous sont égaux. Nul ne peut imposer sa volonté  aux autres » (Christoph Eberhard). L’Abbé Sieyès disait déjà en 1789 que la circonférence est la forme symbolique de la nouvelle démocratie française et l’égalité sa valeur centrale (E. Le Roy). Le maillage réticulaire qui s’origine dans la circularité subsume ostensiblement l’autorisation maximale des libertés  avec pour marqueur anthropologique  la totale licéité. Ainsi en réseau, tout est partage, tout est transparence, tout est communication, tout est science , tout est savoir,  tout se dit , tout se voit, tout s’accepte et  tout se  défend.

Hélas, le  tout permissif et  le  tout desserré à travers ses corollaires d’entremêlement, d’enchevêtrement dégagent des miasmes d’instabilité, d’instantanéité et d’insipidité dans le tissu social. L’humain ne se complait plus dans le méli-mélo illustré à la perfection par la lithographie d’Escher reproduite sous le titre Relativité en 1953.

Il est en ce moment  un besoin d’élévation, une quête vers le haut pour garder une distanciation critique avec les flux et les  flots sans cesse d’images et d’informations. L’horizontalité du comportement  perd de plus en plus face  et suscite à l’inverse  une sorte d’appétence  vers le refuge au sommet de la pyramide. Reconstruire de tels chefs d’œuvre architecturaux et y faire place nette, hypothèse saugrenue mais peut être salutaire devant la trivialité ambiante. Et Sénèque disait à propos  : « Le commun et le vulgaire , le sort se plaît à les créer souvent, mais il confère au chef d’œuvre le mérite de la rareté »

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