Dans son édition spéciale de novembre, le magazine L’Afrique Émergence nous offre une plongée captivante dans les arcanes de la politique et de l’économie du Cameroun à travers une longue interview de l’économiste Litsé Janvier, ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement. Ce numéro paraît à un moment hautement symbolique, puisque le Cameroun se prépare à commémorer le quarante-deuxième anniversaire de l’accession au pouvoir du président Paul Biya.
Ce magazine et cette interview, largement diffusés, suscitent notre réflexion et aiguisent notre désir de commenter et d’en faire une analyse allant bien au-delà des convenances diplomatiques. Dans ses pages, L’Afrique Émergence dresse un portrait sans concession de figures clés de la scène camerounaise : en premier lieu, le chef de l’État, le président Paul Biya, entouré de personnalités influentes qui détiennent le pouvoir au Cameroun, telles que le président de l’Assemblée nationale et le chef de la sécurité nationale, Mbarga Nguelé. À leurs côtés, on trouve des figures influentes comme le journaliste Charles Ndongo et, bien sûr, l’économiste Litsé Janvier, dont l’expertise attire particulièrement notre attention.
Ces acteurs, chacun à sa manière, jouent des rôles déterminants dans la dynamique de l’actualité nationale. Cependant, c’est l’interview de Litsé Janvier, à la fois politique et économique, qui nous interpelle. Par sa lucidité et sa profondeur, il lève un coin de voile sur l’actualité du pays, révélant un bilan contrasté. À la veille des célébrations marquant le règne de Paul Biya, cet entretien se déroule dans un constat nuancé, à mi-chemin entre succès et défis persistants. Dans ce numéro, l’actualité camerounaise se déploie sur un ton vif et incisif, dévoilant des fragments de vérité qui se croisent et se contredisent lorsqu’on observe le terrain social, dans une parole libre qui échappe aux discours convenus.
Le lecteur se trouve ainsi entraîné dans une conversation à bâtons rompus. À la première question posée à Monsieur Litsé, portant sur l’image que projette le Cameroun à l’international, l’économiste a immédiatement rappelé le contexte socio-politique complexe qui pèse sur le pays, marqué par les défis du terrorisme et diverses formes d’extrémisme. Il a évoqué la richesse naturelle du Cameroun, abondant en ressources variées, mais a souligné avec gravité le paradoxe douloureux d’une pauvreté tenace, maintenue par une croissance économique atone.
Reprenant les mots de Monsieur Adesina, président de la Banque Africaine de Développement, il a affirmé avec conviction que « le potentiel ne se mange pas, il faut le transformer en réalité. » Connaissant le rôle de Monsieur Litsé dans plusieurs projets stratégiques pour le Cameroun, le journaliste n’a pas tardé à l’interroger sur leur devenir. À cela, l’économiste a répondu avec précision : « 2,5 milliards de dollars ont été alloués à la construction d’infrastructures routières, dont la pièce maîtresse est l’axe Batchenga-Ntui-Toko-Tibati, avec un prolongement prévu vers Ngaoundéré. » D’autres projets, comme la route Ketta-Djoum reliant le Cameroun et le Congo, celle de Bamenda-Enougou unissant le Cameroun au Nigeria, ainsi que plusieurs ouvrages renforçant l’intégration avec la Guinée équatoriale et le Tchad, illustrent cet effort d’interconnexion nationale et régionale.
Lorsqu’il a été interpellé sur la trajectoire d’émergence tant espérée et célébrée du Cameroun, Monsieur Litsé a exposé une vision pragmatique, rappelant que cette ambition, formulée dès 2009, visait à faire du Cameroun un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, doté d’une économie solide, de faibles niveaux de pauvreté et d’une démocratie consolidée. Toutefois, dans ses mots pointait un réalisme teinté d’inquiétude. Il a parlé de « résistance », comme pour indiquer que les obstacles sont tenaces (peut-être liés à la corruption), alors que 2035 approche à grands pas et que cet objectif ambitieux risque fort d’être manqué.
En filigrane de son propos, Monsieur Litsé esquisse ainsi un tableau sans concession : il voit en ce programme de transformation une noble ambition, mais perçoit également, sans cynisme, la réalité d’un rendez-vous avec le destin qui semble glisser entre les doigts du pays. Dans un élan de diplomatie subtile, Monsieur Litsé semble opter pour l’euphémisme, adoucissant ainsi les angles rugueux pour tempérer les tensions. Le journaliste, en écho, lui glisse : « La perfection n’est pas de ce monde. » Ce à quoi l’économiste rétorque, presque en sage : « Le président Paul Biya est animé par la patience, et la patience ignore toutes formes de désespoir. » Ce dialogue, empreint d’une bienveillance mesurée, semble s’inscrire dans une motion de soutien.
Le 6 novembre à venir s’annonce comme un moment fort pour le Cameroun, puisqu’il constitue un prélude au meeting pour la prochaine élection présidentielle de 2025. Ce magazine audacieux et avant-gardiste a donc choisi de mettre en lumière les figures de proue du Cameroun, quarante-deux ans après l’arrivée au pouvoir de Paul Biya. Cette grande parution offre un coup de projecteur aux ténors d’hier et de demain, les préparant pour l’avenir. Ces personnalités, en couverture, captent naturellement les regards, autant pour leur influence nationale que pour leur aura sur la scène internationale.
Monsieur Litsé, économiste accompli et conseiller supérieur en finances et développement, prend la parole en technocrate à la veille d’un événement d’envergure. Avec la précision d’un expert, il intervient sur les questions d’économie et de finance, ces fondations essentielles sur lesquelles repose l’essor d’un pays. L’entretien, finement mené, éclaire l’expertise de Monsieur Litsé et sa maîtrise des enjeux économiques et financiers. Pourtant, les questions sociales restent en suspens. Dans un pays en quête d’émergence, il est attendu que la croissance se ressente jusque dans les poches des citoyens, un point sur lequel les réponses de l’économiste demeurent évasives. Chaque phrase est pesée avec soin, chaque mot habilement choisi, comme pour renforcer le message du « renouveau » tout en contournant adroitement les écueils dressés par un journaliste qui, lui aussi, semble préférer les chemins balisés aux questions fondamentales.
Loin de toute dénonciation, sa Majesté Litsé s’en tient à un soutien mesuré du bilan de ce renouveau, enrichissant ses propos de quelques données concrètes et d’arguments chiffrés, témoignant de son expertise indéniable. Le cœur de l’interview se concentre finalement sur les réussites attribuées à la présidence de Paul Biya. La réponse de l’économiste ne tarde pas : il rappelle subtilement le rôle de Paul Biya comme l’architecte de la démocratie et du développement au Cameroun, un aspect que le président aime mettre en avant sur toutes les scènes internationales, symbole d’une vision qui lui est chère et qu’il espère voir perdurer.
Au-delà de sa portée informative, l’interview se transforme en un discours maîtrisé, qui pourrait bien éveiller l’intérêt des intellectuels et analystes cherchant à saisir les rouages des systèmes économiques du Cameroun. En fin de compte, le message est clair : le renouveau est en marche, le Cameroun est debout, et demain, son président fêtera ses 42 ans de pouvoir. À travers cet échange, l’invité dessine les contours d’une nation en quête d’unité, désireuse de retrouver paix et respect sur la scène internationale, une unité qui, il est vrai, a été fragilisée par de nombreuses crises internes.