Papa Eso, de son vrai nom de naissance Zozabé Esaïe, est né le 25 septembre 1959 à Leré, au Tchad. Issu d’une famille profondément chrétienne et protestante, Eso a suivi son éducation primaire sans jamais envisager qu’il deviendrait un musicien. Cependant, sa vie a pris un tournant inattendu grâce à sa rencontre avec un berger Peuhl qui veillait sur les troupeaux dans les pâturages du village. C’est grâce à cette rencontre que Eso a commencé à s’intéresser à la musique. Il a fabriqué sa propre Garaya, une guitare traditionnelle à deux cordes, dans le but d’imiter le style Peuhl. Pendant les vacances passées au village, Eso était captivé par les célébrations marquant le retour triomphal des chasseurs.
C’est là qu’il a découvert le Zondaï, un instrument de musique à six cordes tendues sur un manche en forme d’arc, auquel on avait ajouté une calebasse longiligne recouverte de peau de chèvre pour servir de caisse de résonance. Eso a rapidement appris à jouer du Zondaï par lui-même. Par la suite, Eso a déménagé à Moundou pour poursuivre ses études primaires, en cours moyen 2, chez son oncle. C’est là-bas qu’il est entré en contact avec les musiciens locaux. Il a créé sa propre guitare à partir d’objets récupérés pour imiter les guitaristes de l’époque. Parmi les enfants de son âge, Esaïe était déjà une star, car il attirait les foules à l’école et partout où il jouait de sa guitare. Après ses vacances à Leré, Eso a décidé de changer d’horizon. Il a mis le cap sur Guider au Cameroun, puis sur Garoua, où il a passé un an. Il a ensuite continué son voyage jusqu’à Ngaoundéré, où il a trouvé un emploi en tant que chargeur à la gare. Dans la foulée, il s’est inscrit au collège Mazenod.
C’est au collège Mazenod qu’Eso a fait la rencontre décisive de Baba Moussa, un guitariste exceptionnel qui l’a pris sous son aile. Baba Moussa l’a formé et l’a entraîné au Ngongon jazz-bar, situé dans le quartier de BaladJi. Cinq mois plus tard, Baba Moussa est parti jouer à Fédéral-Bar à Garoua, et Eso a été appelé pour le remplacer au Ngongon jazz-bar, où il a passé six mois avant d’être rappelé à Garoua pour rejoindre Baba Moussa au Fédéral-Bar. En 1981, Papa Eso a participé au commis de Bertoua, marquant ainsi le début de sa carrière musicale bien remplie. Après son retour au Tchad, Baba Moussa et son groupe ont pris la décision de s’installer au Nigéria. Cinq mois plus tard, Eso les a rejoints, plus précisément à Kadouna. Ils ont été sollicités, avec leurs amis, pour se produire dans un club local.
C’est ainsi que débute l’aventure passionnante de Papa Eso au Nigéria, où il a eu l’opportunité de jouer dans toutes les grandes villes, notamment Lagos, Ibadan, Onitsa, Kano, Sokoto, et bien d’autres. Vers la fin de l’année 1981, la situation des étrangers au Nigéria s’est compliquée, et ils ont été menacés d’expulsion. C’est à ce moment-là qu’Eso a décidé de se rendre au Niger pour continuer à jouer. Par la suite, il a voyagé au Bénin, au Togo, au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mali, avant de retourner au Niger et finalement au Nigéria, où ils ont de nouveau été expulsés. Ils sont alors retournés à Garoua, d’où Eso a réintégré le groupe de Fédéral-Bar. Au début de l’année 1982, Eso a entrepris un voyage à Djoum, Yaoundé et Douala, mais il a finalement décidé de retourner dans sa ville natale de Garoua. Début 1983, Kameni Le Bon a ramené un orchestre de France où il était étudiant, et il a confié cet orchestre à Eso. En compagnie du groupe, Eso a parcouru différentes régions du Nord du Cameroun, dont Ngong, Guider, Poli, Ray Bouba, et bien d’autres.
Pendant cette période, il a été contacté par Ali Baba pour participer à un concert à Ndjamena, au Ministère des Affaires Étrangères, ainsi qu’en Normandie, dans une grande salle de cinéma de la capitale. Une fois de retour au pays, Eso s’est séparé d’Ali Baba à Kousseri, où il a animé avec le groupe Rocafiesta. Ensemble, ils ont voyagé à Waza, Mora, Banki, Maroua, où il a obtenu un contrat de deux ans au Bossu-Bar. Une fois ce contrat terminé, il a entrepris des tournées régionales avec Sanda Oumarou et Koula Kayefy. C’est au cours de l’une de ces tournées, à Leré et Pala, qu’Eso a été témoin du coup d’État d’Idriss Déby. Cela l’a conduit à faire demi-tour et à reconsidérer son itinéraire. En fin d’année 1991, Papa Eso a pris la direction de Maroua, puis a poursuivi son périple jusqu’à Garoua. C’est là qu’il a rejoint le groupe Parade, mais malheureusement, ce dernier s’est rapidement désintégré. En 1994, l’Alliance Franco-Camerounaise de Garoua a vu le jour.
À l’occasion d’une audition organisée par cette institution, Eso a été recruté et nommé chef d’orchestre du groupe Les Wainabé, qui comptait parmi ses membres Saint Désir, Abé Loko, Bako Jacques, Roger, et d’autres talents. Au fil du temps, Les Wainabé ont connu des changements de membres, et Eso a recruté de nouveaux musiciens tels qu’Ibro Yero, Malik Salam, Robert, Simon, Remy Almadjel, Emile Kalvouksou, Nta Grégoire et Bako. Avec cette formation, le groupe a réalisé une tournée en 2000, se produisant dans les Alliances et Centres culturels français du Cameroun ainsi qu’à Ndjamena. Grâce au soutien de la Sodecoton, dirigée par Iya Mohamed, le groupe a eu l’opportunité d’enregistrer son premier album en studio à Douala. Malheureusement, cet album n’a pas connu le succès escompté en raison de la malhonnêteté du producteur, qui a vendu les CD fabriqués à l’étranger, provoquant ainsi des tensions au sein du groupe qui finira par se dissoudre.
En 2003, Eso a été appelé à reformer un groupe à l’hôtel Bénoué. L’année suivante, il est retourné à Douala en réponse à l’invitation d’un ingénieur en informatique du nom de Tchuenté pour enregistrer de la musique tout en jouant chaque soir dans son hôtel. Cependant, des différends ont rapidement éclaté, mettant fin à cette aventure. Eso a alors décidé de rentrer à Garoua, où il a réintégré l’orchestre de l’hôtel Bénoué tout en enseignant la guitare à l’Alliance Française de Garoua, ainsi qu’en privé. En 1997, il s’est marié et est devenu père de cinq enfants. Tristement, Tonton Esaïe nous a quittés à l’aube du 14 mai 2016, à l’hôpital central de Garoua, presque à l’âge de 57 ans. Cette perte a laissé un vide au sein de sa famille biologique et artistique. Son album en solo, intitulé « BWAZAR, » signifiant « union » en Moundang, restera un héritage artistique, avec l’une de ses chansons mémorables, « EXCISION. » En fin de compte, un concert géant a été organisé en son honneur par ses amis artistes le samedi 10 décembre 2016 à l’Alliance Française de Garoua. Repose en paix, l’artiste, tu nous manques déjà !