L’histoire est un éternel recommencement. Ce qui se passe aujourd’hui en République Démocratique du Congo (RDC) n’est pas un simple conflit isolé, c’est un avertissement, un prélude aux soubresauts qui pourraient embraser toute l’Afrique centrale. Certains diront que cette guerre est lointaine, qu’elle concerne uniquement les Congolais. Mais qu’ils prennent garde : les cendres d’hier peuvent devenir les flammes de demain. L’échec des tentatives de déstabilisation de l’Afrique centrale en 1994 n’a pas marqué la fin des ambitions étrangères sur cette région stratégique. Les puissances mondiales n’abandonnent jamais leurs desseins, elles patientent, tissent des alliances, et frappent lorsque le moment est opportun.
Les États-Unis, discrets mais omniprésents, soutiennent le Rwanda, non seulement pour des raisons économiques et stratégiques, mais aussi pour asseoir leur influence sur une région aux ressources inestimables. Dans l’ombre, les ambitions se dévoilent peu à peu. Corneille Nanga l’a dit : il arrivera à Kinshasa. Ce n’est pas une simple parole en l’air, c’est un projet bien défini. Lorsque les mercenaires infiltrés dans le M23 se renforceront, les voisins de la RDC risquent d’être pris de court, surpris par une guerre qu’ils croyaient confinée à un seul territoire. Le M23 n’est pas une simple rébellion, c’est un épiphénomène. Il grandit, il se structure, et à mesure que le temps passe, il devient une menace qui dépasse les frontières congolaises.
Une Armée Congolaise Désarmée
Le problème fondamental de la RDC ne réside pas uniquement dans les assauts du M23, mais dans la faiblesse de son propre rempart : son armée. Dans un pays qui regorge des minerais les plus rares et les plus convoités du monde, un soldat congolais devrait être valorisé, équipé et motivé. Pourtant, il est sous-payé, démoralisé, et laissé à l’abandon par un pouvoir qui ne voit pas sa détresse. Comment peut-on espérer qu’un homme se batte pour une nation qui ne lui offre ni reconnaissance ni moyens de subsistance ? La prise de Goma illustre tragiquement cette réalité. Les officiers responsables du combat ne donnent plus d’ordres, certains déposent carrément les armes. Non pas par lâcheté, mais par désillusion. Une armée sans cause, sans foi, et sans avenir ne peut tenir tête à un ennemi soutenu par des forces étrangères. Là où un État se fragilise, l’ambition des hommes armés prospère. Car dans ce monde, la loi du plus fort ne repose pas sur la morale, mais sur la force brute. Un pays peut prêcher la paix autant qu’il le souhaite, s’il ne possède pas les moyens de se défendre, il finira écrasé.
Les Stratèges Silencieux
Nous aimons le Président Tshisekedi pour sa vision de paix, et nous admirons le Président Kagame pour son pragmatisme et son habileté politique. Pourtant, la différence entre eux est frappante : L’un parle. L’autre agit. Paul Kagame n’a jamais été un homme de discours enflammés. C’est un tacticien silencieux, un stratège de l’ombre. Il sait où il va, il sait ce qu’il veut et ce qu’il doit faire pour y arriver. Il ne proclame pas ses ambitions sur les tribunes, mais il avance avec une précision chirurgicale. Les grands maîtres de la guerre ne s’épanchent pas en discours. Mao, Hô Chi Minh, tous ces stratèges qui ont façonné l’histoire ont toujours avancé dans un silence stratégique, laissant leurs actes parler à leur place. Pourquoi la paix ne peut-elle pas être construite dans cette région ? Parce que la paix n’a jamais été un projet commun, mais un rêve porté uniquement par ceux qui n’ont pas le pouvoir de la rendre réelle.
Le Fardeau du Passé, le Poids de l’Avenir
Je me souviens des paroles de Mobutu Sese Seko, autrefois maître incontesté du Zaïre : – « Cet homme n’est pas capable de diriger le Zaïre. » Il parlait de Kabila, et aujourd’hui, avec trente ans de guerre derrière nous, on ne peut s’empêcher de se demander : avait-il raison ? Avec l’assassinat de Juvénal Habyarimana, une machine infernale s’est enclenchée. Un signe indien, un point de rupture qui a marqué le début d’une déstabilisation dont l’Afrique centrale peine à se relever.
Trente ans de guerre.
Trente ans de foyers rebelles s’allumant et s’éteignant, enfantant sans cesse de nouveaux conflits. Trente ans de ramifications issues du FLNC, des réseaux de Kabila, de la fragilité structurelle d’un État qui ne s’est jamais remis de ses cicatrices. Le M23 n’est ni une nébuleuse insaisissable, ni une rébellion née du néant. C’est un spectre du passé qui change de visage, mais jamais d’intention. Derrière ce nom qui résonne aujourd’hui sur les terres meurtries de l’Est du Congo, ce sont les mêmes hommes, les mêmes réseaux qui, hier encore, opéraient sous les régimes successifs des Kabila.
Les mêmes acteurs, simplement vêtus d’une nouvelle bannière, dissimulés sous un nouveau masque. Le M23, ce sont les ombres du passé qui refusent de s’éteindre, des combattants qui n’ont jamais vraiment quitté la scène, qui se sont contentés d’attendre, tapis dans l’ombre, le moment propice pour ressurgir. Et derrière cette organisation, une vérité amère : ce ne sont pas simplement des Congolais révoltés, mais des hommes venus d’ailleurs, un prolongement de l’influence rwandaise dans la région. Paul Kagame, homme de stratégie et de conquête, rend un très mauvais service à l’Afrique centrale.
Car cette même Afrique centrale, aujourd’hui sous tension, fut autrefois un refuge, une terre d’asile, lorsque le sang des innocents coulait sur les collines du Rwanda, en cette funeste année 1994. Lorsque le génocide emporta des milliers de vies, l’Afrique centrale ouvrit ses portes aux rescapés. Les rwandais étaient partout, éparpillés à travers le continent, recueillis, protégés, nourris par des peuples qui voyaient en eux des frères en détresse. Mais la politique n’a pas de mémoire.
Elle n’a pas de cœur. Et aujourd’hui, que reste-t-il de cette hospitalité ? Rien que la terreur. Ce que le Rwanda offre aujourd’hui en retour n’est ni la paix, ni la gratitude, mais la guerre, le chaos, le fracas des armes sur des terres qui l’avaient jadis accueilli. L’histoire, implacable, semble avoir oublié le passé, préférant réécrire un présent où les amis d’hier deviennent les bourreaux d’aujourd’hui. Mais un jour viendra où chaque nation devra répondre de ses actes. Un jour viendra où les souvenirs du passé reviendront hanter ceux qui les ont trahis. Car la terre garde la mémoire des injustices. Et l’Afrique, malgré ses blessures, n’oublie jamais.
Un Piège Bien Tendu
Ceux qui croient que ce combat se déroulera seulement en RDC se trompent lourdement. Le Rwanda est devenu un pion essentiel sur l’échiquier mondial. Il est aujourd’hui le bras séculier de la mondialisation en Afrique centrale, un État stratégiquement soutenu, surarmé, et prêt à défendre les intérêts qui le protègent. Ne nous leurrons pas. Ce pays n’est pas une simple nation en guerre, il est une base avancée pour des ambitions qui le dépassent. L’Union Européenne lui a récemment versé 20 millions d’euros pour extraire des minerais rares… qu’il ne possède pourtant pas sur son territoire.
D’où viennent alors ces richesses ?
Du Congo. Tout est lié, tout s’imbrique dans une toile invisible que peu osent regarder en face.
L’Heure du Brasier Approche
Le pire est encore à venir. La situation ne cessera de s’embraser, car les engrenages du conflit sont déjà enclenchés. La semaine dernière, la cheffe de la diplomatie congolaise a haussé le ton face à la prise d’assaut de Goma. – « Si ce Conseil de sécurité échoue, la rue va s’en charger. » Des paroles lourdes de sens. Une menace à peine voilée. Et pourtant, le M23 avançait déjà dans la ville.
Un État Ne Se Défend Pas avec des Discours
Qu’attend-on d’un Président lorsqu’il tient les rênes du pouvoir ? D’assurer la sécurité de son peuple. Rien d’autre ne compte, car un peuple en paix construit son avenir. Un peuple en guerre survit jour après jour. Mobutu, avec ses excès et ses erreurs, savait ce qu’il fallait faire pour tenir son pays d’une main de fer. Aujourd’hui, les fondations sont ébranlées, et l’Afrique centrale regarde impuissante une guerre qu’elle pense encore lointaine, mais qui se rapproche inexorablement. Si rien ne change, alors demain, ce ne sera plus seulement la RDC qui brûlera… mais toute la région. Et que dit l’Afrique ? Moi je sais, elle ne dira rien…