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MARTINEZ ZOGO : 17 INCULPES, COMME LE 17 JANVIER, JOUR DE SON ENLEVEMENT

MARTINEZ ZOGO

Le 17 janvier 2023, dans la paisible capitale du Cameroun, aucune ombre ne présageait le malheur. Les réjouissances des fêtes venaient tout juste de se terminer, et comme très  souvent, après de telles célébrations, un voile de mélancolie plane dans les maisons tout au long  de janvier.  Il y a la disette partout. Les habitants s’attèlent néanmoins à leurs tâches quotidiennes, pressés de boucler le mois sans encombre. La résilience des Camerounais face à la souffrance  est bien connue, mais ce jour-là, une tragédie sans précédent allait ébranler la quiétude de la population  : l’enlèvement d’un journaliste populaire, Arsène Salomon Mbani Zogo, surnommé « Martinez ». Il était  âgé de 50 ans. La nouvelle de son kidnapping s’est  répandue comme une traînée de poudre, et cinq jours plus tard, dans les sombres contrées d’Ebogo à Soa, le corps horriblement mutilé d’un homme révéla l’indicible torture qu’il avait subie.

Soa, une petite ville autrefois  paisible, réputée pour son université, où seuls les étudiants se laissent apercevoir de jour comme de nuit, devenait  le théâtre d’un crime atroce qui abaissa l’homme au rang de la bête. Ce sinistre acte, désormais tristement célèbre, révéla  la noirceur  tapie au cœur même de notre société. Après une année d’enquête, les autorités ont  enfin les noms des 17 accusés, tel une équipe de football qui aurait pris pour cible un seul individu à qui ils ont  infligé des supplices comme aux temps  révolus du colonialisme. Ces hommes armés qui avaient  orchestré une telle torture, démontraient  leur expertise dans  l’art de l’horreur dans l’application d’une   cruauté insoutenable.

Depuis des décennies en Afrique, les journalistes sont devenus des cibles faciles pour les hommes politiques. Des dizaines d’entre eux ont payé de leur vie pour avoir simplement exercé leur métier, même si tous ne faisaient pas toujours preuve de professionnalisme. Ils travaillaient malgré tout, dans des conditions où les ressources modernes de recherche font souvent défaut, accordant ainsi une marge d’erreur compréhensible à un pays sous- développé. Martinez Zogo, était  un animateur renommé,  directeur de sa propre radio. Il  avait révolutionné l’animation  camerounaise, tout comme son ami JP.Remy. Il était devenu l’une des voix les plus emblématiques de la capitale. Avant cette tragédie, j’ignorais son existence. Face aux nombreux défis que les journalistes affrontent au Cameroun, sa persévérance à travers des émissions dénonciatrices témoigne de son courage exceptionnel.

Martinez était ce qu’on appelle un dur, capable d’exposer les secrets les plus enfouis, ce qui faisait de lui une  référence pour des dossiers brûlants. Malheureusement, comme c’est souvent le cas pour ceux qui bravent l’adversité, une épreuve d’une dureté insoupçonnable  l’attendait. Un homme qui avait  une voix  de médias qui portait. Il  a été  brisé à mi- vie. Son visage et son aura détruits de manière abominable. Son corps repose encore à la morgue, attendant que le procès commence et s’achève  avant d’être inhumé. L’atroce destin qu’il a subi a transformé cet acte criminel en l’événement le plus marquant de ce siècle camerounais, bien qu’il ne soit malheureusement pas le seul à avoir connu une fin aussi tragique. Il est à craindre que ce procès ne soit pas public. Mais qu’à cela ne tienne,  aujourd’hui, chacun est conscient, et sait ce qui s’est passé. C’est pourquoi ce  procès s’annonce comme l’épreuve la plus douloureuse que l’institution militaire camerounaise devra affronter.

 Martinez Zogo était un homme, un vrai. Sa voix grave, distinctive parmi les animateurs, et son talent pour raconter des histoires captivantes ont profondément marqué les esprits des Camerounais. La réalité du journalisme au Cameroun est loin d’être idyllique ; c’est un monde fait de coups bas, de machinations, où certains sont prêts à tout pour réussir. Pour faire ses preuves, un journaliste doit souvent se mettre en danger, comme traverser le fleuve Bonabéri à la nage alors même qu’il ne sait pas nager, ou encore plaquer sa tignasse de cheveux frisés et se rendre ainsi méconnaissable pour avoir un scoop dans un carrefour où passe une personnalité influente.

Beaucoup ont réussi à utiliser des caméras cachées dans des hôtels pour obtenir des informations sensibles. Ensuite vient le temps du chantage, où l’argent devient roi. Dans le journalisme camerounais, tout le monde cherche le magot, mais cela peut parfois mener à des zones dangereuses. Martinez semble-t-il,  possédait des dossiers, mais certains d’entre eux pouvait paraitre à des pactes avec le diable ; une fois que vous vous y engagez, vous ne savez plus comment vous en sortir. Il faut donc faire attention. Les journalistes camerounais savent que le pouvoir politique se moque d’eux. Si l’affaire Martinez Zogo n’avait pas attiré l’attention sur le plan  international, les autorités auraient sans doute tout fait pour étouffer l’affaire. Mais il y a des événements qui dépassent les stratégies de dissimulation, des événements qui peuvent déclencher des réactions en chaîne.

Au-delà des manœuvres humaines, il y a une loi divine qui ramène les puissants à leur simple condition d’hommes lorsque la justice divine s’impose. La mort de Martinez a plongé la société dans le deuil et a interpellé leur conscience collective. Dix-sept personnes, rappelant la date de son enlèvement le 17 janvier, ont été impliquées de près ou de loin dans l’élimination de cet homme. Dix-sept individus armés de tous les moyens pour semer le mal, démontrant une cruauté sans limite. Oui, au Cameroun, on recherche la perfection même dans le crime.

Il convient de saluer le travail patient accompli par la police et la justice, qui ont fait leur devoir avec rigueur. Leur travail apaise aujourd’hui chaque Camerounais. Avant tout, nous formons une famille, et la perte d’un membre de la famille, surtout dans de telles circonstances, nous blesse au plus profond de nous-mêmes. Martinez Zogo est décédé comme Jésus, il a été  flagellé,  aujourd’hui c’est ce crime qui va   sauver des âmes, même celles dont les secrets ont été ensevelis dans les cimetières sans être jamais dévoilés. Son sacrifice est également une lumière pour les vivants. Son procès sera comme celui de Jésus : même dans la mort, il sera présent, car les défunts ont leur propre récit, et leur esprit demeure parmi les vivants lorsqu’il s’agit de parler d’eux. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de la reconstitution du crime. Le peuple doit connaître les détails de ce qui s’est passé.

Si l’on peut qualifier cette tragédie de la colère, on peut également la considérer comme le résultat de la bêtise humaine. Une bête immonde sommeille au fond du cœur de l’homme, attendant juste le moment propice pour se réveiller. Ce pays  nécessitait  un sacrifice suprême, et le destin a désigné Salomon Bani. En donnant sa  vie au service de sa profession, sa mort, tout comme celle de tant d’autres, peut devenir un mode d’expression pour tous pour  mettre fin à la violence. Il ne sera donc  pas mort inutile.

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