Par Michel Lobé Etamé
Depuis le retrait des forces exogènes du Mali et du Niger, les pourfendeurs de l’Afrique prédisaient une hécatombe dans ces contrées désertiques et la résurgence du terrorisme. Les plus sceptiques prévoyaient une capitulation des pays concernés au bout d’un trimestre. Une capitulation qui ferait revenir, de manière triomphale, les puissances occidentales pour sauver et préserver les frontières géographiques des victimes du terrorisme islamique. Au Mali, les Touaregs réaliseraient leur vieux rêve de fonder un état souverain avec la bénédiction de l’Algérie et des puissances liées à Al Qaeda. Ce rêve pieux n’a pas disparu.
Mais il ne peut se réaliser face à un peuple malien souverain et conquérant. Les terroristes surarmés, basés dans les frontières poreuses et échappant à tout contrôle ne doutaient pas de leur victoire pour réaliser leur rêve d’unifier tous ces pays et imposer la charia comme mode de gouvernance. Pour contrer l’avancée des terroristes, le pays concernés se sont organisés en coordonnant leurs forces en 2014 en créant le G5 qui regroupait la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad. Mais très vite, cette organisation s’est avérée moribonde malgré la présence des militaires français. Le Mali a quitté le G5 Sahel en 2022. En 2023, le Burkina Faso et le Niger se sont également retirés du fameux G5 Sahel. La lutte contre le terrorisme s’est intensifiée en 2023 quand les troupes françaises ont quitté le Mali et le Niger. Personne ne vendait cher la peau de ces pays récalcitrants qui reprenaient en main leur destin en coordonnant leurs forces armées.
L’union fait la force
Pour venir à bout du terrorisme et des pressions extérieures, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé la chartre du Liptako-Gourma, créant d’office l’Alliance des Etats du Sahel (AES) le 16 septembre 2023. La création de l’AES est un nouveau chapitre dans la lutte contre le terrorisme. Elle vise aussi à combattre sous toutes ses formes la criminalité organisée dans la région. L’AES a pour objectif de promouvoir une architecture de défense collective, d’assistance mutuelle et surtout, la création de nouvelles institutions inclusives, notamment économiques et monétaires. L’AES, vent debout, n’est pas disposée à céder au chantage de ses homologues « démocratiquement élus » de la CEDEAO.
L’existence de l’AES est un cinglant démenti à la CEDEAO qui voulait l’étouffer économiquement et politiquement. La mort annoncée de l’AES n’aura pas lieu. Le Mali a mis fin aux accords d’Alger de 2015 pour la paix et la réconciliation avec la coordination des mouvements de l’Azawad car il est et reste un état souverain et indivisible. La junte au pouvoir au Mali a enterré en janvier 2024 cet accord tout en reprochant à l’Algérie d’héberger des bureaux de représentation de certains groupes signataires de l’accord de 2015 que le Mali considère désormais comme des acteurs terroristes. Face au vide laissé par le départ des troupes françaises, les terroristes se sont déployés.
Persuadés que le terrain était enfin libre, ils ont mènent des attaques coordonnées. Mais ils n’ont pas pris en compte la détermination des populations engagées pour la lutte armée. Les forces nationalistes des états du Sahel que l’on croyait démunis se sont avérées conquérantes. Jour après jour, les militaires sur le terrain, équipés de drones et couverts par une aviation active ne cessent de neutraliser les terroristes en débandade. Une autre Afrique est possible. Elle ne peut encore crier de vive voix à la victoire.
Mais les conditions sont réunies pour que les populations vivent enfin en paix, sans être chapeautées par les puissances néo coloniales qui lui avaient prédits un calvaire digne de l’enfer. La neutralisation des terroristes se poursuit. Et avec succès. Qui l’aurait prédit ? L’Afrique peut vivre et se défendre elle-même, sans avoir à rendre des comptes à des prétendus amis bienfaiteurs. Elle peut s’émanciper et décider de son avenir sans les choix délibérés de ses maitres. Des choix qui jusqu’ici n’étaient qu’un bouquet de catastrophes politiques, humains et matériels. Les combats de souveraineté politique, économique et financiers de l’AES ouvrent la voie à d’autres combats vers l’émancipation complète de l’Afrique post coloniale.
Ils prouvent à la jeunesse africaine qu’une autre politique inclusive est possible. Une politique basée sur la confiance, la liberté, l’organisation et menée par de grands patriotes qui croient en l’avenir. La jeunesse africaine caresse ce rêve. Les dirigeants actuels de l’Afrique peuvent-ils s’inspirer de ces hommes nouveaux qui œuvrent à bâtir une Afrique pacifiée et libre ? La jeunesse attend de ses dirigeants une Afrique prétentieuse, jalouse de sa liberté, jouisseuse et éminemment tournée vers le monde multipolaire en construction. Le temps nous le dira. Mais ne baissons pas la garde. L’ennemi n’est jamais trop loin.