Par Michel Lobé Etamé
Depuis les indépendances étriquées des colonies françaises d’Afrique noire, un sujet divise les acteurs de la vie politique, économique et sociale : le franc CFA. Les arguments évoqués pour sa suppression ou son maintien divisent. Le camp des défenseurs de la monnaie coloniale se réjouissent de sa stabilité. Celui de ses pourfendeurs, estime que le franc CFA est un lourd handicap au développement.
A qui donner raison ?
Les deux courants de pensées s’affrontent et chacun fourbit ses armes au moment où l’Afrique francophone est confrontée à une économique contractée et à l’insécurité. Face à l’incertitude, la situation se dégrade. La pauvreté est là. Elle saute aux yeux malgré les richesses endogènes des pays concernés. Le pouvoir politique et économique est détenu jusqu’ici par les partisans du franc CFA. Ils sont aux commandes depuis des décennies. Le diagnostic de leur gestion ne fait aucun doute. Ils ont échoué malgré les programmes d’ajustements structurels qui ont conduit à la dévaluation du franc CFA, à la privatisation des entreprises d’Etats et à la paupérisation généralisée.
Les programmes d’ajustements structurels ont jeté sur le pavé la classe moyenne. La consommation s’est crispée car elle est un moteur de l’économie. Le chômage s’est durablement installé et la vie sociale s’est dégradée en laissant la place à une insécurité galopante et incontrôlée. Le rêve d’un vivre-ensemble s’est envolé, provoquant la peur et la délation. Le franc CFA, défini comme un instrument de stabilité n’a pas fait décoller le développement économique de l’Afrique francophone qui reste le parent pauvre de l’humanité. Les programmes imposés le FMI et la Banque Mondiale ont plongé les pays concernés dans une pauvreté extrême.
Un nouveau courant de pensée
Les échecs successifs des régimes autoritaires en place ont conduit la jeunesse africaine décomplexée à tutoyer les pouvoirs politiques. La profusion des médias et la banalisation des réseaux sociaux ont ouvert une large fenêtre à la contestation sociale. Les partis d’opposition, jusque-là interdits sont entrés dans l’arène politique. Ils bousculent les vieilles habitudes de somnolence des dirigeants séniles.
Tour à tour, nous assistons, médusés, à des putschs militaires que les pays dits civilisés condamnent. Nous assistons aussi à des coups d’état constitutionnels que le monde occidental tolère et encourage pour préserver ses intérêts. Les pouvoirs en place ne supporteraient pas l’alternance politique. En conséquence, ils portent la responsabilité des échecs démocratiques. Les élections au Sénégal ont bousculé les vielles pratiques de bourrage des urnes.
Le peuple a gagné. Cette victoire à la Pyrrhus va titiller les régimes moribonds qui s’accrochent au pouvoir car la jeunesse ne doute point. Dans ce tohu-bohu politique, un nouveau courant de pensée est entré en scène. Ce sont les panafricanistes ou les néo souverainistes. Peu importe leur dénomination ! Ils bousculent l’ordre établi et proposent une relation nouvelle avec l’Occident. Une relation basée sur la franchise, la dignité, la souveraineté des états et le respect de chacun. Dans l’absolu, ils ont raison. Le partenariat a ses règles. Il faut les respecter.
Mais pour quelles raisons les opposants politiques sont ostracisés par les pouvoirs en place et dénoncés par leurs mentors occidentaux ? Est-ce un tort de dénoncer les accords de coopérations iniques ou les contrats léonins qui lient toujours l’Afrique francophone à la France ? Les croisades en Afrique francophone contre le franc CFA s’inscrivent dans les combats que la jeunesse mène pour de nouvelles politiques de développement. Ces combats sont l’expression d’une jeunesse décomplexée ouverte au monde et qui milite pour plus de justice, de démocratie et de souveraineté. Cette jeunesse a des rêves et des perspectives. Est-ce un tort ? Une nouvelle monnaie peut mettre fin à la cacophonie en cours. Pour cela, il est impératif de changer non seulement les femmes et les hommes au pouvoir. Mais il faudrait aussi combattre les maux endémiques que sont la corruption, le tribalisme systémique, le clanisme, les injustices sociales et instaurer la promotion par le mérite.