Par YANA BEKIMA
En 1945, la France crée le franc CFA. Cet acronyme est entendu au départ comme le Franc des Colonies Françaises d’Afrique. Depuis trois-quarts de siècle, cette monnaie n’a jamais pu engendrer la prospérité qu’elle était supposée apporter à l’Afrique. Il est curieux que le franc CFA ne soit pas une propriété africaine. Sur le plan juridique, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements cf. art 544 du code civil français. A cet égard, un brevet est donc détenu par la France. Ce qui est risible, c’est que le billet produit par la France pour l’Afrique de l’Ouest est distinct de celui produit pour l’Afrique Centrale en valeur monétaire sous la même appellation franc CFA. En outre, le seul document reconnaissant le franc CFA est le décret numéro 45-0136 du 26 décembre 1945 dont les signataires furent Charles de Gaulle en sa qualité de Président du Gouvernement Provisoire, le ministre des Finances René Pleven et le ministre des colonies Jacques Soustelle.
MONNAIE ET SOUVERAINETE
La monnaie est plus qu’un instrument d’échange économique. Il se trouve aussi que la monnaie est le principal élément de la politique monétaire et le premier élément de souveraineté d’un pays. Le pouvoir de battre la monnaie est un pouvoir régalien. En revanche, il n’y a pas d’État souverain sans capacité d’émettre et de battre monnaie. Comment des pays africains indépendants peuvent-ils passer par le ministère français des Finances (Bercy) d’un pays étranger, en l’occurrence la France, pour garantir l’émission et battre « leur monnaie » ? Cela est vraiment absurde qu’un pays dit souverain puisse arrimer sa monnaie à une autre, et de se faire gérer par le trésor d’un autre pays situé à des milliers de kilomètres. Comment pourrait-il garantir son indépendance économique lorsqu’on sait qu’elle est tributaire de la souveraineté monétaire ? Soyons sérieux ! Un pays qui n’a pas sa monnaie n’est pas souverain. Que cela se sache ! Cette escroquerie n’a que trop duré et il est temps que les Africains se réveillent. Non à cette escroquerie que la France continue à leur faire subir ! Il n’y a pas de souveraineté monétaire si l’on n’a pas le contrôle absolu sur l’émission et la convertibilité de sa monnaie.
ESCROQUERIE DU SIECLE
« Les 30 glorieuses » de 1945 à 1975 en sont une parfaite illustration de cette escroquerie pendant ladite période. En effet, toutes les matières premières en provenance de l’Afrique étaient prises gratuitement. Dans le cadre des exportations, la France prenait les devises de tous ces pays et leur restituait une portion congrue en franc CFA. A l’origine, le Franc CFA s’est d’abord arrimé au franc français. Actuellement, il l’est à l’euro avec une parité fixe qui garantit uniquement les investissements des entreprises étrangères. Par ailleurs, le taux de couverture de l’émission monétaire est à hauteur de 20%. Cependant, les pays africains détiennent près de 80% de ce taux de couverture.
Comment peut-on continuer à utiliser une monnaie qui capte l’essentiel de nos richesses ? Les pays africains qui sont sous la coupe du CFA n’ont même pas le droit de disposer de ce qu’ils produisent. Pour mieux dire, les devises n’appartiennent pas aux Africains. Or c’est avec ces dernières qu’on commerce sur le plan international. Par exemple, nous constatons également qu’au niveau des échanges intracommunautaires dans la zone CFA le taux est très faible 15% alors que dans la zone euro, il est à peu près de 60%. En outre, comme le franc CFA est arrimé à l’euro (qui est une monnaie très forte) cela grève la compétitivité des économies africaines de sorte que leurs exportations soient très faibles avec des fortes incitations à importer. Cela se traduit concrètement par des balances commerciales déficitaires dans ces pays respectifs.
En outre concernant le financement et le rationnement du crédit, il est difficile d’emprunter dans nos pays, car les taux d’intérêt sont à deux chiffres (10% à 11%) alors qu’en France, on peut emprunter à 1%. En définitive, l’on constate l’absence d’objectif de croissance dans les missions des banques centrales de la zone CFA qui ont uniquement une obsession de la victoire finale sur l’inflation. En somme, le franc CFA est une monnaie nazie qui a pour but de capter toutes les richesses de ces 14 pays ; c’est-à-dire de continuer à fournir à la France des matières premières en provenance de leurs anciennes colonies. La France utilise les capitaux des Africains pour endetter les Africains. Dans les faits, elle puise dans les intérêts rapportés par cet argent pour aller le prêter aux États africains tambour battant. Il est indispensable de dire aussi que la France finance sa dette publique en utilisant les devises de ces pays et par voie de conséquence empêche leur développement.
SORTIR DU CFA
Lorsque la France apprend qu’un pays africain veut se défaire de cette monnaie, son modus operandi consiste à procéder au chantage économique, mettant ainsi en lumière toutes ses manigances et ses campagnes de sabotage. Cette divergence d’approche a fréquemment conduit la France suspendre la livraison du F CFA aux pays qui veulent prendre de la distance face à cette arnaque. Nos chefs d’État et de gouvernement doivent prendre leurs responsabilités sans complexe aucun. Du reste, nous aimerions leur dire ceci : « N’ayez pas peur ! ». Ils doivent ouvrir le débat au lieu de sombrer avec la France dans la conspiration du silence autour de cette monnaie de singe. Le franc CFA est économiquement inefficace, politiquement illégitime et socialement inéquitable. On ne peut continuer avec cette monnaie face à une jeunesse africaine qui n’a pas d’emploi et de perspectives. En définitive, pour sortir de cette servitude monétaire, cela devrait passer par la reconquête de la souveraineté économique et monétaire afin que les économies de nos pays ne soient plus financées par les Aides Publiques au Développement (APD).