Par MICHEL LOBE ETAME
Journaliste Indépendant
Depuis qu’une énème guerre a éclaté entre Israël et la Palestine, un mot revient sur toutes les lèvres, la compassion, comme si ce mot mettrait fin aux souffrances des populations apeurées des deux camps. Le débat occupe l’Afrique subsaharienne, car elle est privée de parole dans sa propre sphère. Et l’occasion est trop belle pour que ses intellectuels et sa diaspora, frappés de cécité et d’amnésie, montent au créneau. Nous assistons à des prises de position dans un conflit hors de nos frontières qui déchirent nos opinions publiques et politiques. Cette guerre lointaine et proche à la fois voit les camps, pro-israéliens et les camps pro-palestiniens s’affronter rageusement alors qu’ils devraient dénoncer la terreur à huis clos dans nos autocraties. L’Afrique subsaharienne est confrontée au quotidien à des guerres qui la ruinent et qui sont financées par les forces exogènes.
Cette élite pensante devrait trouver ici une juste cause pour enflammer la toile et mobiliser ses forces pour vaincre ses vieux démons de la peur, du doute et de la servitude volontaire. Certes, au nom de l’universalisme et de la globalisation, toutes les causes interpellent l’Afrique et sa diaspora, car nous sommes des acteurs interdépendants d’un ensemble. Mais nos têtes pensantes ne devraient pas perdre de vue que les guerres qui sévissent en Afrique nous interpellent tous. Nous devons les dénoncer et activer le levier de la communication à travers tous les médias à notre disposition pour éradiquer le système dystopique en place depuis les indépendances.
Aujourd’hui, la République Démocratique du Congo est en guerre contre des terroristes armés par des multinationales occidentales sous l’égide du Rwanda et de l’Ouganda. Cette racaille tue, pille, viole les femmes et les enfants en toute impunité et sous la supervision des Nations-Unies. Les présidents « démocratiquement » élus en Afrique subsaharienne et la diaspora africaine en Occident se taisent. Curieusement, cette diaspora participe activement aux défilés dans les capitales occidentales pour dénoncer les horreurs de la guerre au Proche-Orient.
Elle prend position pour un camp de son choix alors que l’Afrique est en guerre au Soudan, en Ethiopie, en Erythrée, en République Démocratique du Congo, en République Centrafricaine, au Cameroun, etc. La diaspora africaine, est-elle myope au point d’ignorer leur sort des milliers de victimes quotidiennes ? En Libye, le marché aux esclaves est toujours alimenté par des noirs qui fuient la misère. Ils sont capturés par des chefs de guerre qui les vendent comme du bétail aux bourreaux qui en font des travailleurs forcés. Qui pour dénoncer ces horreurs ? L’esclavage a de beaux jours en Mauritanie. La diaspora africaine en Occident et ses affidés ignorent volontairement le sort des captifs de cet Etat négrophobe. En Afrique de l’Ouest, la CEDEAO voudrait intervenir militairement au Niger pour dénoncer un coup d’Etat contre un président élu « démocratiquement ». Une armée unitaire, ne devrait-elle pas combattre Boko Haram et les terroristes disséminés dans le désert et lourdement armés par les néocolonialistes ? Au Sénégal, l’opposant Sonko croupit dans les geôles de Macky Sall. Son tort est de vouloir se présenter aux prochaines élections présidentielles.
Au Cameroun, Paul Biya est décidé à briguer un nouveau mandat à 90 an passé. Pour cela, il a muselé son opposition politique qui voit ses membres croupir en prison. En Côte d’Ivoire, la réconciliation nationale n’a toujours pas lieu. Ouattara tue, empoisonne et séquestre en prison tous ses opposants politiques. Au Gabon, une révolution de palais a renversé la dynastie Bongo par un autre membre de la fratrie qui a lancé une chasse à l’homme contre les béninois installés localement depuis des générations. Au Bénin, Patrice Talon a décimé toute l’opposition politique. Les rares survivants sont soit en exil, soit en prison.
Au Congo, Sassou Nguésso prépare son fils à sa succession et laisse crever dans ses geôles le général Mokoko et toute l’opposition politique. Cette Afrique accorde un droit de vie et d’expansion aux libanais qui fuient la misère chez eux. Ils rejoignent leur diaspora en Afrique subsaharienne où ils s’installent et érigent un système de corruption qui met à leurs pieds les fonctionnaires véreux pendant que les enfants de l’Afrique fuient la misère pour un Eldorado imaginaire en Europe. Le débat politique est confisqué en Afrique subsaharienne où aucune alternative politique n’est tolérée. La jeunesse est sacrifiée pour des intérêts égoïstes. La guerre en cours au Proche-Orient ne peut laisser indifférent l’être humain que nous sommes ou ce qu’il en reste. Mais elle ne saurait nous faire oublier que nous devons balayer devant notre porte avant celle de nos prétendus amis.
Un autre rendez-vous récent vient ternir l’image de l’Afrique bien abîmée. Le sommet Arabie Saoudite et l’Afrique mettent en lumière la mendicité de nos chefs d’Etats. L’Afrique, a-t-elle besoin des Petros dollars pour relancer son industrialisation ? Les contours de ce sommet sont flous et imposeront la construction des mosquées et l’enseignement de l’arabe dans un continent submergé par les nouvelles églises de réveil. Nous aimerions voir défiler notre diaspora en Occident pour dénoncer le sort des prisonniers politiques en Afrique, la guerre permanente en RDC, au Soudan, le harcèlement de nos armées par groupes terroristes, la fin des mandats à rallonge des despotes en service. Nous tombons de Charybde en Scylla et livrons notre continent aux pilleurs. Avons-nous pensé à notre jeunesse ?Aujourd’hui, le seul sujet de réjouissance et satisfaction est la sortie de Georges Wéah qui a élégamment reconnu sa défaite et qui quitte, sous des applaudissements, le palais présidentiel de Monrovia. Ceci honore l’Afrique et la démocratie. Une sortie marquée de hauteur et de fierté qui ne manquera pas de faire pâlir de jalousie nos présidents scotchés à leurs fauteuils.