Par Yana Bekima
Garante du Franc CFA, la notation de la France « AA » se dégrade à « AA- » chez Standard & Poor’s.
Standard and Poor’s dégrade la note de la France de « AA» à «AA-», sanctionnant la « détérioration de la position budgétaire » de la France. L’agence de notation a décidé ce vendredi 31 mai 2024 de dégrader la notation de la France, auparavant double A, sous perspective négative. C’est la troisième fois depuis 1975 que cette agence la dégrade. En effet, elle avait été la première à lui ôter le triple A, la meilleure note, en 2011. L’agence ne croit pas que le déficit repassera sous les 3 % du PIB en 2027.
Quelles sont les conséquences d’une dégradation de la note ?
Lorsqu’une agence attribue une note en baisse à une entité, on dit qu’elle dégrade la notation. Par ricochet, elle dégrade aussi ses conditions d’emprunt ; comme il existe peu de repères objectifs sur les marchés financiers, cette note, même si elle n’est qu’indicative, va les influencer très fortement. La dégradation de la note financière de la France démontre encore une fois de plus que le dérapage est justifié par la persistance des déficits budgétaires. En Europe, la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas sont parmi les pays les mieux notés, avec le niveau « AAA », que la France a perdu en 2012.
Rôle des agences de notation
Les agences de notation sont des entreprises privées dont le rôle principal est de mesurer le risque de non-remboursement des dettes contractées par un émetteur, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’États. Les notes produites diffèrent selon les agences de notation mais s’échelonnent habituellement de AAA (« triple A »), la meilleure note traduisant un risque de défaut faible, à D, caractérisant une situation de défaut de paiement. Pour établir ces notes, les agences de notation utilisent de nombreux critères censés impacter la solvabilité d’un émetteur. Dans le cas d’un État, on retrouve les perspectives de croissance économique, d’évolution des dépenses publiques, la capacité à lever des impôts, la stabilité politique, etc. Une fois fixée, la notation est exprimée suivant une échelle de valeurs alphabétiques. NB : Standard & Poor’s (S&P) est une filiale de McGraw-Hill qui publie des analyses financières sur des actions et des obligations. C’est une des trois principales sociétés de notation financière. Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings, ces trois noms reviennent régulièrement dans l’actualité économique, assortis d’une évaluation, du bon élève (AAA) au cancre (D).
L’illusion de la garantie de la convertibilité du franc CFA
Le débat sur le Franc CFA revient sans discontinuer sur la garantie française de cette monnaie. Pour la plupart des économistes cette garantie est illusoire. Les manifestations populaires contre le franc CFA alimentent les débats économiques sur ses avantages et ses inconvénients, ainsi que sur son impact distributif. Dans la plupart des pays africains, la décolonisation monétaire a impliqué l’adoption de monnaies nationales par les nouveaux États indépendants et le démantèlement progressif des zones monétaires coloniales (la zone sterling, la zone peseta, la zone escudo, la zone monétaire belge). Mais la plupart des pays francophones au sud du Sahara continuent à faire exception à cette tendance, car plusieurs d’entre eux ont maintenu leur appartenance à la Zone franc. En effet, la France a conditionné leur accès à l’indépendance avec la signature d’accords de coopération portant sur des domaines de souveraineté (les matières premières, le commerce extérieur, la défense, la monnaie, etc.)
« Garantie de convertibilité illimitée ».
En effet, de nombreux experts semblent considérer comme acquis le point de vue selon lequel les banques centrales (des 14 pays des deux zones CFA plus les Comores) qui émettent le franc CFA bénéficient d’une garantie illimitée de la part du Trésor français.
Une Perspective négative envisagée ?
L’abaissement de la note de la France par Standard & Poor’s ne fait qu’empirer sa situation sur les marchés financiers. La dégradation cette note pourrait entraîner un durcissement des conditions d’emprunt de l’État et impacter tous les pays de la zone franc. La persistance d’un déficit budgétaire élevé de la France pourrait compliquer la mise en œuvre des politiques, ainsi laisser planer des incertitudes au sein des économies des pays de la zone franc.
En conclusion
Il est temps d’abandonner le franc CFA d’abord pour une question de souveraineté et ensuite pour son mécanisme. Il y a deux raisons qui militent pour le changement de son mécanisme :
– La première est que la BCE (Banque Centrale Européenne) n’a jamais dit qu’elle est garante de la convertibilité du franc CFA vis-à-vis de l’Euro.
– La seconde est que la seule chose qui garantit aujourd’hui la « stabilité » du franc CFA vis-à-vis de l’euro est une disposition budgétaire française. Et cela est un grand risque. Soyons sérieux comment pourrait-on croire que le budget de la France est censé garantir la valeur de la monnaie de 14 pays africains ? Cela voudrait dire tout simplement que le jour où la France a un problème budgétaire comme c’est le cas actuellement, le franc CFA périclite. Cette notation (AA-) de la France laisse désormais planer le spectre des turbulences du franc CFA.