L’œuvre du Docteur Bertrand Atemezem « Vétérinaire ma passion » dont le premier tome a été publié il y a un mois n’est pas séparable de sa vie. Mais cette vie ne se laisse point enfermer dans la toile étroite du simple vétérinaire passionné qui mène une existence ponctuée de souvenirs et de trivialités. Elle transcende les apparences pour se fondre dans la trame de l’existence, celle d’un écrivain qui a fait de l’univers animal son foyer. C’est une œuvre humaniste.
C’est une œuvre qui se dévoile en récit où la vie de l’écrivain se fond dans les contours des âmes animales. Dans l’imaginaire éthéré des hommes, les sentiers de la médecine évoquent souvent les chemins balisés de la cardiologie, de l’ophtalmologie ou des pharmacies, ces disciplines vantées pour leur promesse de richesse. Mais au cœur du Cameroun, terre fertile où s’élèvent de nombreux troupeaux, notamment pour la consommation bovine, la médecine vétérinaire résonne d’une toute autre mélodie. Les échos lointains de l’enfance évoquent une sagesse rudimentaire, celle qui enseignait que la maladie d’une vache signait son arrêt de mort.
C’est ainsi que les infirmiers et les vétérinaires s’en trouvaient paradoxalement pourvus en viande. Cette voie, semblait-il, était réservée à ceux qui n’avaient pas brillé dans les cercles élites des écoles. Jamais on n’avait entendu dire qu’un étudiant osât traverser les océans pour s’abreuver à la source de la médecine vétérinaire par passion. Mais Bertrand Atemezem, tel un aventurier des temps modernes, s’est élancé vers l’Occident, portant l’étendard de son rêve vibrant, celui de devenir vétérinaire. « Je voyage.» « Vivre mon rêve et devenir vétérinaire. » Avant de poursuivre, il convient de rappeler quelques faits essentiels : Bertrand ressentait, dans les replis de sa solitude, le besoin impérieux d’un compagnon animal.
Et c’est vers un pigeon, symbole de liberté et de sagesse, qu’il se tourna, défiant ainsi la banalité des choix conventionnels tels que le chien ou le chat. La présence de son ami Ernest, détenteur d’un couple de ces nobles oiseaux, marque un tournant dans la vie de Bertrand. L’observation attentive de ces créatures ailées éveilla en lui une tendre affinité, un lien mystique tissé entre l’homme et la nature. Alors, dans l’écho de leurs battements d’ailes, dans le murmure de leurs roucoulements, Bertrand trouva une communion d’âmes, une communication pure entre l’humain et l’animal, où la conscience se mêle à l’instinct dans une danse frénétique.
Dans l’âme humaine se reflète la quête de communion avec les êtres ailés, où l’homme, dans un geste empreint de tendresse, insuffle sa propre conscience à l’oiseau, pour qu’il puisse saisir l’écho de son affection. Les animaux, gardiens d’une âme pure, sont les proches du Divin, tels que le dépeignent les récits sacrés où ils se dressent aux côtés des prophètes et des saints. Leur présence sacrée dans les Saintes Écritures, qu’il s’agisse d’une colombe au jour du baptême du Christ ou d’un humble âne à l’entrée de Jérusalem, éclaire la fascination qui enveloppe les pages vibrantes de ce livre.
Pour comprendre la profondeur de cette passion dévorante, il faut plonger dans les méandres de l’étudiant, qui vogue vers la Belgique pour nourrir son esprit de savoir. Mais la déception le guette, lorsque, au seuil de la troisième année, il trébuche dans l’obscurité de ses propres doutes. Le poids de l’échec, teinté d’amertume, entaille son cœur, trahissant la confiance de ceux qui ont cru en lui. « J’avais trahi la confiance de ceux qui ont eu confiance en moi, je n’avais pas réussi à avoir mon passage en troisième année.» Pourquoi cet émoi trouble-t-il l’étudiant ? Car pour celui qui a arpenté les chemins de l’apprentissage en Europe, reprendre une classe est un fardeau immense, chargé de lourdeurs et de peines, balayé par les vents glacés de la solitude et du stress. Mais l’étudiant, empreint de résilience, accueille son destin avec la sagesse stoïque, prêt à relever chaque défi sur son chemin.
Durant ses études, il ne se contente pas des largesses parentales ; il se livre corps et âme au labeur, il assume des tâches modestes telles que la plonge ou la garde des lapins. On pourrait sourire à cette humilité, mais l’essence même du métier qu’il chérit réside dans cette proximité avec le monde animal. Car, comme le souligne la page 65, il ne suffit pas d’être en présence de l’animal ou de son corps inerte ; il faut pénétrer son univers, en saisir chaque battement de cœur et chaque souffle de vie. Sa passion, telle une flamme ardente, se nourrit de son désir de voir ces êtres chers épanouis et en bonne santé.
En eux, il reconnaît des âmes sœurs, soumises elles aussi au rythme immuable de l’existence, où chaque cycle révèle la trame d’une destinée partagée entre l’homme et la bête. Dans l’antre sombre du métier, où résonnent les échos d’une réalité marqué de fer et de souffrance, l’étudiant se confronte à la dureté brutale de son apprentissage. Un abattoir, théâtre de cette initiation, dévoile à ses yeux la cruauté implacable qui frappe ceux qu’il chérit par-dessus tout : les animaux. La violence de leurs destins brisés, leur agonie muette, tourmente son être au plus profond de son âme.
Car en ces lieux où règne la loi implacable de la survie, il n’est pas question d’exprimer ses tourments intérieurs ; il est venu prêter main forte à l’acte sacrificiel. Leurs cris funèbres, pareils à des lamentations déchirantes, ébranlent les fondations de sa conscience, rappelant à l’étudiant la douleur universelle qui unit les êtres, humains et animaux, face à l’approche inéluctable de la mort. Mais dans cette épreuve de fer, il puise une force insoupçonnée, forgeant son esprit et son empathie, tant pour les hommes que pour les bêtes. Car il sait que son métier exige un mental d’acier, une maîtrise de soi inébranlable, une capacité à comprendre et à apaiser les douleurs indicibles qui assaillent les êtres qu’il chérit.
Loin d’être un simple récit, cette œuvre se mue en un militantisme ardent, où la voix du cœur et de la conscience résonne avec éloquence. À travers les mots inspirés du Docteur, se profile un plaidoyer vibrant en faveur du respect envers chaque être vivant, qu’il soit humain ou animal. Son message résonne comme un hymne à la compassion, invitant les consommateurs de viande à considérer avec respect le sacrifice de ces créatures innocentes, offertes sur l’autel de la survie humaine. Il déclare : « à tous les consommateurs de viande, escalope de poulet, de dinde, de veau, de rognons, de foie, etc, je conseillerais de manger ceci avec beaucoup de respect, car ces pauvres bêtes ont tout donne afin que vous mangiez sainement » Le Docteur, tel un pont entre deux mondes, coopère avec les animaux dans une danse harmonieuse de guérison et de compréhension mutuelle.
Chaque regard échangé, chaque geste de tendresse partagé, témoigne de cette connexion sacrée qui transcende les barrières de l’espèce. Car pour lui, chaque cri, chaque gémissement, est une prière muette des animaux adressée à Dieu, une invitation à décrypter les mystères de la vie et de la mort. Au-delà des gestes techniques, le vétérinaire doit également naviguer dans les eaux troubles des relations humaines, il faut jongler avec les émotions et les conflits qui émaillent son quotidien. Car être vétérinaire, c’est bien plus qu’une simple profession ; c’est un sacerdoce, une mission sacrée qui demande à la fois savoir-faire et sensibilité, détermination et compassion. il le souligne à la page 117 de son livre : « être vétérinaire n’est pas seulement s’occuper des animaux, prendre soin d’eux, les soigner avec amour et affection, avec savoir-faire, attention et détermination, c’est aussi la gestion des conflits. »
Dans ce récit, mêlant anecdotes et réflexions profondes, se dessine le portrait d’un homme dont la vision transcende les limites de l’humain pour embrasser la totalité de la création. Car, comme le soulignent les philosophes, l’homme est lui-même un animal, et c’est dans cette communion avec le règne animal que réside la quintessence de son humanité. Ainsi, cet ouvrage, véritable hymne à la vie dans toute sa diversité, transcende les frontières du temps et de l’espace, pour offrir une leçon intemporelle sur l’amour, le respect et la compassion envers toute forme de vie.