Le débat sur les chefferies traditionnelles a récemment suscité l’intérêt de nombreuses personnes. Dans un article intitulé « CULTURE-REDYNAMISATION DE LA CHEFFERIE SUPÉRIEURE DES SANAGA, NDJANTI, BAVEUCK, VUTE ET ASSIMILÉS : MVEIMANI SOMBO AMBA : LE ROI UNIVERSEL », paru à la page 7 du quotidien « Bonjour le Cameroun », numéro 00023 du 5 février 2024, signé par Yves MBEKE, Directeur de Publication du journal, la chefferie supérieure Sanaga a tenu à réagir. Sous la plume de Paul Alain Abena, la cellule de communication de la chefferie supérieure Sanaga a livré une réponse détaillée, bien plus longue que d’ordinaire. Ses explications, données dans un souci de clarification et pour la postérité, méritaient d’être publiées telles quelles. À travers notre plate forme, nous reproduisons le texte rédigé par ladite cellule de communication, dont le contenu à la fois dense et substantiel saura enrichir ceux qui s’intéressent à différents aspects de la compréhension de nos chefferies traditionnelles. Naturellement, le texte de la chefferie est intitulé « Mise au point », mais nous avons choisi d’utiliser « Clarification ». En dehors de ce léger détail, le texte publié reste fidèle à son originalité.
Par Paul Alain Abena
« MISE AU POINT DE LA CHEFFERIE SUPERIEURE »
La Chefferie Supérieure des Sanaga, Djanti, Baveck et Assimilés se réjouit vivement de l’intérêt que portent à cette prestigieuse institution, les professionnels des médias et autres observateurs de tous bords, manifestement subjugués par la dynamique impulsée par Sa Majesté MVEIMANI SOMBO AMBA depuis son accession au trône. Et pourtant, la Chefferie Supérieure s’inquiète que l’emportement euphorique de certains chroniqueurs n’expose à des dérives éditoriales potentiellement préjudiciables à la visibilité de l’Institution et n’ouvre la voie à des amalgames susceptibles de créer la confusion et d’alimenter des suspicions inutiles avec des communautés riveraines soucieuses comme la nôtre de mener des clarifications identitaires utiles, pour mieux organiser les rapports avec les autres et affirmer avec plus de rationalité leur singularité historique.
À ce titre, la Chefferie Supérieure des Sanaga, Djanti, Baveck et Assimilés se désolidarise clairement de l’article évoqué supra et qui intègre les Vute dans le conglomérat des communautés historiquement placées sous son autorité. En accordant volontiers à l’auteur de cet article la présomption de bonne foi, la Chefferie Supérieure regrette la méprise de cette allusion malencontreuse, imputable à un déficit de rigueur et de professionnalisme dans le traitement des informations collectées et dans le questionnement des sources mobilisées.
La Chefferie Supérieure rappelle que le lien des Sanaga Djanti Baveck avec le peuple Vute est un lien complexe, intégré en profondeur dans des contingences historiques et anthropologiques séculaires. Mais les Vute constituent une entité autonome, un peuple héroïque et chevaleresque dont aucune source historique n’a jamais pu établir un quelconque lien de vassalité avec les Sanaga, les Djanti et Baveck, peuples unis et tout aussi fiers de leur identité. En clair, les Vute ne font pas partie des communautés inféodées à l’autorité du Chef Supérieur des Sanaga Djanti Baveck et Assimilés. Pour le cas spécifique de Yangba, il y a longtemps que les spéculations ont été bouclées, laissant toutes les tendances unanimes. Au plan de la territorialité en effet, le village Yangba se trouve en plein dans la sphère de commandement de la Chefferie Supérieure.
Le devoir d’allégeance du chef de 3ème degré de cette localité à l’égard du Roi s’impose donc comme une évidence. Mais la localité étant structurée sur un socle démographique et ethnographique presque intégralement Vute, on comprend qu’un cordon ombilical puissant se soit constitué historiquement avec le grand ensemble ethno-linguistique et sociologique de cette communauté dispersée à travers le Mbam et Kim, la Haute-Sanaga, le Lom-et-Djerem et le Djerem. Impossible d’y trouver un quelconque paradoxe, nos frères et sœurs de Yangba étant chez eux à Ngoro sans que cela leur interdise d’expérimenter en toute légitimité les frémissements bienfaisants de leur parenté naturelle avec les Vute de tous les horizons. Cette exception de Yangba ou encore du quartier Voundou à Talba fonctionne en termes de restriction et n’autorise pas à déduire que l’autorité du Chef Supérieur soit envisagée comme généralisable à l’ensemble de la communauté Vute.
Que cela soit clair une fois pour toutes. Par ailleurs la royauté du Chef Supérieur est une donnée incontestable. Mais cette royauté s’accommode mal de toute forme d’excentricité ou de démesure qui rendraient totalement indécentes des formules du genre « le Roi Universel », lesquelles ne contribuent malheureusement qu’à exacerber les incompréhensions et à intensifier les suspicions d’hégémonie totalement en déphasage avec la volonté de modernisation et d’ouverture en cours depuis l’avènement de l’actuel Souverain. La Chefferie Supérieure des Sanaga Djanti Baveck et Assimilés se gargarise certes du privilège dont l’Histoire la gratifie d’être l’unique institution de ce rang sur l’ensemble des deux segments du Mbam.
Mais notre monarque voudrait garder les pieds sur terre pour œuvrer fort de ses facultés humaines et en osmose avec tous les humains soucieux de progrès à la promotion de sa vaste contrée. Un emblème commun que notre inculture a souvent considéré à tort comme étant le « Chef Supérieur de Ngoro », mais dont le pouvoir s’étend sur pas moins de sept unités cantonales. Enfin, la Chefferie Supérieure s’indigne de la superposition qui est constamment opérée entre les fonctions de Chef Supérieur et celles de Secrétaire Général d’un département ministériel.
S’il est vrai que les Sanaga Djanti Baveck et Assimilés ont toutes les raisons de s’enorgueillir de voir leur Roi assurer d’importantes fonctions dans la haute administration républicaine (elles ont d’ailleurs manifesté leur reconnaissance à plusieurs reprises au Chef de l’État) il reste tout aussi indéniable que dans le cadre de la visite projetée, notre Roi doit être exalté par ses communautés en sa qualité de Roi, Gardien de nos traditions et Protecteur de nos valeurs. La Chefferie Supérieure précise qu’une Cellule de Communication existe en son sein à l’initiative du Roi, et recommande à toute personne intéressée par la Chefferie de se rapprocher de cette instance pour minimiser les risques de dérapages et de désinformation préjudiciables à la crédibilité de cette prestigieuse Institution.