J’avais écrit une chronique sur cet éminent intellectuel, qui vient d’être honoré par le prix « Holbergprisen » 2024 en Norvège pour ses contributions notables à l’étude de l’histoire africaine et de la politique en Afrique. Ce prix, doté d’une somme d’environ 600 000 euros, est attribué annuellement pour récompenser des travaux de recherche d’exception dans les domaines des sciences humaines, sociales, du droit et de la théologie. Sa nomination ne surprenait guère, étant donné ses invitations précédentes à des conférences panafricaines, comme celle organisée à Montpellier et qui visait à approfondir les réflexions sur les problématiques africaines. La sélection d’Achille Mbembé par le président français Macron pour participer à ces discussions avait déjà indiqué son importance croissante dans le domaine académique.
Malgré les controverses et les critiques parfois sévères de certains de ses compatriotes africains, son travail a continué à gagner en reconnaissance et en respect à l’échelle internationale. Mbembé, figure de la diaspora africaine, a largement contribué à combattre les stéréotypes nuisibles sur l’Afrique et a toujours prôné une approche équilibrée dans ses relations, notamment avec la France, soulignant l’importance de l’amitié et du dialogue constructif. Sa carrière illustre l’impact que peuvent avoir les échanges et les expériences personnelles dans la vie d’un écrivain, tout ce qui lui a permis de partager avec le monde entier les nuances de son vécu et de son expertise en tant qu’historien et analyste des civilisations. L’efficacité d’une civilisation organisée incite à l’étude et à la collaboration pour en saisir les éléments constitutifs de sa réussite.
C’est l’approche adoptée par Haïti, où les esclaves libérés en 1803, issus de diverses professions, ont utilisé leur connaissance approfondie des pratiques de leurs anciens maîtres. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle des figures historiques comme Platon, Thales, et Pythagore, qui se sont immergés dans la culture égyptienne pour en apprendre davantage. Pour un écrivain, qui est avant tout un observateur et un penseur au sein de la société, l’importance réside dans la qualité et l’authenticité de ses interactions avec autrui. Achille Mbembé incarne idéalement cette figure, grâce à ses fonctions d’historien, de philosophe, d’écrivain et d’intellectuel indépendant, qui a rencontré les idées les plus élevées plutôt que de s’attarder sur les conflits et les critiques négatives. Sa désignation pour des reconnaissances internationales est donc justifiée par ses contributions actuelles et significatives.
L’exemple de Denys de Syracuse sollicitant Platon comme conseiller illustre le rôle pivot de l’intellectuel, capable d’influencer et de guider, montrant qu’en certaines circonstances, ceux qui semblent servir peuvent en réalité mener. Cette dynamique souligne une perception nuancée de l’engagement et de la fidélité intellectuelle, éloignée de la simplicité des actions directes. La culture noire, enrichie et disséminée par de telles figures intellectuelles, représente un champ fertile d’innovation et d’intelligence, nécessitant une diffusion et une reconnaissance constantes. Dans ce contexte, Achille Mbembé est vu comme un leader potentiel, capable de guider sa communauté vers une reconnaissance et une valorisation accrues.
La transition des écrivains d’un narcissisme initial vers un objectivisme reflète l’évolution nécessaire pour adresser et influencer efficacement les enjeux sociaux et culturels contemporains. Ce n’est pas tant la figure individuelle d’Achille qui importe, mais plutôt le courage de présenter des idées novatrices et influentes. Ces idées peuvent servir de pont entre différentes cultures et périodes de conflit, avec Achille possiblement en médiateur grâce à son intelligence à la fois vive et discrète. Reconnu dans son rôle d’écrivain, il est impératif de s’engager activement dans la société et de contribuer à l’élimination des vestiges d’une immaturité collective, tout en luttant pour les droits et la reconnaissance de la communauté noire, souvent privée de ses droits les plus élémentaires.