Interview menée par Basile Netour et
Abdourahman Bindowo (alisas Djabbar)
Koula Kayefi est un artiste de renom, bien connu dans le nord cameroun Afriksurseine par le canal de son réprésentant dans le septentrion l’a rencontré pour un entretien fructueux, nous vous restituons ici l’essentiel de cette rencontre.
Netour : bonjour très cher Koula, nous sommes ici dans un coin de l’Alliance Française de Garoua il y a longtemps que nous espérions réaliser une interview avec vous ; l’occasion nous est enfin donnée. La première chose que nous allons vous demander et de vous présenter à nos lecteurs ?
Koula Kayefi : Je m’appelle Ibrahima Koulagna alias Koula Kayefi, né le 05 décembre 1950, de père Mboum de Ngaoundéré et de mère peuhle de Garoua. J’ai commencé à chanter quand il n’y avait pas encore de belles maisons ici à Garoua…
Quel a été votre parcours scolaire avant la musique ?
Oui, j’entre à l’école principale de Garoua en 1960, emmené de force par les Blancs de l’époque qui nous traînèrent d’abord dans la cour du Lamido Abdoulaye. C’est à cette époque que nous avons étés scolarisés.
Parlant de l’école principale, s’agit-il de ce qu’on appelle ECOLE GARCONS aujourd’hui ?
Oui, oui et j’ai arrêté de fréquenter au cours élémentaire deuxième année.
Et après l’école ?
Apres l’école, je suis devenu pécheur à la Bénoué jusqu’à l’âge de 20 ans. Je ne croyais pas que j’allais laisser la pêche tant c’était sucrée (rires). Apres la pêche, je suis devenu peintre en bâtiment et automobile. Je peignais également des tableaux tout en confectionnant des pancartes et autres banderoles.
qu’est ce qui vous pousse à devenir peintre ?
A l’école, je dessinais déjà et bien ! C’est Alangue Ekambi qui nous apprend à écrire et à dessiner. C’est moi qui confectionnais les tableaux de RW KING, CAMI TOYOTA et autres…
Comment s’opère votre entrée en musique ?
Avec les filles Haoussas et Kollés, dès notre bas âge, Amadou Papa et moi, nous chantions dans leur langue et aussi en fulfuldé. A cette époque qui coïncidait avec le départ d’Ahidjo, on ne savait même pas qu’on allait faire de la musique plus tard.
Qui vous introduit dans la musique ?
Très bonne question :
J’ai été obnubilé par James Brown, Fella Ramson Anikulapu kuti, Polyrythmo de Cotonou qui chantait « Djeptiwandro »…
Fédéral Bar de Yelwa ou Housseini Lamou nous introduit, était notre point d’attache. Guy Roger, Gaston Assala et moi, allions danser le Rock. Nos pieds nus badigeonnés de peinture donnaient l’impression que nous étions chaussés, faut-il le préciser ! (rires). Une franche émulation régnait entre-nous. C’est plus tard seulement qu’Housseini Lamou introduit Ali Baba dans le groupe. Il chantait « Deptiwandro » et moi j’interprétais polyrytmo dans « Kounawo », une époque ou nous avons commencé à chanter avec le micro.
Un jour, on nous invite à Radio Garoua qui n’était pas encore le bâtiment que nous connaissons aujourd’hui. Là, six journalistes nous attendaient qui nous posèrent la question de savoir si nous voulions devenir des artistes professionnels. Nous répondîmes par l’affirmative et une fiche à remplir fut remise a chacun des vingt-quatre prétendants que nous représentions mais, sauf six furent retenus pour aller a Yaoundé donc moi y compris. Arrivé à Yaoundé, je n’avais pas de « godasses », personne pour me soutenir. C’est ainsi que je rentre auprès de ma mère vieillissante et malade qui avait besoin de moi a ses cotés a Garoua. Ali Baba quant a lui aura plus de chance car il va rencontrer Gabriel Lance qui l’emmène en 1985 en France enregistrer son premier album. A son retour, il me trouve jouant déjà chez Kouli Jean avec les Roka Fiesta de Garoua et ensemble, nous partons en tournée ici et là. Dans l’ensemble, j’avais composé deux titres a savoir « Ko mi yidi ma Aissatou » et « Djonde dounia ».
Parlant de composition, combien de titres avez-vous dans votre répertoire ?
J’ai 24 titres donc 12 enregistrés. Actuellement, je ne sais quoi faire car tous mes compagnons de route sont morts.
Quels ont étés les moments forts dans votre carrière d’artiste ?
Je n’ai jamais eu de moments difficiles ; la chance, quoi ! J’ai voyagé : au Tchad, à Yaoundé…
Existe-il une solidarité entre les artistes du Nord ?
Koula K : Entre artistes nordistes, ca n’a jamais été le grand amour : la jalousie rythme les comportements mais, a la fin ils commencent déjà à comprendre. Par ailleurs, nous avons introduit les filles nordistes dans la musique mais, j’ai rencontré beaucoup de difficultés : je m’étais retrouvé mainte fois au commissariat ou les inspecteurs de police me comprenaient en particulier Abessolo qui avait su dénouer mon problème d’avec Nafissatou N. devant le Commissaire remonté contre moi.
Koula Kayefi est-il marié ?
Oui, j’avais 3 femmes. 2 sont mortes et j’ai divorcé de la 3e. J’avais au moins 5 enfants : il m’en reste 2 maintenant et les autres sont morts. Des deux restants, l’un a 30 ans et est à Bertoua. Celui de 11 ans est avec moi ici à Garoua.
Leur avez-vous transmis votre art ?
Oui, celui de Bertoua joue très bien là-bas, celui de 11 ans est avec moi ici et vous aurez l’occasion de le connaitre.
Constatez-vous, pour ce qui est du cas du Nord, un changement sur le plan musical des origines à nos jours ?
Oui, il y a évolution car la relève est la. Je viens souvent à l’Alliance voir le théâtre, c’est bien mais, les artistes manquent de soutien et Je ne cesse de les encourager le plus souvent.
Au Sud du pays, les gens comprennent l’importance de l’art contrairement aux Nordistes qui prennent les artistes pour des mendiants. Personne ne m’a soutenu ; il faut se construire seul !
Avez-vous adhéré à l’une des sociétés des droits d’auteurs de votre pays ?
A la SOCILADRA, oui ainsi qu’au CEPER mais jamais a la CMC, SOCAM et SONACAM. J’étais découragé avec la mort de mes compagnons de route sauf deux de mes danseuses sont encore en vie et elles ont vieilli aujourd’hui ou j’ai 73 ans.
Vous êtes aujourd’hui un homme âgé, pensez-vous revenir sur scène ?
Koula Kayefi : Oui car je veille sur ma santé : je ne mange pas n’importe quoi ; ne fume pas, ne bois pas, je suis tradithérapeute et me soigne moi-même aussi, je tombe rarement malade. Raisons pour lesquelles je crois aux trente prochaines années s’il fallait que je meurs centenaire (Rires). Bref, ma carrière est encore devant moi si j’ai du soutien !
Justement c’est ce que nous commençons à faire déjà sur notre site.
Merci pour ce que vous faites Djabbar et toi, merci infiniment et qu’Allah vous comble.
Merci mais, nous tirons déjà à la fin de notre entretien : Quels conseils donneriez-vous à la jeune génération ?
(Pensif) De beaucoup travailler. Faut ne pas se décourager et être fier de ce que vous faites. Si nous n’avons pas réussi, vous, vous le pouvez ! Car avant, l’art n’était pas bien vu contrairement a aujourd’hui. Pour les anciens, c’était une activité païenne, aujourd’hui c’est toléré.
A l’époque, dans les années 69 ; j’ai mis un temps à Yaoundé ou j’ai rencontré des artistes comme Ange Ebogo Emerant, Ekambi Brillant, vieilles vedettes avec lesquelles j’ai joué sauf Manu Dibango, un plaisir que je souhaite à la jeune génération de vivre : partager la scène avec les grands !
Il y a une fin en tout ; nous le savons : nous allons tous partir un jour, un jour on est là et un autre nous ne sommes plus, comment espérez-vous quitter le monde ?
J’aimerais quitter le monde calmement, en paix au milieu de tous et qu’on prie pour mes péchés afin que Dieu m’accepte dans son royaume.
J’ai été assisté pour cet entretien par Djabbar avez-vous quelque chose à ajouter cher confrère ?
Djabbar : Non ; tout a été dit, je valide
Netour : Merci Djabbar ! Alors, votre mot de fin ?
J’encourage les artistes hommes et femmes à collaborer et à persévérer dans leur art ; il ne faut pas se décourager et se laisser influencer mêmes par ses propres parents qui pensent que l’art rime avec prostitution, mendicité, voyoutisme ; drogue… non ! Des brebis galeuses existent dans tous les corps de métiers donc, faut pas généraliser. L’homme et la femme doivent se mettre ensemble pour évoluer même dans le domaine de l’art : musique, écriture, danse, théâtre… donc, pas de discrimination. Quant a la Jalousie en milieu artiste, c’est une peste à éradiquer : Beaucoup d’artistes ont étés empoisonnés par leurs confrères et le « drame Zanzibar », a Yaoundé, est un cas d’école. Les griots ont la jalousie et les fétiches tandis que les autres artistes ont la jalousie et le poison, prenez garde en ne mangeant et ne buvant pas n’ importe où. Que Dieu vous comble et vous protège.
Merci Koula Kayefi d’avoir accepté notre invitation
Je vous en prie, c’est moi qui vous remercie