Par Raoul Nkuitchou Nkouatchet.
L’une de ces choses qui surprend dans le débat public chez nous, c’est cette absence d’ardeur au sujet d’une affaire qui revêt pourtant la plus grande importance : le développement économique. Pour des raisons inavouables, cet idéal impératif a été progressivement écarté des yeux, des oreilles et du cœur des gens. On a fait comme si le développement économique ne relevait que du simple débat académique, si ce n’est carrément de la pure discussion scolastique. Or, cette affaire engage la vie concrète des enfants, des femmes et des hommes dans le pays. En fait, il s’agit d’une question de vie ou de mort.
Il suffit pour le comprendre de se pencher sur les raisons qui poussent des milliers de jeunes Africains à mourir dans le Sahara ou dans la Méditerranée chaque année en tentant de rejoindre des cieux plus cléments en Europe. Le développement économique consiste en une transformation de la société qui permet durablement et cumulativement la croissance du revenu moyen, la satisfaction des besoins fondamentaux, la réduction de la pauvreté et l’amélioration des capacités humaines. Contrairement à ce qu’on croit, les Politiques ne peuvent pas tout, ils n’ont pas les moyens de changer l’histoire. Mais en matière de développement économique, les politiques peuvent beaucoup.
La politique économique du gouvernement joue un rôle essentiel dans le maniement des différentes pièces qui contribuent à la transformation de la société. Que ce soit au niveau de la rationalisation et de la valorisation des ressources humaines, de l’optimisation de l’exploitation des ressources naturelles, de l’amélioration de la formation de capital ou encore de l’essor de la technologie et des sciences. Au-delà de toute morale, lorsqu’on examine le fonctionnement de l’Etat ou la gouvernance du pays, l’INTÉRÊT apparaît comme un grand facteur d’entraînement dans l’ordre social ; dans la mesure où il représente le premier ressort du commerce entre les Hommes, la base de l’économie. Montesquieu, ne disait-il pas que « c’est presqu’une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces » ? Il y a en effet une relation cachée entre la vitalité économique d’un Etat et l’état moral de ses populations.
On a observé dans le temps et à travers le monde que l’intérêt économique des hommes et des femmes d’une cité, peut constituer un moyen de limiter l’arbitraire du pouvoir et la fureur du despotisme. Les marchands, qui ont tendance à défendre avec aplomb leurs intérêts et la liberté de mener leurs affaires, savent s’organiser contre les passions et l’oppression de la tyrannie. Dans le principe, l’intérêt d’une société baignée par l’économique est de condamner l’incompétence, l’arbitraire et la gabegie liés à l’exercice du pouvoir politique. Cependant, il reste à surmonter l’opposition entre les passions et les intérêts de certains qui les confinent dans la défense égoïste de leurs acquis dans la société. Il s’agit de l’effort qui vise à déplacer l’opposition entre les passions et les intérêts vers une articulation entre l’intérêt individuel et l’intérêt général. Cet effort aboutit à échéance à une forme d’autonomie entre les sphères économique et politique dans le pays, rendant ainsi la vie un peu plus douce au plus grand nombre.
C’est cette espèce de matérialisme, qui constitue effectivement l’une des vérités les plus nettes du monde, qu’exprime l’écrivain anglais Francis Hackett : « Je crois au matérialisme. Je crois aux bénéfices d’un saint matérialisme – de la bonne cuisine, des maisons préservées de l’humidité, des pieds secs, des égouts, de l’eau chaude, des bains, de la lumière électrique des automobiles, de bonnes routes, des rues éclairées, de grandes vacances loin du clocher du village, de nouvelles idées, des chevaux rapides, des conversations animées, des théâtres, des opéras, des orchestres, des fanfares – je crois en tout cela pour chacun d’entre nous. Un homme qui meurt sans connaître ces choses peut être aussi parfait qu’un saint, et aussi riche qu’un poète ; mais ce sera en dépit, pas à cause, de sa privation. »